FIN PARTICULIRE DE LA COMPAGNIE.
1. 1. On ne reçoit en cette
Compagnie que des prêtres déjà
formés dans les séminaires.
Ainsi les ecclésiastiques des
ordres inférieurs en sont
exclus jusqu'à ce qu'ils aient reçu
le sacerdoce. Il y a cependant à
Paris un séminaire où les
jeunes ecclésiastiques, qui
ont vocation aux missions de la
Compagnie, se disposent par la science
et la vertu à y entrer.
2. 2. Il faut que ces prêtres
soient appelés de Dieu à faire
des missions sur les traces des
pauvres Apôtres, et non à
vicarier, régir des cures,
enseigner la jeunesse ou former des
prêtres dans les séminaires,
comme font tant d'autres bons
prêtres qui sont appelés
de Dieu dans ces saints emplois.
Par conséquent ils fuient
ces emplois comme contraires à
leur vocation apostolique, afin
de pouvoir toujours dire avec
Jésus-Christ: pauperibus
evangelizare misit me Dominus [Lc
4,18] ou avec les Apôtres:
non misit me Dominus baptizare sed
evangelizare, et ils regardent comme
une fine tentation les
occasions qui se présentent
incessamment d'aider les peuples
par ces voies. C'est le change ou
le détour qu'ont
malheureusement pris plusieurs saintes
communautés, qui ont
été établies
dans ces derniers siècles par le saint esprit de
leurs fondateurs pour faire des
missions, et cela sous
prétexte d'un plus grand
bien. Les unes se sont appliquées à
instruire la jeunesse, les autres
à former des prêtres et
ecclésiastiques; et si elles
font encore quelques missions ce
n'est que par accident et comme
en passant. La plupart des
membres de ces communautés
sont des années entières
sédentaires, pour ne pas
dire solitaires, en leurs maisons de
ville ou de campagne, qui ont pour
devise: "habitatores
quietis", au lieu que la devise
des vrais missionnaires, comme
saint Paul, est de pouvoir dire
en vérité comme lui:
"Instabiles sumus". [1 Co 4,11]
3. 3. On n'y reçoit point
de prêtres malsains et trop âgés,
c'est-à-dire après
soixante ans, étant pour lors hors des
combats que les missionnaires, comme
de vaillants champions de
Jésus-Christ, doivent livrer
sans cesse aux ennemis du salut.
Si cependant quelque prêtre
de la Compagnie devient par l'âge
ou la maladie hors d'état
d'aider aux missions, il se repose
dans une maison que la Compagnie
a pour ce sujet.
4. 4. On y reçoit cependant
des Frères laïques pour avoir
soin du temporel, mais qui soient
détachés, vigoureux et
obéissants, prêts à
faire tout ce qu'on leur ordonnera.
5. 5. Il faut que les uns et les
autres soient sans
bénéfices, mêmes
simples, et sans biens temporels, même de
patrimoine; et s'ils en ont avant
d'entrer dans la Compagnie,
ils laissent leurs bénéfices
entre les mains des présentateurs
et leurs biens à leurs parents
ou aux pauvres, selon l'avis
d'un homme sage, faisant ainsi échange
de leurs biens de
patrimoine en celui de Dieu même
qui est celui de la divine
Providence et qui est inépuisable.
6. 6. Ainsi détachés
de tout emploi et de soin de tout bien
temporel capable de les arrêter
et fixer, ils sont légers pour
courir avec les saint Paul, les
saint Vincent Ferrier, les
saint François Xavier et
les autres Apôtres partout où Dieu
les appellera, soit dans les villes,
soit dans les campagnes,
soit dans un gros bourg, soit dans
une petite bourgade, soit
auprès, soit au loin, toujours
tout prêts à dire à l'appel de
l'obéissance: paratum cor
meum, Deus, ecce adsum, ecce venio;
sans jamais pouvoir dire ce que
disent tous les jours en leur
manière tant de prêtres
de terre, tant de bénéficiers de
graisse, tant d'ecclésiastiques
du plaisir, tant d'hôtes du
repos: emi, emi... duxi, etc., ideo
non possum, non possum.
