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Saint Jean de la Croix
docteur de l'église catholique

article du Dictionnaire de Théologique Catholique
La Montée du Carmel_(pdf)_
La Nuit Obscure_(pdf)_
La Vive Flamme d'Amour _(pdf)
Cantiques Spirituels de l'Ame et de Jésus-Christ_(pdf)
Sentences Spirituelles_(pdf)
Maximes Spirituelles_(pdf)
Lettres Spirituelles_(pdf)
Précautions Spirituelles_(pdf) (pas encore sur le site)

Vie et Oeuvre de saint Jean de la Croix_(pdf)

col.767 début
JEAN DE LA CROIX (Saint), carme déchaussé, un des plus célèbres théologiens mystiques (1542-1591).
I. Vie. II. Œuvres. III. Doctrine.

I. VIE.  Troisième fils de Gonzalès de Yépès et de Catherine Alvarez, Jean naquit en 1542, à Fontibéros, dans la Vieille-Castille, et mourut à Ubeda, en [col.767 fin / col.768 début] Andalousie le 14 décembre 1591. Clément X le béatifia en 1675, et Benoît XIII le canonisa en 1726. Il revêtit l’habit dans l’ordre du Carmel le 24 février 1563 et pris alors le nom de Jean de Saint-Mathias, qu’il porta jusqu’au jour de sa profession dans la nouvelle observance, le 28 novembre 1568. Outre son éminente sainteté, deux œuvres l’ont rendu célèbre : ses écrits mystiques et la restauration de la règle primitive du Carmel, entreprise concert avec sainte Thérèse de Jésus. Il n’y a pas lieu de détailler ici les admirables vertus de Jean de la Croix. Elles parurent avec un caractère d’héroïcité inouï dans les souffrances que lui valut de toutes parts sa courageuse initiative. Nous ne signalerons de sa vie que ce qui intéresse sa qualité de théologien mystique. ? Jean de Yépès fit ses premières études à Médina del Campo. Le cycle de sa formation sacerdotale s’étend de 1556 à 1568. Il fut élève au collège de la Compagnie de Jésus à Médina del Campo jusqu’en 1562. L’année suivante il reçut le saint habit ; en 1564, après sa profession, on l’envoya au collège Saint-André, des Carmes, à Salamanque, où il fréquenta la célèbre université jusqu’à la fin de l’année académique 1567. Nous manquons de renseignements positifs pour fixer plus exactement la chronologie et l’ordre de ses études ; les données fournies par les biographes anciens ne se concilient pas aisément avec celles que nous recueillons dans un historien récent, Jean Dominguez Berrueta, Sta Theresa de Jesús y san Juan de la Cruz, Madrid, 1915. Un fait est acquis et a été vérifié sur place : le saint est immatriculé sur les registres de l’université de Salamanque. On y lit : Juan de Santo Mathia, del monasterio de Nuesto Señor San Andrès, natural de Hontiveros, (op. cit., p. 43). Tous les contemporains s’accordent pour reconnaître au jeune religieux les plus éminentes qualités d’esprit. Le manuscrit 13 488 de la Bibliothèque nationale de Madrid nous apprend que ses supérieurs, constatant ses progrès et sa grande capacité, lui confièrent la charge de préfet des étudiants ; et dans des Constitutions que le Père Rubeo écrivit pour le collège Saint André, Jean est nommé, maître des étudiants, avec la charge " d’enseigner une leçon et de présider aux thèses ". Wenceslas del S. Sacramento, O. C. D., Fisionomia de un doctor, 2 vol., Salamanque, 1913, t. I, p. 67. Il était très versé dans la théologie morale, et très perspicace en casuistique. C’est lui qui introduisit dans l’ordre la coutume des conférences des cas de conscience. Au couvent de Baeza, il obligeait chaque confesseur à résoudre un cas de conscience par semaine, et cela en présence de tous les religieux choristes. Lorsque se trouvait dans le couvent quelque religieux ancien professeur ou réputé savant, le saint présidait lui-même, expliquait le cas, le résolvait et invitait ses auditeurs, surtout les plus instruits, à lui faire des objections ; il y répondait avec précision et clarté ; tous connaissaient qu’à Alcala comme à Salamanque, sa façon de présider méritait l’admiration. Par ordre du commissaire apostolique, il organisa le premier collège de la Réforme, à Alcala ; les religieux fréquentaient l’université. On a peu de données sur les lectures de Jean et les sources de sa science, un historien contemporain affirme que pour la composition de ses ouvrages, il n’utilisait que la Sainte Ecriture ; en outre, il n’avait habituellement sous la main qu’un Flos sanctorum et le livre de saint Augustin, Contra hæreses ; ses écrits ne contiendraient donc que des réminiscences de saint Thomas, saint Augustin, saint Bernard, saint Grégoire, le Pseudo Denys, Aristote. A propos des études que le saint fit à Salamanque, le P. José de Jésus-Marie nous dit qu’aux matières de scolastiques " il joignait l’étude particulière des auteurs mystiques, notamment de saint Denis et de saint Grégoire. " His- [col.768 fin / col.769 début] toria de la vida y virtudes del Ven P. Fray Juan de la Cruz, Bruxelles, 1628.

II. ŒUVRES.  Les préliminaires de la dernière édition espagnole en trois volumes publiée par Gerardo de San Juan de la Cruz, Obras del mistico doctor San Juan de la Cruz, edición critica, Tolède, t. I et II, 1912, t. III, 1914, font amplement connaître les écrits de saint Jean de la Croix et leur histoire, passablement mouvementée.

Description des œuvres de saint Jean. ? On possède de lui : 1. Subida del Monte Carmelo y Noche oscura (La Montée du Carmel et la Nuit obscure). ? 2. Llama de amor viva (La vive flamme d’amour). ? 3. Cantico espiritual (Le Cantique spirituel). ? 4. Le tratado de las espinas de espiritu o Coloquios entre Christo y la Esposa (Le traité des épines de l’Esprit ou colloques entre le Christ et l’Epouse). ? 5. Tratado breve del concimiento oscuro de Dios afirmativo y negativo y modo de unirse el alma con Dios por amor (Bref traité de la connaissance obscure, affirmative et négative, et moyen pour l’âme de s’unir à Dieu par amour). L’authenticité de ces deux derniers écrits est controversée, mais le P. Gerardo de San Juan de Cruz, op. cit., la croit certaine et donne des raisons valables en faveur de l’authenticité. 6. Divers écrits moindres : Insrtucción y cautelas para ser verdadero religioso ; Avisos á un reliogioso ; Avisos y sentencias espirituales ; Cartas espirituales ; Dictamen sobre le espiritu de una religiosa ; Poesias misticas ; Una oración á la santissima Virgen ; Relación de la fundación del convento de las Carmelitas descalzas de Malaga (Instructions et précautions pour être un vrai religieux ; Avis à un religieux ; Avis et sentences spirituels ; Lettres spirituelles ; Décision sur l’esprit d’une religieuse ; Poésies mystiques ; Prière à la très sainte Vierge ; Relation de la fondation du couvent des carmélites déchaussées de Malaga.) ? Quelques lettres seulement et quelques po?sies. ? 7. Enfin, il faut signaler des Additions à la première Instruction que l’on imprima pour les novices carmes déchaussés. ? Le P. Gerardo, op. cit., ajoute un liste d’écrits attribués au saint, mais dont l’authenticité est douteuse. Parmi eux se trouve un traité intitulé Communicación del espiritu de Dios en su Yglesia (Communication de l’Esprit de Dieu dans son Eglise). Dans les préliminaires de son édition critique, le P. Gerardo le dit perdu ; plus tard il le découvrit à la Bibliothèque Nationale de Madrid, cod. 12 713, où nous avons constaté nous-mêmes que ce ms. répond au signalement qu’en donne le P. Andrés de la Encarnación (Cod. 13 482 de la même bibliothèque). Le nom de l’auteur est barré et absolument illisible. Cet ouvrage contient une doctrine très élevée et d’une particulière utilité en théologie mystique. ? Notons, pour terminer, une œuvre apocryphe : Breve compendio de la eminentissima perfección christiana (Bref compendium de la très éminente perfection chrétienne). Le P. Gerardo y relève de graves erreurs en mystique ; à la suite du P. Andrés de la Incarnación, carme (1716-1795), le P. Gerardo en rejette l’authenticité, et dans une note complémentaire, op. cit., t. II, Adiciones al t. I, il affirme que l’auteur est Ferdinand de Matha (1554-1612). ? Un mot des autographes : Il n’existe pas d’original de la Montée du Carmel, de la Nuit obscure, de la Vive flamme d’amour. On conserve au monastère des carmélites déchaussées de Sanlúcar de Barrameda, un ms. de la première rédaction du Cantique spirituel. Cette copie, que le saint auteur appelle borrador (brouillon) est corrigé et annotée de sa main. Cf. Gerardo de San Juan de la Cruz, Los autógrafos que se conservan del mistico doctor San Juan de la Cruz, edición foto-tipografica, Tolède, 1913. On y donne les Avis et Sentences, quelques [col.769 fin / col. 770début] lettres et documents, tout ce qui nous reste de tant de trésors.

2° Histoire de la publication. ? Les ?crits de saint Jean de la Croix eurent, nous l’avons dit, une existence très tourmentée. Pendant près de trente ans, les copies se succèdent, et aussi les plagiats ; le P. Gerardo, loc. cit., en signale deux nommément : 1. Mistica Teologia y doctrina de perfección evangelica à la que puede llegar et alma en esta vida, sacada del espiritu de los sagrados doctores (Théologie mystique et doctrine de la perfection évangélique à laquelle peut atteindre l’âme en cette vie, tirée de l’esprit des docteurs sacrés), par le P. Jean Breton, de l’ordre de Saint-François de Paule, imprimé à Madrid en 1614, soit quatre ans avant la première édition des œuvres du saint. Ce Père a copié, au pied de la lettre, des paragraphes entiers de la Montée du Carmel et de la Vive flamme d’amour, sans jamais citer le nom de saint Jean de la Croix. ? 2.Mistica Teologia, publiée en 1641 par le Père Gabriel Lopez Navarro lequel a transcrit, sans indication de sources, des chapitres entiers de sainte Thérèse et de saint Jean, et les aurait extraits de José de Jesús-Maria (Quiroga), O. C. D., Tratado de la oración y contemplación sacado etc.