Habe me excusatum. [cf. Lc 14,18-20]
7. 7. Quoiqu'ils ne limitent pas
la grâce de Dieu ni leur
zèle dans les seules campagnes,
comme les missionnaires de
Monsieur Vincent, et qu'ils aillent
indifféremment faire la
mission, dans les villes comme dans
les campagnes, selon la
volonté de Dieu marquée
par leurs supérieurs, ils participent
cependant aux plus tendres inclinations
du Coeur de Jésus,
leur modèle, qui disait:
pauperibus evangelizare misit
Dominus; ce qui les fait ordinai
rement préférer la campagne à
la ville et les pauvres aux riches.
8. 8. Pour être engagés
pour toujours dans la compagnie, ils
font des voeux simples de pauvreté
et d'obéissance pour un an
entre les mains du supérieur;
lesquels voeux ils renouvellent
tous les ans; et, au bout de cinq
années non interrompues hors
de la compagnie, s'ils se trouvent
et si on les juge bien
appelés de Dieu dans la compagnie,
ils font les deux voeux de
pauvreté et d'obéissance
pour toujours; lesquels voeux n'étant
que simples, ils pourraient pour
des raisons légitimes en
obtenir dispense de l'Evêque
pour sortir de la compagnie; et,
de son côté, la compagnie
selon le droit qu'elle se réserve,
pourrait retrancher, même
après son second voeux, un de ses
membres, s'il venait à se
corrompre de telle manière qu'il fût
une occasion de scandale plutôt
que d'édification malgré les
remèdes qu'on aurait pu y
apporter. Ces deux conditions sont
tacitement apposées à
ce dernier voeu, comme elles le sont aux
voeux de plusieurs communautés.
9. 9. Jamais la compagnie ne se charge
d'écolier ni de
pensionnaire ecclésiastique
ou laïque, quand il y voudrait
donner tout son bien.
LEUR DÉTACHEMENT OU PAUVRETÉ ÉVANGÉLIQUE
10. 1. Comme il a été
dit, n'ayant ni bien de patrimoine, ni
revenu de bénéfice,
ce qui est contrarire au détachement
apostolique, ils n'ont de ressource
que la divine Providence,
qui les entretient par qui et de
la manière qu'il lui plaît.
11. 2. Ils n'ont dans la compagnie
aucun argent ni meuble en
propre, ni en cachette, ni en public,
la communauté leur
fournissant tout ce qui est nécessaire
pour leur vêtement et
leur nourriture, selon que la divine
Providence le fournit
elle-même à la communauté.
12. 3. La Compagnie n'a et ne peut
avoir en propre que deux
maisons dans le royaume; la première
à Paris pour former des
ecclésiastiques à
l'esprit apostolique; la seconde hors de
Paris, en une Province du royaume,
pour s'y aller reposer
lorsqu'on est hors du combat, et
pour y finir ses jours dans
la retraite et la solitude, après
en avoir passé les plus
beaux, à la conquête
des âmes.
La compagnie peut recevoir des mains
de la divine
Providence les autres maisons qu'on
lui donnera, dans les
différents diocèses
ou Dieu l'appellera; mais elle n'en
recevra que la jouissance, comme
un locataire dans une maison,
ou seulement la demeure comme un
étranger dans une auberge. Si
personne ne veut lui donner de maison,
elle n'en demandera
point; elle se contentera d'en louer
quelqu'une, à la campagne
plutôt qu'à la ville.
Mais si quelque personne charitable lui
fait don de quelque maison, elle
en laissera le domaine par
écrit entre les mains de
l'Evêque du lieu et de ses
successeurs, et n'en conservera
que la jouissance: l'Evêque et
ses successeurs ayant par là
tout pouvoir et tout droit d'ôter
ladite maison aux dits missionnaires,
s'ils venaient avec le
temps à y demeurer sédentaires
et à ne pas remplir leurs
devoirs; et ils peuvent appliquer
ladite maison à d'autres
usages de charité plus utiles
au public, sans cependant qu'ils
puissent s'en appliquer les fruits.
Par ce moyen les missionnaires ne
sont fondés en aucun
lieu selon que le sont ordinairement
les communautés les plus
régulières; mais en
échange ils seront plus solidement fondés
en Dieu seul, s'ils s'abandonnent
toujours sans réserve aux
soins de sa Providence. Par ce moyen,
ils ne seront point
distraits de leurs emplois apostoliques
par les tailles, les
redevances, les procès et
les guerres qui suivent comme
nécessairement les domaines
des terres et des maisons. Par là
encore, ils sont avertis de ne regarder,
comme des pélerins et
étrangers, les maisons où
on les reçoit que comme des auberges
desquelles ils sortent quand ils
ont fait leurs affaires
nécessaires pour courir toujours:
posui vos eatis.
13. 4. Pendant le temps que dure
la missions qu'ils font, ils
ne peuvent recevoir aucun argent
en aumône de ceux auxquels il
font la mission; mais, après
la mission finie, ils peuvent
recevoir par les mains du Supérieur
les aumônes de pure
charité ou de reconnaissance
qu'on leur présentera.
14. 5. Il leur est absolument défendu,
soit pendant la
mission soit après, de demander
rien à personne directement ou
indirectement, ni argent, ni pain,
ni quelqu'autre chose que
ce soit, se fiant entièrement
pour toutes choses sur les soins
de la divine Providence qui ferait
plutôt un miracle que de
manquer aux besoins de ceux qui
se fient à Elle. Il ne leur
est pas cependant défendu
de dire, en public ou en
particulier, de dire leur état
de providence et leurs règles
sur ce sujet.
15. 6. Ils disent, comme les religieux
de la Compagnie de
Jésus, toutes leurs messes
gratis, pour ceux et celle qui leur
en demandent; ils peuvent même
s'en charger jusqu'â une
trentaine et non plus; mais si on
veut leur en donner quelque
reconnaissance ou rétribution,
ils la font recevoir, après la
mission ou même pendant la
mission, par les mains du Directeur
ou de l'Econome.
Pour le Directeur de la mission,
[il] ne doit
ordinairement dire ses messes que
pour les bienfaiteurs des
missionnaires et des pauvres; et
il ne manque pas d'en avertir
le public.
16. 7. Quand ils vont en mission,
le Directeur ou l'Econome
porte avec soi quelque argent d'aumône,
s'il en a, pour aider
à réparer les églises
et à nourrir les pauvres des lieux où
ils vont; et, en cas que les peuples,
à cause de leur dureté
ou pauvreté, ne veuillent
pas leur donner le nécessaire, ils
pourront s'en servir pour leur entretien
et nourriture; et
tant s'en faut que cette industrieuse
économie soit contraire
à l'abandon à la providence,
qu'au contraire elle lui sert
d'instrument pour aider les missionnaires
et d'aiguillon aux
peuples pour contribuer à
la réapration des églises et à
l'entretien des pauvres; outre que
c'est l'exemple que Notre-
Seigneur nous a donné, ayant
une bourse commune pro suis
pauperumque usibus, pour ses besoins
et ceux des pauvres.
17. 8. Si quelque prêtre apporte
quelque argent avec soi, en
entrant dans la compagnie, il le
met tout sans réserve dans la
bourse de la Providence. Si après
son entrée dans la
compagnie, ses parents ou amis lui
font quelque aumône ou lui
donne[nt] quelque rétribution
de messes sans l'avoir demandée,
il l'incorpore de même dans
la bourse commune pour être
appliquée aux besoins de
toute la communauté, sans prétendre
aucun fruit particulier ni aucun
privilège singulier, tout de
même que celui qui n'a rien
apporté et auquel on n'a rien
demandé.
18. 9. Si le missionnaire, soit avant
soit après ses voeux,
vient à sortir, par sa tête,
sans permission ou par une
désobéissance formelle,
hors de la compagnie, il ne demandera
aucune partie ni aucun dédommagement
de ce qu'il a donné par
aumône à la compagnie
des pauvres volontaires; mais, s'il sort
malgré lui pour quelque faute
considérable qui ne soit pas une
désobéissance formelle,
on lui tiendra compte, au moins en
partie, de ce qu'il a donné,
ses dépenses déduites.