Edition des œuvres. La première parut en 1618 à Alcalá : Obras espirituales que encaminan un alma a la perfecta unión con Dios. Por el Venerable Padre Fray Juan de la Cruz, primer descalzo de la Reforma de Nuestra señora del Carmen. . ., Con una resunta de la vida del autor, y unos discursos por el Padre Fray Diego de Jesús, carmelita descalzo, prior del convento de Toledo. Elle contenait trois traités : la Montée du Carmel, la Nuit Obscure, et la Vive flamme d’amour, œuvre pourtant déjà connue ; nous y reviendrons en son lieu. ? La 2e édition identique à la première, fur imprimée à Barcelone en 1619. Le P. Gerardo y signale de nombreux défauts : suppressions, mutilations, interpolations, modifications du sens, du style et des expressions. Suit l’édition de Madrid, 1630, qui donne le Cantique spirituel. Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, on se borna à reproduire cette troisième édition, en y ajoutant diverses poésies, de nouvelles lettres, une centaine de Sentences spirituelles, et les Précautions. On compte dix éditions jusqu’en 1701 : Barcelone, 1635, Madrid, 1649, 1671, 1679 ; Barcelone, 1693 ; Madrid, 1694, 1700. On considère comme onzième édition celle de Séville, 1701 ; en réalité elle est un compendium des œuvres du saint, auquel est joint le traité des Epines de l’esprit. ? Une douzi?me édition, plus parfaite que les autres, vit le jour en Séville en 1703, sous la direction du Père Andrés de Jesús-Maria. Vers 1730, 1740, les supérieurs chargèrent un religieux de la province de Nouvelle-Castille, de publier les œuvres en les corrigeant ; ce religieux n’accomplit pas sa tâche. Un autre religieux de la même province exposa au Définitoire général les motifs en faveur d’une édition définitive, et le 6 octobre 1754, les supérieurs ordonnèrent cette entreprise, et le confièrent à un homme éminent, le P. Andrés de la Encarnación, auquel s’adjoignit le P. Manuel de Santa Maria. De plus, par un ordre daté de Madrid, janvier 1760, le P. José de Jesús-Maria, ex-définiteur général, rédigea de doctes explications à insérer dans la nouvelle édition projetée. Le travail achevé fut présenté au Définitoire général qui décida de surseoir à la publication et de suspendre les travaux. Madrid, Bibl. nat., ms. 3653. Le P. Andrés put néanmoins continuer ses études, et rassembler des matériaux, mais il mourut sans en rien livrer au public. ? Editions post?rieures à celle de Séville : Barcelone, 1724, est un compendium identique à celui de Séville, 1701, cité plus haut ; Pampelune 1774, in-folio ; Madrid, 1853, dans la Biblioteca de Auctores españoles ; édition de la Compania de [col.770 fin / col.771 début] Libreros, 1872 ; Barcelone, 1883 ; Madrid, 1906, œuvre des religieuses de l’Asile de la T. S. Trinité. Toutes ces éditions reproduisent celle de Séville 1703. ? La dernière édition espagnole est celle du P. Gerardo de San Juan de la Cruz, carme déchaussé de la province carmélitaine de Vieille-Castille († 1922), citée plus haut. Elle contient : t. I, Preliminares ; Compendio de la vida de San Juan de la Cruz ; Subida del Monte Carmelo ; Appendice Ier, Algunos puntos cuyo textó es dudoso ;App. 2e, Biografias de los Padres Andrés de la Encarnación y Manuel de Santa Maria ; t. II, Noche óscura ; Cantico espiritual de segunda escritura (ms. de Jaën) ; Cantico espiritual de primera escritura (ms. de Sanlúcar de Barrameda) ; Llama de amor viva de la escritura, y de la primera escritura ; t. III, tous les autres écrits mentionnés plus haut, on outre : Tratado de la transformación del alma en Dios, por la Madre Cecilia del Nacimiento ; Tratado de la unión del alma con Dios, por la Madre Cecilia del Nacimiento ; Apuntamientos y advertencias, del Padre Diego de Jesús-Maria ; Indice de una obra importante del Padre Fray Andrés de la Encarnación. ? On voit que cette ?dition est surabondante. Il faut reconnaître ses mérites incontestables et apprécier la somme de travail qu’elle représente. L’éditeur a utilisé une multitude de documents qu’ont laissés le P. Andrés de la Encarnación et le P. Manuel de Santa-Maria, documents qui sont presque tous à la Bibl. nat. de Madrid. Il s’est servi de nombreuses copies anciennes, des écrits du P. José de Jesús-Maria et de la Théologie mystique du P. Breton. Mais il faut tenir compte aussi des critiques qu’on a formulées et qui paraissent fondées. M. J. Baruzi, dans le Bulletin hispanique, t. XXXIV, n. 1, janvier-mars 1922, Le problème des citations scripturaires en langue latine dans l’œuvre de saint Jean de la Croix, écrit : " Si elle (l’édition critique) a le mérite de nous apporter une exacte liste des manuscrits des autographes, et de retrouver, d’une manière générale, par delà les éditions fautives, le texte des anciennes transcriptions, (elle) ne nous indique pas avec rigueur pourquoi telle leçon est préférable à telle autre ; elle n’est nulle part conçue selon les règles du travail technique. Elle apparaît particulièrement contestable dans les procédés qu’elle adopte en ce qui concerne l’organisation des citations scripturaires. " Il s’en suivait que " le texte des œuvres de saint jean de la Croix est encore très mal établi " et que, les mss. autographes faisant défaut pour trois des traités authentiques, " en de nombreux cas des leçons sûres ne seront pas facilement obtenues. " Dans le même Bulletin hispanique, t. XXIV, n° 4, octobre-décembre 1922, le P. Ph. Chevalier, Le cantique spirituel de saint Jean de la Croix a-t-il été interpolé ? constate que le P. Gerardo ignorait certaines éditions ou ne les a pas consultées ; il lui reproche d’avoir mis en place d’honneur les interpolations de la rédaction B (ms. de Jaën) et relégué à la fin de l’ouvrage el primer cantico espiritual (ms. de Sanlúcar de Barrameda). Seule la rédaction A (cette dernière) avait droit de paraître en 1912, puisqu’elle est seule authentique. Le P. Ph. Chevalier appuie sa conclusion sur le fait suivant. Une traduction française du Cantique spirituel, la plus ancienne, faite par René Gaultier, fut publiée à Paris en 1622. En 1627 parut à Bruxelles, la première édition espagnole du même traité, due aux soins de la vénérable Mère Anne de Jésus (morte à Bruxelles le 4 mars 1621) ; le saint avait composé cette œuvre à sa demande, et il est certain qu’elle emporta d’Espagne en France et en Belgique le précieux ms. Or la traduction de 1622 est la seule qui s’accorde avec les nombreux mss. de la rédaction A (Ms. Sanlúcar) et l’édition princeps donnée à Bruxelles en 1627. Par contre les deux éditions [col.771 fin / col.772 début] publiées à Rome en 1627, et Madrid en 1630, et la rédaction B (ms. de Jaën) imprimée à Séville en 1703 et universellement répandue depuis, ne donnent qu’un texte interpolé, de plus en plus interpolé. " Chevalier, loc. cit., p. 340.Le même critique ajoute, p. 342 : " Qu’il nous soit permis d’indiquer, sans le prouver sur l’heure, que la Subida del Monte Carmelo, et la Noche oscura, telles qu’elles nous sont offertes par le P. Gerardo donnent lieu à des problèmes jusqu’ici insolubles. Quant à la seconde rédaction de la Llama de Amor viva, pour la première fois publiée en 1912, plus d’un passage suspect éveille en l’esprit du lecteur attentif une trop juste méfiance. Les Sentencias espirituales elles-mêmes ne nous satisfont pas : trois parmi elles ont l’astérisque qui ne le méritent pas, et 69 en sont privées qui auraient dû l’avoir. " Nous sommes tenus ici de cites ces opinions, laissant à la critique d’en faire justice dans la suite, s’il y a lieu.

Au présent catalogue, il faut joindre l’édition partielle de Bruxelles 1627 (Cantico espiritual). Les éditions étrangères seront signalées dans la bibliographie.

III. DOCTRINE. ? Pour avoir une notion de la pensée de saint Jean de la Croix, on peut se borner à l’étude de ces quatre grands traités : la Montée du Carmel, la Nuit obscure, la Vive flamme d’amour, le Cantique spirituel. Nos références se rapportent à l’édition espagnole de Tolède, 1912-1914, dont les divisions sont communes à toutes les éditions.

Montée du Carmel et Nuit obscure. ? Ces deux trait?s constituent une seule œuvre, et on doit les examiner ensemble. Notre saint a considéré sa doctrine en un poème, qu’il interprète ensuite en l’appliquant d’abord à ló activo dans une partie de la Montée, et à ló passivo dans la Nuit obscure. Malheureusement, des huit strophes de ce cantique, les deux premières seulement sont appuyées d’un commentaire ; le reste ne nous est pas parvenu. Un dessin du Mont symbolique, tracé par le saint lui-même, sert d’aide-mémoire ; il est accompagné d’une série de maximes, devenues célèbres, réparties en quatre strophes, où il n’est question que du Tout et du Rien (Todo y Nada).

1. Idée générale et plan. ? Le dessein de l’auteur est indiqué en tête : " La Montée du Carmel traite de ce que l’âme peut faire pour se disposer à parvenir promptement à l’union avec Dieu. Elle donne des avis et des conseils tant aux commerçants qu’aux avancés, afin qu’ils sachent se débarrasser de tout ce qui n’est pas spirituel, et ainsi demeure dans l’absolue nudité et liberté d’esprit, comme il est requis pour l’union divine. " P. Gerardo, édit. crit., p. 27. Saint Jean veut conduire l’âme jusqu’au sommet de la montagne, qui est le plus haut état de perfection, et qu’ici il appelle l’union de l’âme avec Dieu. Il lui fait donc chanter l’heureuse fortune qu’elle eut de traverser la Nuit obscure de la foi, où elle se dépouille et se purifie, pour parvenir à l’union parfaite d’amour, dans la mesure où le comporte la ive présente.