LEUR OBEISSANCE
19. 1. Ils obéissent à
leurs supérieurs et à leurs règles,
entièrement sans partage;
promptement sans délai; joyeusement
sans chagrin, aveuglément
sans raisonnement, et saintement
pour Dieu seul. C'est ce qui est
bientôt dit, mais le plus
difficile à exècuter
vu le torrent du monde, même
ecclésiastique, qui suit
sa propre volonté; vu la corruption
de la propre volonté, qui
n'aime qu'à faire ce qui lui plait
et parce qu'il lui plait. C'est
cependant cette obéissance qui
est en cette compagnie, comme en
celle de Jésus, le fondement
et le soutien inébranlable
de toute sa sainteté et de tous les
fruits que Dieu fait et fera par
son ministère.
20. 2. Ils obéissent à
leur directeur, qui est toujours de la
compagnie, pour la conduite de leur
conscience, repandant leur
coeur devant lui comme de l'eau
avec une entière confiance, ne
faisant ni n'omettant rien de considérable
sans le lui avoir
découvert et sans en avoir
reçu l'approbation et la
permission.
21. 3. Ils obéissent au supérieur
de la Compagnie en toutes
choses grandes et petites, soit
qu'elles soient prescrites par
la règle ou non, soit pour
l'application aux emplois, soit
pour le bon ordre de la Compagnie.
22. 4. Ils obéissent à
l'évêque dans le diocèse duquel ils
sont, aux grands Vicaires et autres
supérieurs ecclésiastiques
qui tiennent la place de l'évêque,
au curé de la paroisse dans
laquelle ils font la mission; ils
obéissent à tous ces
supérieurs en toutes les
chose qui regardent l'extérieur, et
le lieu, le temps et les autres
circonstances des missions,
qui sont indifférentes en
elles-mêmes et qui deviennent très
salutaires et très importantes
quand elles sont réglées par
l'obéissance.
Si quelque supérieur ecclésiastique
leur commandait
quelque chose qui soit contraire
à leurs règles les plus
importantes et à leurs voeux,
ils ne seraient pas obligés de
leur obéir; mais, s'il leur
défend ou commande ou même
conseille fortement des choses qui
ne sont pas beaucoup
importantes en elles-mêmes,
quoiqu'ils n'aient pas coutume de
les faire ou de les omettre, ils
en passeront sans balancer
par l'avis du supérieur,
qui rend la chose, en cette occasion,
et plus sanctifiante et plus importante.
23. 5. Chacun se rend fidèle
à remplir les devoirs de
l'emploi qui lui est confié,
sans s'ingérer à prendre
connaissance et vue sur celui d'un
autre, à moins qu'il n'y
soit contraint par la sainte obéissance.
24. 6. Ils obéissent aux plus
petites règles de la compagnie
avec une entière exactitude,
les regardant toutes comme la
prunelle des yeux de Jésus-Christ;
et c'est en cette fidélité
qu'ils font voir que c'est le Saint-Esprit
qui les conduit et
non pas l'esprit du monde, qui n'estime,
même dans la vertu,
que ce qui brille et que ce qui
a le nom de grand.
25. 7. Ils regardent la désobéissance
formelle ou obstinée à
un supérieur, même
en petite chose, comme le plus grand crime
qu'on puisse commettre dans la compagnie
et comme peut-être le
seul, qui mérite exclusion
de la communauté, quelqu'âgé et
quelque saint qu'on soit d'ailleurs.
26. 8. Ils sont si pénétrés
d'estime et d'amour pour cette
divine vertu qu'ils lui sacrifient
le corps, la santé, la vie
et toutes choses, lorsqu'elle commande
des choses bonnes et
possibles, quoique d'ailleurs très
difficiles et très amères à
la nature. C'est pourquoi, quand
ils viennent à reconnaître
les fautes publiques ou secrètes
qu'ils ont faites par
surprise ou tentation contre cette
divine vertu, ils s'en
punissent aussitôt et en demandent
pénitence au supérieur.
27. 9. Il leur est cependant permis
de déclarer ingénument et
simplement les raisons qu'ils ont
de ne pas omettre ou
entreprendre ce qu'on leur commande;
mais aussi, après qu'ils
les ont déclarées,
si on ne fait aucune attention à leurs
raisons il leur est ordonné
d'obéir aveuglément et
promptement, sans dire pourquoi
et comment, et non seulement
de volonté mais encore d'esprit
et d'entendement, croyant,
malgré ses vues particulières,
que ce que le supérieur a
défendu ou ordonné
est absolument le meilleur devant Dieu.