L’objet de son traité sera donc, nous dit le Prologue, de faire connaître sous tous ses rapports cette " nuit obscure ". Il s’y rencontre tant de ténèbres, d’angoisses, de tentations, de difficultés, de souffrances, que l’âme ne voit pas clair en elle-même ; elle est exposée à ne pas discerner l’action divine ; dès lors elle est tentée d’y résister ; tantôt faute de courage, tantôt manque de lumière, elle piétine sur place ; et alors même que Dieu interviendrait par faveur spéciale, toujours est-il qu’elle parvient au but tardivement, avec plus de peine et moins de mérite, parce que sa volonté n’était pas assez soumise. D’autre part il est des confesseurs et des directeurs spirituels qui n’entendent rien à ces voies secrètes ; ils accumulent les obstacles au lieu d’aider ; ils affolent les âmes et les tourmentent, en leur prescrivant des pénitences et des confessions [col.772 fin / col.773 début] générales. Pour remédier à ces maux et les prévenir, le saint auteur dira quelle doit être la conduite de l’âme et de celle du confesseur, les indices de la nuit des sens et de celle de l’esprit, et de plus, l’usage qu’il faut faire des faveurs divines. Une telle matière, bonne en elle-même, pourra paraître obscure, surtout au début ; mais, en continuant la lecture, en la répétant, ce qui suit éclairera ce qui précède. Cette spiritualité n’a pas les attraits que beaucoup d’âmes recherchent ; substantielle et solide pour tous, elle ne convient qu’à ceux qui consentent à passer par la nudité d’esprit. D’ailleurs l’auteur ne s’adresse pas à tout le monde, mais à quelques personnes, religieux et religieuses de l’ordre du Carmel de la primitive observance, qui lui en ont fait la demande.

La Montée comprend trois livres divisés en chapitres. Le l. I explique la première strophe du poème ; les deux autres se rapportent à la seconde strophe. La Nuit obscure tient deux parties : la Nuit des sens, et la Nuit de l’esprit ; la première commente la première strophe du même poème ; elle est partagée en vers et en paragraphes. La seconde reprend encore le même chant lyrique pour en exposer les deux premières strophes et indiquer la troisième ; elle est également divisée en vers et en paragraphes

Au premier chapitre de la Montée, saint Jean dresse le plan des deux traités. Pour parvenir à l’état parfait, l’âme doit ordinairement passer par deux sortes de " nuits ", que les auteurs appellent " purgations " ou " purifications ". La primera Noche. . . es de la parte sensitiva del alma, de la cual se trata en la presente Canción, y se tratará en la primer parte de este libro. La segunda es de la parte espiritual, de la cula habla la segunda Canción que se sigue ; e de esta tambien trataremos en la segunda parte cuanto á lo activo ; porque cuanto á lo passivo, será la tercera y la quarta parte. Il fallait reproduire ce texte, à cause des interprétations différentes qu’on peut en donner. Quoi qu’il en soit nous constatons, que l’auteur a réalisé son plan comme suit : Montée du Carmel, l. I, Nuit des sens (un seul chapitre, le XIII, est d’ordre pratique et concerne lo activo, c’est-à-dire enseigne ce que l’âme peut faire de sa propre initiative pour se procure la nuit des sens ; le reste a une portée doctrinale, sans distinction d’actif ou de passif et convient à la voie passive autant qu’à l’active ; il est donc inexact d’assigner comme objet, au l. I, pris en bloc, la purification active.), l. II et III, Nuit de l’esprit, purification active. ? Nuit obscure, en deux sections : Nuit passive des sens, nuit passive de l’esprit. Les quatre parties annoncées par l’auteur seraient donc ; 1re, l. I, 2e, l. II et II de la Montée ; 3e et 4e, les deux sections de la Nuit obscure.

2. Analyse de la Montée du Carmel. ? Qu’est-ce que le saint entend par " Nuit obscure " ? Il s’en explique dès le début : nous entrons ainsi en contact avec sa doctrine dont il pose dès l’abord les principes, l. I, c. II. L’union divine est considérée comme le terme vers lequel l’âme doit tendre. Il y a comme une distance à franchir, un passage à traverser : ce passage s’appelle nuit pour trois raisons : a) à cause du point de départ, car l’âme doit être libérée de l’appétit naturel inhérent à toutes ses puissances ; de ce chef elle sera donc dans la nuit, ne goûtant plus rien de créé ; ? b) à cause de la route elle-même qu’elle suit dans sa marche ; cette route c’est la foi, obscurité pour l’intelligence ; ? c) à cause du terme lui-même, Dieu, qui reste toujours ici-bas incompréhensible pour l’âme. " L’unicité de cette nuit " est bien mise en relief par la comparaison avec la nuit naturelle. La nuit des sens, la nuit de l’esprit dans la foi, et Dieu lui-même, dans l’état d’union parfaite ici-bas, ces trois nuits sont entre elles comme le crépuscule qui voile d’ombre les objets sensibles, [col.773 fin / col.774 début] minuit, ou les ténèbres totales, l’aurore enfin qui précède immédiatement la lumière du jour.

La privation du goût que l’on trouve dans l’exercice naturel des puissances, doit d’abord affecter la partie sensible de l’âme. C. III. C’est la première partie de la nuit des sens, absolument indispensable vu la nature même de l’union divine. C. IV et V. Car les appétits abandonnés sans frein à eux-mêmes engendrent dans l’âme des effets gravement dommageables, qui mettent obstacle à l’union parfaite, c. VI à X, quelques faibles que soient ces appétits. Le grand mystique précise. Il s’agit de mortifier les appétits dans ce qu’ils auraient de volontaire ; en eux-mêmes, s’ils ne dépassent pas un premier mouvement, et s’ils ne sont pas consentis, leur nuisance est nulle ou très minime ; il est impossible dans la vie présente des les mortifier totalement. Même il arrivera que durant l’union de quiétude très élevée, ils agissent indépendamment de la volonté absorbée dans l’oraison. Le mal ne réside pas en ce que l’appétit sensitif goûte son objet connaturel, mais en ce que la volonté s’y délecte, s’y repose comme dans son terme. Aussi notre saint docteur souligne-t-il que la mortification des sens doit viser à un profit spirituel ; mais telle est l’ignorance de plusieurs : ils s’adonnent à des pénitences et des exercices désordonnés, sans se mettre en peine de gouverner leurs appétits ; voilà pourquoi ils ne progressent pas dans la vertu. Le principal souci des maîtres spirituels doit donc être de mortifier leurs disciples. C. XI et XII. Nous arrivons ainsi aux principes de proprement ascétiques du saint. Le c. XIII est très important. Les éditions antérieures à l’édition critique portent des variantes que le P. Gerardo dit avoir introduites pour expliquer la doctrine du saint. " L’auteur va donner des avis pour entrer dans la nuit des sens ; jusqu’ici il en a simplement fait la description et prouvé la nécessité. Deux voies ordinairement y acheminent : l’une active, l’autre passive. Est dite active la voie où l’âme fait ce qui est en son pouvoir. (Ici, les éditions antérieures ajoutent : " aidés de la grâce ", ayudada de la gracia.) Dans la passive, l’âme ne fait rien d’elle-même ou par sa propre industrie ; mais Dieu agit en elle. " (Nouvelle édition dans les textes anciens : " Dieu agit en elle, moyennant des secours plus particuliers, con mas particulares auxilios et elle se tient passive, consentant librement, consintiendo libremente. L’on appréciera la portée de ces ajoutés, et l’on découvrira aisément les préoccupations qui les inspirèrent.) L’ascèse de saint Jean tient en quelques avis substantiels, méditer, imiter Jésus-Christ ; par amour pour Lui, renoncer à tout ce qui ne tend pas purement à la gloire de Dieu ; dans ce but mortifier l’attrait, en pratiquant les maximes Todo y nada. A noter que saint Jean admet de la méthode dans les exercices : obrando ordenada y discretamente. Pour réaliser cette œuvre, il faut à l’âme une flamme d’amour plus ardente, produisent des " anxiétés " capables de surmonter celles de l’appétit sensitif. C’est l’amour du divin époux ; source d’angoisses délicieuses et indescriptibles.

Le l. II de la Montée : " traite du moyen prochain pour parvenir à l’union divine ; ce moyen est la Foi. " On y trouve l’expose de toute la doctrine de la nuit de l’esprit. L’âme est plus heureuse d’avoir traversé celle-ci que la nuit des sens ; son cantique décrit les caractères et les avantages du chemin de la pure foi. L’âme dit notamment que grâce à la foi, sa maison, c’est-à-dire la partie rationnelle et spirituelle, est en paix, parce qu’elle est dépouillée des mouvements et anxiétés sensibles. Ce n’était pas le cas dans la nuit précédente ; alors, en effet, l’amour, quoique spirituel de sa nature, était accompagné d’angoisses d’amour sensiblement exprimées ; et il le fallait [col.774 début / col.775 début] pour contrebalancer l’attrait, quelquefois violent, vers les créatures (Comparer ici la traduction Hoornaert, t. II, p. 57, avec celle des carmélites de Paris). Mais la foi opère d’une façon purement spirituelle, imperceptible aux sens. Et l’âme pour s’adapter à cette influence, et dans la mesure où elle peut et doit coopérer d’une manière active, doit simplement consentir, fixer ses facultés avec tous ses goûts et appétits spirituels dans la foi pure. L’auteur dira aussi comment l’âme se dispose activement à la nuit par l’exercice de la foi. Quant à l’opération divine que l’âme reçoit passivement, il en sera question plus tard. Remarquons ici encore les expressions " nuit active " et " nuit passive ", elles désignent deux attitudes à l’égard d’une seule et même nuit causée par la foi.

Jean établit d’abord que la foi est pour l’âme une nuit obscure, c. II ; puis il indique la coopération positive à fournir à la divine lumière. Par manière de parenthèse, il explique la nature de l’union de l’âme avec Dieu, c. IV. Ensuite il montre en détail la collaboration active, laquelle consiste dans l’exercice des trois vertus théologales, c. V. Cette voie ou façon de procéder, est la " voie étroite " car elle exige un complet dépouillement, c. VI. Voici maintenant la coopération (dispositive toujours), que l’on peut appeler négative, parce qu’elle consiste à rejeter toute connaissance autre que la foi. A cet effet, l’auteur expose en général, c. VII, que ni créatures, ni connaissances distinctes quelconques ne peuvent servir des moyens prochains à l’union divine, et, au c. VIII, il prouve que cette fonction appartient en propre à la foi.

Tout le reste du l. II, et le l. III de la Montée traitent des connaissances distinctes et enseignent à en tirer bon parti, en évitant les écueils. Vient d’abord, c. IX, la classification complète des connaissances que l’entendement peut acquérir par voie naturelle et surnaturelle. Les notions provenant par voie naturelle des sens extérieurs ont fait l’objet du l. I de la Montée. Le c. X, s’occupe donc des perceptions d’ordre surnaturels des sens extérieurs. Au c. XI, nous rencontrons les perceptions acquises par l’exercice naturel de l’imagination ; elles entrent en jeu dans la pratique de la méditation, dite pour ce motif " discursive ". Pour parvenir à l’union divine, ce discours doit cesser, car il trouble l’exercice du pur amour dans la foi. La question est de déterminer le temps opportun où l’âme peut et doit renoncer à l’activité naturelle, l’arrêter ; il faut savoir, à quel moment le discours n’est plus pour l’âme le moyen apte qui lui fut utile jusqu’ici, moyen naturel et premier qu’il n’est pas permis de délaisser aussi longtemps que d’autres besoins de l’âme ne le rendent pas inutile ou même nuisible. C’est ici, c. XII, que Jean explique les trois signes auxquels l’homme spirituel peut s’apercevoir qu’il doit sans crainte abandonner la méditation ; c’est a) l’impuissance à méditer ; b) l’inappétence totale de l’imagination et des sens à l’égard de tous leurs objets respectifs ; c) l’attrait vers l’attention amoureuse et solitaire à Dieu, dans la paix, la quiétude, le repos total, à l’exclusion de tout travail discursif des facultés. Les trois signes doivent exister simultanément. Quelle attitude conseiller alors ? Le docteur mystique répond : Que ces âmes apprennent à s’appliquer à Dieu dans une attention amoureuse, en toute quiétude, sans recourir à l’imagination. Et il ajoute : Si parfois les puissances de l’âme agissent, que ce ne soit pas avec effort, ni par discours laborieux, mais en suavité d’amour, mues par Dieu plutôt que par l’initiative personnelle, comme nous le dirons dans la suite. C’est en effet l’action spéciale de Dieu qui cause dans l’âme les trois effets par où se décèle sa présence. Il convient aussi de remarquer qu’au début, l’amour est si subtil [col.775 fin / col.776 début] et si délicat qu’on l’aperçoit à peine, d’où une tendance à retourner à l’ancienne habitude. L’auteur explique magistralement pourquoi la contemplation est ténèbres pour l’âme, pourquoi il faut la posséder avant d’abandonner le discours, son intensité variable, la part qu’y prennent tantôt l’entendement, tantôt la volonté, le motif pour lequel on l’appelle connaissance générale et amoureuse, comment l’âme n’y est pas inactive quoiqu’il y paraisse, enfin, c. XIII, qu’il est utile, au début, de reprendre parfois l’opération naturelle des facultés. Signalons encore un point de doctrine important. L’amour contemplatif est un don que Dieu accorde soit par l’intermédiaire des actes de méditation, soit immédiatement ; en tout cas, l’activité spontanée de l’âme est une cause dispositive, et non efficient par rapport à la contemplation.

Notre mystique continue ensuite l’examen des perceptions distinctes. Les visions imaginatives, c. XIV, ne sont pas un moyen prochain d’union, mais le Seigneur les utilise parfois pour communiquer des biens spirituels, parce qu’il adapte son action à la nature ; quoiqu’il lui plaise en d’autres cas de passer outre à ses exigences. L’âme ne peut ni les rechercher, ni s’y attacher ; en cela, elle ne s’oppose pas à la volonté de Dieu ; au contraire, pour se conformer à l’intention divine, l’âme doit retenir l’avantage spirituel produit passivement et qu’elle ne saurait empêcher, mais elle doit renoncer à la vision elle-même en toute humilité et respect, sans quoi son imperfection neutraliserait le bon effet de la vision. De plus, l’âme s’expose à perdre du temps, rencontre des difficultés, lorsqu’elle veut faire le départ entre les visions bonnes et les mauvaises, c. XV. Certains directeurs spirituels manquent ici de discernement, c. XVI ; leur attitude encourage le pénitent à s’occuper de ses visions, ou même ils se servent de lui comme d’intermédiaire auprès de Dieu ; ils ouvrent ainsi la porte à de graves erreurs, car les révélations et paroles divines n’ont pas toujours le sens que l’homme y découvre ; on ne peut s’y appuyer, ni les admettre aveuglément, alors même que leur authenticité serait indubitable ; nous pouvons en effet les interpréter faussement, c. XVII, faute d’apprécier exactement les causes qui les ont provoquées, c. XVIII. Quoique Dieu daigne parfois répondre à qui l’interroge, Il n’aime pas qu’on use de de ce moyen, et s’en montre souvent irrité, c. XIX. C’était licite sous l’ancienne loi, mais depuis que Dieu nous a parlé par son Fils Jésus-Christ, Il n’a plus rien à nous dire et c’est une exigence injustifiable, et injurieuse à Dieu que de ne pas s’en contenter. D’autre part les confesseurs éviteront l’excès contraire ; puisque ces communications sont un instrument de Dieu, ils n’en seront ni effrayés, ni scandalisés ; mais écouteront bénignement les confidences, et au besoin les imposeront, puis persuaderont leur disciple qu’un seul acte de charité est plus précieux devant Dieu que toutes les communications du ciel ; nombre d’âmes en manquent, qui pourtant sont incomparablement plus avancées que d’autres abondamment favorisées sous ce rapport, c. XX.

Le saint docteur passe ensuite aux perceptions purement spirituelles, produites sans l’intervention des sens, et reçues dans l’âme passivement : visions, révélations, paroles et sentiments spirituels, c. XXI. Les visions peuvent porter sur des substances corporelles, et sur des substances immatérielles : Dieu, les anges les âmes. Elles requièrent une lumière supérieure, incompatible avec la vie présente si ce n’est par exception. Ces visions de substances spirituelles ne sont pas reçues ici-bas de façon claire et nette ; elles peuvent néanmoins se faire sentir dans la substance de l’âme, au moyen d’une connaissance amoureuse accompagnée de touches très suaves ; ceci appartient [col.776 fin / col.777 début] à la catégorie des sentiments spirituels, dont le saint traitera au moment opportun, lorsqu’il s’agira de la connaissance obscure d’amour, qui est la foi, et qui d’un certaine manière sert en cette vie à l’union divine, comme la lumière de gloire sert à la claire vision dans l’autre. A l’égard des visions intellectuelles de la première espèce, l’âme doit observer les règles données aux chapitres précédents concernant les perceptions surnaturelles sensibles, c. XXII. ?Les révélations d’ordre purement spirituel, dont quelques unes appartiennent à l’esprit de prophétie, ont pour objet, ou la notification claire de quelque vérité, ou la manifestation de mystères. Les premières diffèrent absolument des perceptions dont traite le c. XXII. Elles consistent à comprendre des vérités concernant Dieu et les créatures, et cela au-dessus de ce qui est, a été, et sera ; connaissances très savoureuses, elles apportent au cœur une joie inexprimable ; elles sont réservées à l’âme parvenue à l’état d’union, car elles sont cette union même : Dieu y est senti et goûté, non aussi clairement que dans la gloire, mais pourtant par une touche vive et haute qui pénètre la substance de l’âme. Le démon ne peut s’entremettre ici. L’âme se trouve enrichie de vertus et comblée de jouissances. Elle ne peut que recevoir avec humilité, et ne doit pas renier ces perceptions, comme on l’a recommandé pour les précédentes, car elles sont des faveurs accordées à l’âme détachée de tout, et font partie de l’union. Les perceptions concernant les créatures sont inférieures, et presque sans utilité au progrès spirituel ; il faut se soumettre au jugement du directeur, et les repousser, s’il le juge convenable, c. XXIV. Les révélations ayant pour objet de découvrir des secrets et des mystères font connaître Dieu en soi, où Dieu révélé dans ses œuvres, naturelles et surnaturelles. On doit se prémunir contre les contrefaçons diaboliques, et en général se garder prudemment afin d’avancer sans erreur dans la nuit de la foi, c. XXV. ? Les paroles intérieures peuvent se ramener à trois espèces : les successives, c. XXVII, les formelles, c. XXVIII et les substantielles, c. XXIX. L’auteur fournit dans chaque chapitre une doctrine abondante, théorique et pratique, ramenant toujours son enseignement au but qu’il poursuit. En résumé on ne doit faire aucun cas des paroles successives et formelles, mais se gouverner en tout par la raison et par l’enseignement de l’Eglise. Dans les paroles substantielles, qui, peut-on dire, opèrent ce qu’elles signifient, il n’y a ni à désirer, ni à rejeter, mais à s’abandonner ; pas d’illusion à craindre, ni de l’âme ni du démon. ? Les sentiments spirituels, c. XXX, sont d’ordre absolument passif ; ils opèrent dans la volonté et dans l’intelligence. L’activité de l’âme n’y intervient nullement. Ce sont des touches de l’union opérée passivement dans l’âme.

Le livre III a pour sujet la purification active de la mémoire et de la volonté par les vertus d’espérance et de charité. L’auteur avertit de nouveau qu’il s’adresse pas aux commençants, mais à ceux qui progressent vers l’union divine par la contemplation. Le c. I nous apprend à ne pas retenir les connaissances acquises naturellement par les sens extérieurs ; elles font toujours obstacle à l’union, n’étant pas proportionnées à l’être divin. ; aussi arrive-t-il que l’union vide la mémoire, jusqu’à provoquer la sensation du vertige. Et que l’on ne dise pas que c’est détruire la nature ; au début les distractions sont inévitables, mais elles cessent dans l’état d’union habituelle ; le fonctionnement des facultés s’en trouve au contraire perfectionné, les œuvres et prières des âmes arrivées à cet état sont toujours efficaces ; comme ce fut le cas pour la vierge Marie, élevée dès le principe à cet haut état d’union. Il appartient à Dieu seul de placer l’âme dans [col.777 fin / col.778 début] cet état surnaturel ou la mémoire se vide ; on demande simplement à l’âme de s’y disposer dans la mesure de ses capacités, selon les conseils donnés plus loin. Les c. II-IV exposent les dommages causés par les notions distinctes et naturelles, le c. V explique les avantages de l’oubli. La présente doctrine s’applique également aux perceptions naturelles de l’imagination. Du c. VI au c. XII, l’auteur s’occupe de la mémoire imaginative en tant qu’elle retient des notions reçues par voies surnaturelles ; visions, révélations, paroles intérieures, sentiments. L’âme doit veiller à ne pas s’embarrasser ; divers dommages pourraient s’en suivre : erreur, vanité, illusion diabolique, obstacle à l’union par l’espérance, le plus souvent notions impropres sur Dieu. Au c. XII, on signale simplement les connaissances que l’intelligence conserve ; l’auteur les place parmi celles de la mémoire, bien qu’elles n’appartiennent pas à la fantaisie. Mais il n’entre pas dans le détail, pour ne pas faire double emploi avec le c. XXIV du l. II où ces connaissances ont été traitées comment perceptions de l’entendement. Saint Jean, à l’encontre d’une opinion qu’on a parfois émise, n’admettrait donc pas la mémoire comme faculté distincte de l’intelligence. En résumé, c. XIV, que l’homme spirituel se tienne dans le vide de tout le créé, faisant usage des maximes exposées l. I, c. XIII et s’élance affectueusement vers Dieu. Mais qu’il ne laisse pas de penser et de se rappeler ce qu’exige son devoir ; pourvu qu’il ne s’y attache pas avec esprit de propriété, aucun dommage n’en résultera. Bien entendu, cette doctrine n’a rien de commun avec celle qui prétend supprimer totalement les images de Dieu et des saints.