LEURS ORAISIONS ET EXERCICES DE PIÉTÉ
28. 1. Ils font en tout temps tous
les jours au moins une
demi-heure d'oraison le matin.
29. 2. Ils récitent le saint
Rosaire tout entier, tous les
jours, et la Petite Couronne de
la Sainte Vierge, en
différents temps de la journée,
à leur communauté, afin
d'attirer, par cette pratique venue
du ciel, la bénédiction
divine sur leurs personnes et leurs
ministères comme ils
expérimentent tous les jours.
30. 3. Ils célèbrent
ordinairement tous les jours la Sainte
Messe avec préparation convenable
avant de la dire et avec au
moins une demi-heure d'action de
grâces après l'avoir dite,
regardant comme une fine et ordinaire
tentation ce qui
pourrait les empêcher de faire
cette demi-heure d'action de
grâces, car, qui sibi nequam,
cui alii bonum erit? [Si 14,5]
31. 4. Ils récitent en commun
leur bréviaire, qui est le
romain, autant que leurs emplois
des missions le leur
permettent; et, s'ils sont obligés
de le réciter en
particulier, c'est toujours avec
modestie, attention et
dévotion exemplaire.
32. 5. Ils font tous les jours environ
un quart d'heure
d'examen particulier en commun avant
le dîner.
33. 6. Ils font par mois, quand ils
sont de retour de leurs
missions, au moins un jour de retraite,
n'y vaquant qu'à
l'oraison et à la pénitence.
34. 7. Ils font leurs repas avec
silence, amour, modestie et
sobriété; et s'ils
sont obligés de parler pendant le repas,
c'est tout bas et en peu de mots.
35. 8. Au retour de leurs missions,
pendant le repos que la
divine Sagesse leur accorde et leur
conseille, venite seorsum
et requiescite pusillum, [Mc 6,31]
ils s'appliquent à l'étude
pour se perfectionner de plus en
plus dans la science de la
chaire et du confessionnal.
36. 9. On ne leur prescrit par règle
aucune pénitence
corporelle; on les laisse pour cela
à leur ferveur, conduite
par l'obéissance; seulement
ils font abstinence de viandes le
mercredi et jeûnent le vendredi,
ou le samedi, et on ne leur
présente ces deux [jours]
au soir que des viandes propres de
collation.
LEUR MÉPRIS DU MONDE
37. 1. Ils n'ont ni les sentiments
du monde dans leur esprit,
ni ses maximes dans leur coeur,
ni ses modes dans leur
conduite.
38. 2. Leur devise est: nolite conformari
huic saeculo
nequam. C'est pourquoi ils évitent
autant qu'ils peuvent, sans
blesser la charité ni l'obéissance,
ce qui ressent l'esprit du
monde, comme la perruque et la calotte,
les manchons et les
gants, les ceintures volantes, les
souliers mignons, les
étoffes précieuses,
les chapeaux lustrés, le tabac en poudre
ou autrement, etc.
39. 3. Ils ne condamnent pas absolument
ceux qui par
bienséance ou par nécessité
dans le monde se servent de ces
choses, mais ils répondent
à ceux qui les y veulent porter:
nos talem consuetudinem non habemus.
[1 Co 11,16] Et comme ils
font une profession ouverte par
leur ministère de combattre le
monde antéchrist et ennemi
de la vertu, ils s'en éloignent le
plus qu'ils peuvent même dans
les choses indifférentes qui
pourraient peu à peu les
en approcher: qui spernit modica
paulatim decidet. [Si 19,1]
40. 4. Ils n'affectent cependant
aucune singularité dans leur
exxtérieur; et ils tâchent,
selon que la divine Providence,
leur mère nourricière,
le leur fournit, d'être habillés comme
le commun des bons ecclésiastiques
et particulièrement ceux du
Séminaire de Saint-Sulpice
de Paris, n'ayant ni collet, ni
chapeau, ni manteau ni autre vêtement
distingué des autres.