Nous arrivons à la nuit obscure de la volonté, c. XV-XLIV. L’âme doit garder toutes ses forces pour Dieu, les gouvernant par la volonté, et exclure toutes les affections déréglées : joie, espérance, douleur et crainte doivent servir et non commander ; En premier lieu vient la jouissance, en tant qu’active et volontaire, provenant de choses distinctes et clairement perçues. Six genres d’objet peuvent la provoquer : temporels, naturels, sensibles, moraux, surnaturels et spirituels. Chaque catégorie est traitée à part, les diverses classes d’objets, étudiées séparément avec leur puissance respective et l’art de s’en servir sans dommage pour l’âme. Ici se place une description magnifique, en un style éloquent et vigoureux, des maux qu’entraîne la jouissance des biens naturels, surtout des charnels. Puis viennent des lumières sur la pratique du renoncement et ses avantages, sur l’humilité et l’amour du prochain : " Nul ne mérite d’être aimé si ce n’est à cause de sa vertu ; aimer ainsi c’est aimer selon Dieu et en toute liberté ; plus alors l’affection grandit plus aussi croît l’amour de Dieu. " C. XXII. Avec quelle discrétion le saint enseigne l’usage des biens sensibles ! Quelle sagesse, quelle science dans ces conseils, sur la manière de distinguer entre la saveur sensible utile et la nuisible, car il en existe dont certaines âmes ont besoin, pour aller à Dieu, c’est conforme à l’ordre établi par Dieu même, qui veut par là être mieux connu et aimé. Celui qui ne sentirait pas cette liberté d’esprit par rapport aux objets et goûts sensibles, mais y attacherait sa volonté, devrait absolument s’en servir, c. XXIII. Plus loin, l’auteur explique comment le sensible, dans l’âme purifiée, étant soumis à l’esprit, devient un docile instrument, au point que l’âme arrive à goûter le spirituel même par ses puissances sensitives, c. XXV. Les vertus naturelles (biens moraux), reçoivent une récompense d’ordre naturel, car Dieu aime tout ce qui est bon, même dans le barbare et le païen. Le chrétien peut donc s’en réjouir à ce titre, mais ne doit pas en rester là ; son devoir est de mettre sa joie dans la vertu par motif d’amour de Dieu et en vue de la [col.778 fin / col.779 début] vie éternelle, c. XXVI. Les biens surnaturels sont donnés pour l’utilité de tous, à la différence des biens spirituels, qui font l’objet d’un commerce intime et privé entre Dieu et l’âme. Ils procurent un double, temporel d’une part, spirituel et éternel d’autre part, on ne doit s’en réjouir qu’à ce dernier titre. Dieu permet sans doute à la nature et au démon d’imiter ses œuvres. Celles qui sont authentiquement divines sont reconnaissables au profit qu’elles apportent à qui les opère, c. XXIX. Ceci amènera l’auteur à développer sa pensée en parlant des sorciers, magiciens, etc., qui ont pactisé avec le démon, c. XXX. Voici enfin la sixième et dernière classe de biens, les spirituels destinés à acheminer l’âme vers l’union divine. On peut en faire une double classification : a) biens pénibles et biens agréables, partagés de part et d’autre en obscurs et confus, clairs et distincts ; b) biens intellectuels, affectifs, imaginatifs. Il sera question ici que des biens spirituels agréables, dont l’objet est clair et distinct. L’étude du reste est réservée à la nuit passive. On en compte quatre espèces : a. émotifs : Images et statues des saints, oratoires, cérémonies du culte, lieux et exercices de dévotion. Avec beaucoup de sens théologique, l’auteur combat les superstitions et les pratiques vaines et indiscrètes ; et, par ailleurs, avec beaucoup de sens artistique, il disserte sur les églises et les lieux de prières, c. XXXII-XLIII. ? b. Provocatifs : c. XLIV, la prédication, considérée au double point de vue du prédicateur et des auditeurs. Le saint proclame la valeur de l’art de la parole, qui, dit-il, sauve les causes en péril comme l’absence de rhétorique perd les meilleures causes. . . La Montée du Carmel se termine ici sur une phrase inachevée. Deux espèces de bien spirituels ne sont pas expliqués : les directifs et les perfectifs. Le P. Gerardo opine que par directifs, Jean entend ce qui concerne la direction spirituelle ; les perfectifs seraient les vertus et les grâces divines. Le saint se proposait aussi de traiter l’espérance, la douleur et la crainte. Voir l. III, c. XV. Nous ignorons si ces plans ont été réalisés.

A la suite de la Montée, l’édition critique publie deux fragments inédits, et les attribue à Saint Jean : La jouissance, première affection de la volonté. Nul objet de l’appétit est un moyen proportionné à l’union divine par la volonté. ? Pour s’unir à Dieu, la volonté doit être vide de tout appétit naturel. On retrouve dans ces textes le style et la doctrine de notre saint.

3. Analyse de la Nuit obscure. ? Le livre intitul? Nuit obscure a pour thème le cantique déjà commenté dans la Montée du Carmel. Les deux premières strophes exposent les effets des deux purifications spirituelles, des sens et de l’esprit ; les six autres comprennent les effets multiples et merveilleux de l’illumination spirituelle et de l’union d’amour avec Dieu. Notons de suite que cette dernière partie nous manque ; la Nuit obscure comme la Montée, contenue dans les mss que nous possédons, est inachevée. Conformément au dessein annoncé, Montée, l. I, c. I, l’auteur va expliquer le second aspect de la " Nuit " des sens et de l’esprit et non pas, qu’on le remarque bien, une autre partie de cette nuit. Il s’agira de lo passivo c’est-à-dire de ce que Dieu fait dans l’âme sans autre concours positif de sa part que son libre consentement.

Et d’abord, pourquoi cette action spéciale de Dieu ? Parce que l’âme est incapable par sa propre industrie de se purifier autant que le requiert l’union d’amour ; sans doute convient-il qu’elle travaille de son mieux à s’y disposer, mais Dieu doit y mettre la main pour parachever l’œuvre. Strophe I, vs. 1, § IV. D’où description des imperfections propres aux commençants, ramenées aux sept péchés capitaux. Str. I, § I- VIII. Le saint docteur, en psychologue averti, [col.779 fin / col.780 début] fouille tous les replis de la nature humaine déchue avec une pénétration extraordinaire, encore avoue-t-il n’avoir signalé que le plus important. Dieu fait donc progresser en opérant l’universelle suppression des goûts et saveurs à l’endroit du créé. C’est la Nuit dite " passive ".

Et par quel moyen opère-t-il ? Par la nuit de contemplation, qui produit deux sortes de ténèbres ou de purifications, selon les deux parties de l’âme, la sensitive et la spirituelle. On débute par la nuit des sens qui est très commune. Celle de l’esprit est le propre des avancés ; elle est très rare, § IX. L’auteur entre en matière en donnant les trois signes auxquels le spirituel discerne expérimentalement la nuit des sens, § X, puis il indique la conduite à tenir, § XI. on rencontre ici le texte, ayant trait à l’appel de la contemplation : porque no à todos los que se ejercitan de propositio en el camino del espiritu lleva Dios à contemplación ni aun à la mitad : el por qué, le se lo sabe. " Dieu n’élève pas à la contemplation tous ceux qui s’exercent délibérément dans le chemin de l’esprit, pas même la moitié ; le pourquoi, Lui seul le sait. " Ce texte fait difficulté pour les tenant de la " contemplation accessible à tous " (cf. Arintero, O. P., Cuestiones misticas, Salamanque, 1920, 2e édit.). Notons aussi que certains écrivains distinguent les " signes " donnés dans la Montée, l. II, c. XI et XII, de ceux de la Nuit obscure. D’autres y voient des notions qui se complètent mutuellement.

A la purification passive des sens succède celle de l’esprit, mais pas toujours immédiatement ; cette purification est nécessaire pour achever de spiritualiser l’âme, encore appesantie par le corps. Celle-ci reçoit des communications qui produisent des faiblesses, fatigues, ravissements, extases, secousses des os, preuve que les communications ne sont pas purement spirituelles, comme le requiert l’union. Le traitement par la nuit de l’esprit fait graduellement disparaître ces imperfections, et d’autres encore, habituelles et actuelles. L’auteur observe ici que les deux parties de l’âme ne se purifient jamais bien l’une sans l’autre. La nuit devrait s’appeler réforme, et cohibition de l’appétit, plutôt que purgations, car les désordres de la partie sensitive tiennent de l’esprit leur origine et leur force. Mais avant de les soumettre conjointement à une même action purifiante, il fallait accommoder le sens à l’esprit.