41. 5. Ils ne vont jamais, pendant
le temps des missions,
manger chez des particuliers, sinon
une ou deux fois chez
Monsieur le Curé du lieu;
et, hors le temps des missions, ils
y vont très rarement et avec
un privilège spécial du
supérieur.
42. 6. Ils n'écrivent ni ne
reçoivent aucune lettre qu'ils ne
la mettent entre les mains du supérieur,
qui la lira, s'il le
juge à propos.
43. 7. Ils vont dans leurs missions,
autant qu'ils le
peuvent, à pied, à
l'exemple de Jésus-Christ et des hommes
apostoliques; mais dans leurs infirmités
ou les grandes
difficultés des chemins,
ils ne font point difficulté de
prendre les aides que la divine
Providence leur fournit.
LEUR CHARITÉ ENVERS LE PROCHAIN
44. 1. Ils ont les uns pour les autres
une charité prévenante
et pleine de bonne volonté,
cherchant l'occasion de se faire
plaisir l'un à l'autre; pleine
de respect, se prévenant
d'honneur les uns les autres, pleine
de patience, se
supportant les uns les autres dans
leurs défauts.
45. 2. Cette reine de toutes les
vertus est la reine et la
supérieure de la Compagnie
pour gouverner avec sa baguette
toute d'or; elle en est la vie,
le lien et la gardienne;
l'orgueil, la suffisance et l'esprit
d'intérêt en étant
bannis: limen obi, vivax imperat
intus amor. [Franchis le
seuil, à l'intérieur
règne l'ardente charité]
46. 3. Ils ont une joyeuse et cordiale
charité envers tout le
monde, particulièrement envers
leurs ennemis, leur rendant le
bien pour le mal et priant Dieu
pendant huit jours pour celui
qui leur aura fait quelque notable
injure, bien loin de s'en
plaindre, d'en mal parler, et de
s'en venger.
47. 4. Ils ont un soin particulier
des pauvres, dans les
missions et hors des missions, ne
leur refusant jamais la
charité, soit corporelle,
s'ils le peuvent, soit spirituelle,
quand il ne diraient pour eux qu'un
Ave Maria.
48. 5. Après chaque catéchisme
ils font dîner tous les
pauvres de la paroisse qui ont assisté
au catéchisme; et ils
en font tous les jours soir et matin
manger un à leur table.
49. 6. Ils tâchent d'accomplir
fidèlement ces paroles toutes
charitables du grand Apôtre:
omnia
omnibus factus sum,
devenant tout à tous par
charité dans les choses indifférentes
sans donner dans les modes du monde
et sans rien relâcher de
son devoir.
PRATIQUES DE LEURS MISSIONS
50. 1. Ils font toutes leurs missions
à l'abandon à la
Providence, ne prenant aucune fondation
pour aucune mission à
l'avenir, comme font quelques communautés
de missionnaires
fondées par le Roi ou par
des particuliers; et cela pour
quatre principales raisons:
La première, parce que c'est
l'exemple que Jésus-Christ,
les Apôtres et les hommes
apostoliques nous en ont donné;
La seconde, parce que Dieu rend
au centuple dès ce monde
et donne souvent (comme l'expérience
fait connaître) la grâce
de la conversion à ceux et
celles qui font la charité aux
missionnaires, pour les récompenser
de leurs aumônes: date et
dabitur vobis;
La troisième, parce qu'il
se fait, par cette mutuelle
charité, un gain et une union
admirable des coeurs des
auditeurs avec celui du prédicateur
et des missionnaires; la
charité engendre la charité;
La quatrième, parce que la
grâce d'une mission faite
ainsi à la Providence et
dans une si grande dépendance d'un
public - ce que la nature orgueilleuse
refuit infiniment - est
sans comparaison plus abondante
et plus puissante pour
convertir les âmes que celles
des missions fondées, où les
missionnaires sont dans une espèce
d'élévation et
d'indépendance, qui flattent
l'orgeuil et qui, en leur
procurant de l'honneur, ne leur
en procurent pas plus d'amour
du prochain et de grâce de
Dieu; il faut avoir expérimenté ces
deux manières de faire les
missions pour le connaître.