En quoi consiste cette action spéciale de Dieu ? C’est la contemplation infuse, ou Théologie mystique, dans laquelle Dieu inscrit secrètement l’âme en perfection d’amour, sans que celle-ci agisse de son propre mouvement, ni même comprenne cette divine influence. Elle est cette sagesse amoureuse de Dieu, disposant l’âme par purification et illumination à l’union d’amour, celle-là même qui purifie les esprits bienheureux. En cette vie, à cause de la disproportion, elle est cependant nuit obscure, pénible, affligeante. Les extrêmes, le divin et l’humain, sont appelés à s’unir étroitement, intimement ; l’humain doit subir une transformation radicale que saint Jean désigne par les expressions les plus fortes : désassimilation intérieure, destruction expérimentée dans la substance de l’âme, sécheresse, vide, pauvreté, nudité, etc. Cet état st un véritable purgatoire anticipé, et ‘âme qui le subit maintenant ne séjournera pas plus tard, ou du moins ne sera que peu de temps, dans celui d’outre-tombe, car une heure de ce purgatoire ici-bas est plus efficace que plusieurs heures dans l’autre vie. La volonté, § III, a aussi sa grande part de terribles souffrances ; malgré certains soulagements, certaines consolations intermittentes, l’âme sent qu’elle n’est pas au bout de ses peines. A propos du purgatoire le saint docteur ne dit pas que les âmes y doutent [col.780 fin / col.781 début] positivement de leur salut ; mais elles ignorent la drée de leurs peines, et surtout, ne voient pas en elles-mêmes une cause qui les ferait cesser ; elles n’ont l’expérience que de leur misère, et non de l’amour que cependant elles donnent à Dieu consciemment de tout leur pouvoir. Une telle douleur s’explique par la nature de l’amour, et l’absence de l’Aimé.

Après le tableau des souffrances, voici les effets admirables d’illumination intérieure, § V ; ce n’est pas Dieu qui torture intentionnellement, c’est l’âme qui pâtit de sa propre résistance, § VI.

Le second vers la première strophe célèbre le commencement d’une véhémente passion d’amour divin, fruit des rigoureuses épreuves, qui pourtant ne sont pas terminées. L’auteur annonce les règles pour discerner les mouvements naturels des surnaturels ; il énumère les propriétés de la contemplation ou théologie mystique, d’après saint Thomas. Elle est secrète, ignorée des créatures, même du démon ; l’état qu’elle détermine est sujet à des fluctuations, d’où l’image " Par l’escalier secret je suis sortie déguisée ", str. II, vs. 1 ; la contemplation est science d’amour, connaissance infuse et amoureuse de Dieu, illuminant l’âme et l’embrassant pour l’élever graduellement jusqu’à Dieu son créateur. Str. II, vs. 2. Les degrés de l’escalier se reconnaissent aux effets, on ne peut les voir en eux-mêmes par voie naturelle ; ces effets sont, d’après saint Bernard et saint Thomas, les dix degrés de l’échelle mystique ; noter que sans l’humilité on ne peut se maintenir sur aucun degré. Celui qui meurt lorsqu’il se trouve sur le neuvième, ne passe point par le purgatoire. Le dixième degré appartient au ciel. L’auteur achève sa matière en expliquant la " cachette " de l’âme : " Quand Dieu la visite par l’intermédiaire du bon ange, l’âme ne marche pas encore totalement dans l’obscurité et en secret. Mais lorsque Dieu la visite par lui-même, elle est cachée à l’ennemi ; la Divine Majesté demeure substantiellement dans l’âme ; ni ange, ni démon ne parviennent à connaître leurs communications réciproques ; ce sont les touches substantielles de divine union entre l’âme et Dieu, le degré suprême d’oraison. " Str. II, vs. 4. L’âme est établie dans un état de paix semblable à l’état d’innocence d’Adam, quoique n’étant pas tout à fait délivrée de toutes les tentations de sa partie inférieure, vs. 5. La Nuit obscure se termine ici par une très brève exposition de la strophe 3e, sans commentaire développé.

2° La Vive flamme d’amour commente les quatre strophes du cantique chanté par l’âme parvenue à l’état de transformation en Dieu, mais dans un degré d’amour plus consommé, plus parfait, qui lance des étincelles et des flammes. Sou l’influence des profondes et délicates douceurs de l’amour, elle dit quelques-uns de ses merveilleux effets. Ici surtout saint Jean de la croix se révèle docteur mystique par excellence ; mais il est aussi à l’occasion, théologien de la mystique.

Le traité de la Vive flamme se refuse au résumé analytique. Il est tout entier descriptif. Un souffle de vie intense anime la pensée ; le style est enflammé, enthousiaste, d’une éloquence fortement communicative. " On a dit à juste titre que pour parler de l’amour divin avec plus de pénétration, il faudrait avoir joui de la béatitude même. Les pages écrites par saint Thérèse sur ce sujet, pour admirables qu’elles soient, n’atteignent pas la profondeur de vues, ni la puissance d’expression de saint Jean. Se trouvant en présence de l’infini obscur, puisque l’amour de Dieu c’est Dieu même, le saint ne fait que décrire les impressions qu’il a reçues, seul moyen qui reste à la disposition de l’intelligence dans cet état exceptionnel. Bien qu’il s’en est défende, et c’est l’opinion [col.781 fin / col.782 début] du P. Gerardo, il fait le récit de son expérience personnelle et nous a donné une sublime contemplation de l’amour le plus qualifié plutôt qu’un traité. " Hoornaert, op. cit., t. III, avant-propos, p. XXIV.

L’objet de la Vive flamme est, nous l’avons dit, l’état de transformation en Dieu par l’amour. La première strophe expose le fait que l’âme étant toute à Dieu par l’amour, et blessée à mort, désire l’union parfaite, éternelle et immuable. La seconde strophe décrit les effets produits dans l’âme par cet amour ; ils sont figurés par le cautère, la plaie, la touche, la main. La troisième chante l’amour que l’âme, dans cet état, rend au Bien-Aimé, capable qu’elle est de connaître et d’aimer ; l’amant n’est satisfait que lorsque que toutes ses capacités s’occupent dans l’Aimé. Et dans la quatrième il s’agit des retours ineffables de Dieu vers l’âme. Notons simplement, au courant de la lecture, quelques points de doctrine.

C’est à l’Esprit-Saint, l’esprit de Jésus, que saint Jean attribue toute l’œuvre. Ce même feu divin qui glorifie au ciel, purifie ici-bas, et par là dispose à l’union transformante. L’Esprit-Saint est le principe moteur de tous les actes et opère dans le " centre " de l’âme. Il n’y avait pas jusqu’ici acte d’amour proprement dit, quand l’âme agissait como de suyo " par elle-même " ; alors c’était disposition à cet amour, c’est-à-dire dispositions en désirs et sentiments successifs, que nunca llegan à ser actos perfectos, " qui n’arrivent jamais à être des actes parfaits. " (La première rédaction de la Vive flamme porte : que muy pocos llegan à ser actos perfectos de amor à contemplación " dont bien peu arrivent à être des actes parfaits d’amour de contemplation, " nuance qu’il importait de signaler, op. cit., t. II, p. 406, str. I, vs. 6). Les actes spirituels sont infusés par Dieu (ibid.). L’âme doit s’exercer ici-bas à l’amour. Peu d’âmes parviennent à un état si élevé, et il est accordé principalement à ceux dont l’esprit et la vertu doit passer à des disciples, Dieu donnant les prémices aux chefs dans la mesure proportionnée à la postérité qu’Il leur destine. Str. II, vs. 2, p. 414. Dieu permet que le corps même porte les traces des blessures de l’âme, comme en saint François d’Assise. Les délices sont plus intenses et saisissent plus subitement, lorsque l’âme seule est blessée, et non la chair ; néanmoins un puissant effet spirituel peut se répercuter dans ce sens. Qu’est-ce que la " touche " mystérieuse ? " Vous m’avez touché de la splendeur de votre gloire et de la figure de votre substance, qui est votre Fils ; c’est lui qui est cette touche délicate dont vous m’avez atteint avec la force du cautère ", touche substantielle, de la substance de Dieu à la substance de l’âme ; beaucoup de saints l’ont expérimentée ici-bas. Elle contient une saveur de vie éternelle, non au degré parfait, mais très réelle cependant ; l’âme en jouit selon ses puissances et selon sa substance ; le corps lui-même s’en ressent, quelquefois jusqu’aux extrémités de articulations des pieds et des mains. Saint Jean revient ici sur un de ses thèmes favoris : la nécessité de porter la croix de Jésus. " C’est le moment de dire pourquoi il en est si peu qui arrivent à ce haut état de perfection ; le motif n’en est pas en ce que Dieu désire qu’il y ait peu d’âmes élevées, " que no es, porque Dios quiera que haya pocos espiritus levantados ; Il voudrait au contraire que toutes fussent parfaites, mais Il trouve peu de vases capables d’une œuvre si sublime : on refuse toute souffrance, et en même temps on désire devenir parfait. (La variante du ms. de Burgos présente le même sens : No es porque no quiera que hubiese muchos de los espiritus levantados. " Ce n’est pas qu’il ne désire qu’il y ait beaucoup d’âmes élevées. " Str. II, vs. 5. Nous l’avons notée ici cependant, vu l’importance doctrinale de ce texte. Comparer avec la Nuit obscure, str. I, § II, cité plus haut ; pourquoi Dieu n’introduit pas dans la " Nuit de l’esprit " tous ceux qui s’exercent à la vie spirituelle.)

La strophe III découvre les attributs divins révélés à l’âme dans l’union d’amour et qui sont autant de " lampes de feu ". C’est la plus haute connaissance de Dieu possible en cette vie. L’âme purifiée complètement éprouve la soif insatiable de l’union ; mais Dieu la fait attendre encore ; état douloureux s’il en fût, où l’âme souffre d’une privation infinie, où son amour ne soulage nullement sa peine, car elle ne possède Dieu que grâce, et pas encore par union ; par la grâce il y a amour réciproque, comme entre fiancés, qui tout en s’aimant, ne se possèdent mutuellement qu’en désir et en promesse, se font des cadeaux et des visites ; ce sont les préparatifs ; mais dans l’union il y a l’amour comblé, satisfait, complété par la communication et la possession réciproque ; c’est le mariage spirituel. L’âme n’en est encore qu’désir, disposition préalable à l’union, § III. Le saint docteur revient ici avec complaisance sur sa matière préférée : la direction spirituelle des âmes contemplatives, § IV-XVI. Que l’âme marche par le chemin de la foi, où Dieu seul est un guide sûr, et qu’elle ne se confie pas à la direction des " trois aveugles ", le maître spirituel incompétent, le démon et elle-même. L’auteur répète les signes de l’état contemplatif, et les justifie longuement, il décrit la notion générale et amoureuse de Dieu " reçue passivement dans l’âme selon le mode surnaturel de Dieu, et non selon le mode naturel de l’âme, " § VI, ses rapports avec les actes spécifiés, l’attitude opportune de l’âme, le rôle du directeur spirituel, les maux que peut engendrer son ignorance, et leur cause. Le style est ici singulièrement combattif ; on devine au mot alumbramiento " illuminisme " l’adversaire que le grand mystique a en vue. Les § VI-XIII rappellent avec fermeté les devoirs du directeur spirituel. Puis vient l’étude des ruses et des efforts du démon, celle enfin des erreurs possibles de l’âme elle-même. Le § XVII et les suivants continuent le commentaire interrompu. En parlant de l’élimination de l’appétit naturel, à propos du vs. 4, saint Jean montre que le désir même de Dieu peut n’avoir aucune valeur surnaturelle. Les " cavernes du sens " étant toutes baignées et imprégnées de la lumière des " lampes de feu ", elles rendent au Bien-Aimé tout ce qu’elles ont reçu de Lui. Il semble difficile de pénétrer plus au fond dans le mystère de notre vie divine. " Par le moyen de cette transformation substantielle, l’âme est comme l’ombre de Dieu et elle " agit " en Dieu et pour Dieu ce qu’il " agit " en elle pour soi-même et à sa manière, car les deux volontés n’en font qu’une. " C’est la possession en commun de la divine essence. La doctrine développée ici est un vrai commentaire de saint Thomas : Caritas est amicitia quædam hominis ad Deum, fundata super communicationem beatitudinis æternæ, IIa, IIIæ, q. XXVI, a. 2 ; le docteur mystique approfondit toutes les excellences et les merveilles de l’amitié entre Dieu et l’âme. La quatrième strophe met le comble à cette sublime doctrine, en célébrant les " réveils " et l’aspiration de Dieu habitant en secret dans l’âme comme dans sa propre maison, et ne se découvrant qu’à elle. Quant à " l’aspiration ", Saint Jean renonce à en parler tant elle est inexprimable.

Le cantique spirituel. ? Nous ne pouvons faire ici une étude approfondie de la valeur des deux séries de mss. déjà signalées, qui nous transmettent le cantique spirituel. Il faudrait vérifier de près les conclusions du P. Gerardo dans son édition critique, où il donne en entier les deux réactions. La seconde (ms. de Jaën), placée en tête, contient de nombreuses additions attribuées au saint, notamment, au début, un argumento, qui synthétise les strophes d’après la [col.783 fin / col.784 début] division traditionnelle des trois voies purgative, illuminative et unitive. Cet " argumento " n’existe pas dans le ms. de Sanlúcar de Barrameda (première rédaction), ms. que l’auteur a pourtant revu ainsi qu’en font foi les nombreuses notes écrites de sa main, et cette mention suivie de sa propre signature : " Ceci est le brouillon qui a été mis au net depuis. " Este libro es le borrador de que ya se sacó en limpio. fr. Juan de la +. ? Il n’existe pas davantage dans la traduction française de René Gaultier, 1622, traduction faite d’après un ms., que possédait la vénérable Mère Anne de Jésus. Voir plus haut, col. 771. Or en comparant l’argumento avec le prologo identique dans les deux rédactions, on peut se demander dans quel sens la division des trois voies est applicable au Cantique spirituel. D’après ce prologue il s’agit d’un tableau à décrire, d’un état d’âme à manifester par un dialogue entre l’âme et l’Epoux, dans une forme visiblement inspirée du Cantique des cantiques. Saint Jean essaye de révéler ce que l’Esprit Saint fait comprendre aux âmes amoureuses où Il habite ; leurs sublimes sentiments et leurs aspirations. Se commentaires, dit-il, ne sont que l’accessoire des strophes, ils n’en épuiseront pas le sens, et l’on n’est pas tenu de s’y attacher exclusivement ; chacun pourra trouver dans le Cantique lui-même la nourriture appropriée à ses capacités et à ses dispositions ; s’il fallait confirmer l’interprétation dans les limites de concepts déterminées, cela ne serait pas du goût de tout le monde, ni conforme à la sagesse mystique, qui provoque l’amour à la manière de la foi, sans connaissance distincte. Cependant, chemin faisant, selon que l’exigera la matière, il touchera brièvement certains points relatifs à l’oraison ; non les plus communs, mais les plus extraordinaires. " Ce ne sera pas en vain, que j’aurai traité un peu de la théologie scolastique qui concerne le commerce intérieur entre Dieu et l’âme ; bien que Votre Révérence (la Vén. Anne de Jésus) n’ait pas la pratique de cette théologie grâce à laquelle on pénètre les vérités divines, vous possédez cependant l’exercice de la théologie mystique, qui s’acquiert par l’amour ; et en lui, non seulement on comprend, mais de plus on goûte. " ? Il faudrait examiner du m?me point de vue l’ " anotación "qui ouvre le commentaire de la seconde rédaction ; elle semble s’inspirer du même esprit que l’ " argumento ". ? Ajoutons encore une donnée à l’exposé de la question. la " Declaración " de la " Canción I " dit expressément : " L’âme énamourée du Verbe Fils de Dieu, son Epoux, désirant s’unir à lui dans la claire vision de son essence, exprime des anxiétés d’amour, et se plaint de son absence, d’autant plus que l’Epoux l’a blessée de cet amour qui la fait sortir de toutes les créatures et d’elle-même. . . " L’auteur suppose évidemment que la purification initiale est un fait accompli au moment où l’âme commence à chanter le Cantique, celui-ci dépeindrait donc des états mystiques. Il faudra donc s’assurer du texte, et serrer de près la doctrine avant de risquer un jugement. Les idées théologiques et philosophiques des autres traités se retrouvent dans le Cantique. Jean a utilisé ici en vrai maître la forme lyrique. " Constatons aussi que la spéculative mystique y intervient à peine, et laisse dominer la mystique expérimentale. L’intérêt spécial du Cantique est là. " Hoornaert, op. cit., t. IV, p. XII.

Appréciation générale. ? Durant sa vie, saint Jean fut persécuté à cause de sa doctrine et déféré plusieurs fois à l’Inquisition ; une nouvelle tempête se déchaîna lors de la publication de ses œuvres ; mais il fut brillamment défendu et avec succès. Voir la bibliographie. L’Eglise s’est prononcée elle aussi : Apostolicæ Sedis judicio divinitus instructus, libros de mystica theologia cælesti sapientia refertos conscripsit,[col.784 fin / col.785 début] dit de lui le Bréviaire romain, 24 nov. Cet éloge les contient tous. Saint Jean de la Croix était philosophe, théologien, poète, artiste, directeur spirituel, écrivain ; dans tous ces domaines il s’affirma avec une incontestable supériorité dont tous ses contemporains ont laissé des témoignages impressionnants.

Il était particulièrement versé dans la sainte Ecriture. " Le texte biblique est intimement mêlé à l’œuvre de Jean de la Croix. . . Les témoignages confirment ici ce que l’étude des écrits eût suffi à nous faire deviner. Ils nous apprennent que Jean de la Croix faisait de la Bible sa lecture ordinaire, qu’il savait d’ailleurs l’Ecriture presque entièrement de mémoire, comme il était possible de s’en assurer en l’entendant faire dans les chapitres ou au réfectoire, des leçons improvisées, improvisations qui prolongeaient un travail intérieur. C’est ainsi qu’un témoin attentif signale l’étude silencieuse que Jean de la Croix entreprend des Livres saints dans les coins les plus solitaires du couvent de Grenade. Le même témoin note que Jean de la Croix excellait à commenter l’Ecriture et, en particulier, le Cantique des Cantiques, l’Ecclésiaste, l’Ecclésiastique, les Proverbes, les Psaumes. Un manuscrit fait allusion à ces entretiens spirituels où Jean de la Croix expliquait jusqu’à trois ou quatre fois, et comme en des plans de croissante profondeur, le même évangile ou le même psaume. Ce dernier renseignement est précieux puisqu’il nous fait surprendre, à la source, la technique nous retrouverons dans l’œuvre composée. . . Ces documents suffisent à nous faire pressentir de quelle manière Jean de la Croix introduit en son œuvre des textes bibliques. Les passages allégués ne se surajoutent pas à la page composée ; sans doute ne sont-ils pas le plus souvent cherchés à travers un livre que l’écrivain consulte. Ils nourrissent sans cesse la pensée créatrice et ne s’en peuvent séparer. Il est certain que saint Jean de la Croix a suivi le texte de la Vulgate. . . Il est sûr que la traduction de saint Jean de la Croix donne des textes qu’il choisit est bien sienne. " J. Baruzi, op. cit., Le problème des citations scripturaires, etc.

Le saint docteur s’était assimilé de même façon toutes ses lectures ; il cite peu, sans références : saint Augustin, saint Grégoire, saint Bernard, saint Thomas, le pseudo-Denis Boèce et Aristote. Ses œuvres portent le cachet de la plus grande originalité. Mgr Waffelaert, évêque de Bruges estime qu’il a dû connaître le grand mystique brabançon, le bienheureux Rusbroeck. Collationes Brugenses, t. XV-XVIII, pass. Le P. Wenceslao del S. Sacramento, O. C. D., relève pourtant une dissemblance marquée d’avec la doctrine de ce mystique. Fisionomia de un doctor, p. 69.

Si l’on veut résumer en un mot la spiritualité de saint Jean de la Croix, on dira que cet auteur veut enseigner ce que l’âme peut et doit faire soit pour correspondre à l’action mystique divine, soit pour s’y disposer. Selon lui, renoncement ne signifie pas seulement répression de l’appétit sensitif et de tout appétit désordonné, mais négation de l’appétit ; c’est là son rien, son vide. Jean n’exige pas la suppression de l’appétence, elle est impossible, et d’ailleurs contre nature, il l’affirme. Il n’impose plus, d’une façon immédiate, de régler l’appétence ; il tend directement à faire prédominer l’esprit par la négation de l’appétence, par le vide et le silence intérieur, par la " nuit ". Le procédé est radical : s’attaquer au fond, dénier à l’appétit son mouvement vital naturel, c’est la condition favorable, indispensable, d’après lui, à la domination effective de la vie surnaturelle ; le discernement dans l’usage des créatures, objet de l’appétit, s’en suivra par la logique même des choses. Telle est la spécialité de l’ascèse de saint Jean de la Croix : Tout ou Rien. Voilà ce qu’il appelle s’exercer dans la voie [col.758 fin / col.786 début] de l’esprit, " ; là est pour lui la disposition qui rend apte à la vie contemplative. Et sans doute que l’on ne remarque pas, dans ses écrits, qu’il exige une grâce d’ordre spécial pour pratiquer son ascèse, du moins en ce qui concerne la " nuit des sens ". Mais, au début de la " nuit active " de l’esprit, Montée, l. II, c. V, nous lisons qu’il s’adresse principalement à ceux qui ont commencé à entrer dans l’état de contemplation. Ailleurs, saint Jean affirme que Dieu n’élève pas à la contemplation tous ceux qui, d’initiative personnelle, s’exercent dans la " voie de l’esprit ". Il affirme en outre que Dieu n’exige pas toujours cette préparation active, d’initiative personnelle, car il arrive que Dieu place d’emblée certaines âmes dans la voie passive ; elles ne seront pas de ce chef dispensées de " s’exercer dans la voie de l’esprit ", mais elles ne le feront pas activement, d’initiative personnelle ? redisons-le ? “ como de suyo ". La doctrine du " rien " suscita de nombreuses et âpres contradictions ; elle heurtait de front la tendance à matérialiser l’ascèse ; elle provoqua les objections de ceux qui estimaient trop large, et incontrôlable, prêtant à illusion, la part faite à l’action divine. Peu à peu ces objections se sont évanouies, saint Jean de la Croix aura autant admirateurs qu’il comptera de fidèles disciples. Puisse la sainte Eglise combler leurs vœux, et les vœux de l’ordre du Carmel, en décernant, officiellement, à notre saint, le titre de " docteur mystique ".

I. EDITIONS. ? Editions latines : Cologne, 1622, 1639, 1710 ; la traduction est due au P. André de Jésus, carme déchaussé polonais. ? Editions italiennes : Rome, 1627 et 1637 ; neuf éditions à Venise, 1643, 1658, 1671, 1682, 1707, 1719, 129, 1739 et 1748 ; Gênes, 1858 ; Milan, 1912. ? Editions flamandes : Anvers, 1637 ; Gand, 1693 ; Gand, t. I, 1916, t. II, 1917, par le P. Henri de la Sainte-Famille, traduction de l’édition du P. Gerardo : Bestijging van den Karmel, Donkere Nacht, Levendige Liefdevlam, Geestelijke Liefdezang. ? Editions allemandes. Prague, 1697 et 1725 ; Augsbourg, 1753 ; Soulzbach, 1830 ; Ratisbonne, 1858 et 1859. ? Editions anglaises. Londres, 1864, 1888, 1906. ? Editions françaises. La première est de René Gaultier, Paris, 1621 ; elle contient la Montée du Carmel, la Nuit obscure et la Flamme d’amour. Le traducteur y mit la main avant que ne parût la première édition espagnole de 1618. En 1622, à Paris, René Gaultier publia le Cantique d’amour divin entre Jésus-Christ et l’âme dévote, qui est le Cantico espiritual. Rappelons que la première édition espagnole dudit traité est postérieure : Bruxelles, 1627. J’ai sous les yeux la réimpression, Paris, 1627, du travail de Gaultier, de 1621, " revue et corrigée sur l’espagnol pour la deuxième édition ", comprenant les trois grands traités du saint ; le Cantique spirituel est absent. En tête de la Vive flamme d’amour on lit : " revue et corrigée sur l’original pour la dernière édition ". ? Traductions du R. P. Cyprien de la Nativité, O. C. D., Paris, 1641 et 1665 ; du R. P. Maillard, S. J., Paris, 1694 ; Avignon, 1834 ; Besançon, 1846 ; Paris, 1850 et 1864 ; de l’abbé Gilly, 1865, La Montée et la Nuit obscure, Nîmes, 1893 ; Le Cantique et la Vive flamme, de la Mère Marie-Thérèse de Jésus, Paris, 1875 ; édition des carmélites de Paris, œuvres complètes, Poitiers, 1880, 1890, 1903, 1910, avec préface par le R. P. Chocarne, dominicain. ? Traduction faite par le R. P. chanoine H. Hoornaert, sur l’édition du P. Gerardo, Desclée, Paris, 1re édition en trois volumes : t. I, 1915 ; t. II, 1916 ; t. III, 1919, 2e édition en quatre volumes, t. I et t. II, 1922 ; t. III et IV, 1923. Ce travail a le mérite d’être complet. Les différentes introductions accusent la compétence dans les appréciations d’ordre littéraire, et il faut les retenir. Mais sous d’autres rapports, nous devons faire quelques réserves. M. Hoornaert accepte, sans la vérifier, du point de vue critique, l’édition du P. Gerardo. Dans les textes qui lui sont personnels, et même dans la traduction il semble parfois être sous l’influence de d’idées préconçues, celle par exemple de voir dans la Montée du Carmel un livre destiné à la voie active, ou, comme il s’exprime, à l’état actif, parce que le saint auteur y traite de la purification de l’âme quanto a lo activo. Il confond voie active avec nuit active. Voir l’exposé de la doctrine. après soigneuse confrontation, il faut aussi constater que la traduction n’est pas fidèle en beaucoup d’endroits, malgré les quelques cor- [col.786 fin / col.787 début] rections importantes apportées à la seconde édition. ? Fr. Idelphus, des frères des Ecoles chrét. († 1922), Poèmes mystiques de saint Jean de la Croix. Traduction en vers français avec texte espagnol en regard, Paris, 1922.

II. TRAVAUX. ? 1° Biographie. ? Cosmas de Villiers, Bibliotheca carmelitana, Orléans, 1752, t. I, col. 829 sq. ; Jeronimo de S. José O. C. D., Historia del venerable Padre fr. Juan de la Cruz, Madrid, 1618, 1641 ; abrégé du même ouvrage, Bruxelles, 1674 ; José de Jesus-Maria, (Quiroga), O. C. D., Historia de la vida y virtudes de Ven. P. fr. Juan de la Cruz, Bruxelles, 1628 et 1632, traduction française par Elisée de saint-Bernard, O. C. D., Vie de saint Jean de la Croix, Paris, 1727, avec une dissertation " où l’on fait voir que la doctrine de saint Jean de la Croix est opposée à celle des faux mystiques ; Repuesta a algunas razones contrarias a la contemplación afectiva y oscura que nuestro Padre F. Juan de la Cruz. . . enseña en sus escritos, Madrid, Bibl. nat., ms. 8273 ; Anonyme, Compendio della mistica Theologia di San Giovanni della Croce, Sienne, 1886 ; Man. Muñoz Garnica, San Juan de la Cruz, ensayo hsitorico, Jaën, 1875 ; Mgr Demimuld, S. Jean de la Croix, Paris, 1916, collect. " Les saints " ; Wenceslao del S. Sacramento, O. C. D., Fisionomia de un doctor, Ensayo critico, Salamanque, 1913, 2 vol.

Etudes sur la doctrine. ? Diego de Jesus, O. C. D., Apuntamientos y advertencias en tres discursos, para mas facil intelligencia de la frases misticas, y doctrina de la Obras espirituales, de nuestro beato Padre San Juan de la Cruz, dans l’édition d’Alcala, 1618, et celle de Séville, 1703 ; traduction française de René Gaultier, dans l’édition du P. Cyprien de la Nativité, O. C. D., Paris, 1641 ; Jeronimo de San José, O. C. D., Dibujo del Venerable Padre Fray Juan de la Cruz, dans l’édition de Barcelone, 1883, ainsi que dans d’autres plus anciennes ; José de Jesus-Maria, O. C. D. (Quiroga) Subida del alma a Dios y entrada en el paraiso, 2 vol., Madrid, 1656, 1659 ; Apologia mistica en defensa de la contemplación divina, Madrid, Bibl. nat., ms. 4478 ; anonyme et inédit, Una defensa brevissima de la doctrina de santa Teresa de Jesus y de san Juan de la Cruz, Madrid, Bibl. nat., ms. 8273 ; Louis de Ste-Thérèse, O. C. D., Explication de cette énigme (le dessin du mont symbolique) qui comprend succinctement toute la doctrine mystique des œuvres spirituelles du R. P. Jean de la Croix, dans l’édition française de Paris, 1641 ; Fr. Antonio Arbiol, O. M., Mistica fundamental de Cristo Senor Nuestro explicada por le glorioso y beato Padre San Juan de la Cruz, Madrid, 1761 ; Basilio Ponce de Léon, O. S. A., Respuesta. . . a las notas y objecciones que se hicleron à algunas proposiciones del libro de Fray Juan de la Cruz por los Calificadores del Santo Oficio, 1622, l’original n’est pas retrouvé ; deux censures favorables au saint, l’une du P. Antolinez, O. S. A., 4 septembre 1623, l’autre du P. de Araujo, O. P., 12 juillet 1623 : Nicolas de Jésus Maria, O. C. D., (Centurioni), Elucidatio theologica circa aliquas phrases et propositiones theologiæ mysticæ. . . quæ in spiritualibus libris venerabilis Parentis nostri Joannis de la Cruce. . . reperiuntur, 1re édit. à Alcala de Hénarès, 1631 ; traduction française du P. Cyprien de la Nativité dans l’édition des œuvres, Paris, 1641 ; traduction nouvelle dans les Etudes carmélitaines, années 1911, 1912, 1913 et 1914 ; Bossuet disait de l’auteur : " qu’il était le plus savant interprète de Jean de la Croix " ; le P. Gerardo cite encore plusieurs apologies et commentaires. Voir aussi : anonyme, Compendio della mistica teologia di san Giovanni della Croce, Sienne, 1886 ; A. Poulain, S. J., La mystique de S. Jean de la Croix, Paris, 1893 ; Berthier, S. J., Analyse sommaire en onze lettres, dans l’édition du P. Maillard, S. J., Besançon, 1846 ; Ludovic de Besse, O. M., Eclaircissements sur les œuvres mystiques de saint Jean de la Croix, Paris, 1893 ; P. Angel Maria, O. C. D., Suma espiritual de san Juan de la Cruz, Burgos, 1904 ; Mme Carré Chataignier, Essai sur les images dans l’œuvre de saint Jean de la Croix ; thèmes directeurs et classes d’images, thèse, Bordeaux, 1923 ; cf. Bulletin hispanique, t. XXV, n. 3, juillet-septembre 1923, p. 265 ; Claudio de Jesus Crucificado, O. C. D., San Juan de la Cruz y el Doctor angelico, article du périodique El monte Carmelo, 1917, Burgos, t. XXI, p. 302 ; Gabriel de Jesus, O. C. D., La subida del Monte Carmelo es ascetica o es mistica ? article du périodique La vida sobrenatural, javier1923 ; M. V. Bernardot, O. P., Le texte authentique du Cantique spirituel de saint jean de la Croix, article du périodique La vie spirituelle, mars, 1923, supplément.

F. PASCAL DU S. SACREMENT O. C. D.
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