51. 2. Quand ils trouvent une personne
assez charitable pour
vouloir défrayer elle seule
toute la mission, ils la
remercient de sa charité,
sans la recevoir, et ils la prient
seulement de leur donner ce qui
lui plaira, pendant le temps
de la mission, lorsqu'ils seront
exposés à la merci du public;
car il n'est pas à propos
que, par sa charité entière, elle
détruise l'abandon à
la Providence, que les missionnaires
professent pour le bien même
du public.
52. 3. Ils vont, un ou deux, quand
ils peuvent, quinze jours
devant que la mission commence,
l'annoncer, afin que par cette
annonce qui doit être pathétique:
1 ils fassent cesser le
péché; 2 ils préparent
la voie à Jésus-Christ, comme
faisaient les disciples que Jésus-Christ
envoyait deux à deux
dans les lieux où il devait
venir; 3 ils embrassent la prière
pour mériter la grâce
de la mission, leur inspirant de réciter
tous les jours le chapelet ou le
rosaire. Par ce moyen, quand
on arrive, on trouve tout bien disposé.
53. 4. Ils proportionnent le nombre
des personnes auxquelles
ils font la mission, au nombre de
missionnaire qu'ils sont;
car, qui trop embrasse, mal étreint.
Ainsi, ils ne font la
mission qu'à une paroisse,
si elle est grande, ou à un certain
nombre de petites paroisse voisines
les unes des autres; et
ils ne reçoivent point, que
par un privilège spécial du
supérieur, aucuns paroissiens
des autres paroisses qui ne sont
pas marquées pour la mission.
Je n'entends pas qu'on les
rejette de l'audience de la prédication,
puisque l'église et
la parole de Dieu sont pour tout
le monde; mais on ne les
entend point en confession, afin
par ce moyen que les
paroissiens de la paroisse dans
laquelle ils sont entretenus,
soient plus saintemant pressés
à se confesser, sans qu'ils
puissent se plaindre justement qu'on
confesse ceux des
paroisses étrangères
avant eux chez qui [se] tient la mission.
54. 5. Ils prêchent soir et
matin régulièrement, les jours
ouvriers, à la commodité
des peuples, qu'ils tâchent de
prendre; et leur prédication
ne doit durer ordinairement que
trois quarts d'heure et ne pas passer
une heure. Ils prêchent
les jours de fête, outre ces
deux fois, encore une fois à la
grand-messe, et à une heure
environ après-midi, ils font une
conférence pour instruire
le peuple.
55. 6. Cette conférence est
une instruction familière par
demande et par réponse sur
les vérités de la religion. Ils
peuvent prendre une matière
particuliere de la conférence, en
parler succinctement et puis laisser
un autre missionnaire
proposer des questions pratiques,
en peu de mots et
sérieusement, sur la matière
posée; ils peuvent aussi
permettre à tout le peuple
de proposer ses difficultés, soit
sur cette matière soit sur
une autre, pourvu que le
missionnaire, qui fait la conférence,
soit prêt sur tout.
Cette dernière manière
est la plus hardie et la plus utile au
peuple.
56. 7. Le but de leur mission est
de renouveler l'esprit du
christianisme dans les chrétiens.
Ainsi ils en font renouveler
les promesses, comme ils en ont
l'ordre du Pape, de la manière
la plus solennelle, et ils ne donnent
l'absolution et la
communion à aucun pénitent
qu'il n'ait auparavant, avec les
autres, renouvelé les promesses
de son Baptême. Ils faut avoir
expérimenté les fruits
de cette pratique pour connaître son
prix.
57. 8. Ils établissent de
toutes leurs forces, pendant toute
la mission, soit par des lectures
au matin, soit dans les
conférences, soit dans les
prédications, la grande dévotion du
Rosaire de tous les jours; et ils
agrègent en cette Confrérie
(comme ils en ont le pouvoir) tous
ceux qu'ils peuvent; et ils
leur expliquent les prières
et les mystères dont il est
composé, soit par leurs paroles,
soit par des peintures qu'ils
ont pour cet effet; et ils leurs
donnent l'exemple, récitant
tous les jours de la mission le
Rosaire tout haut, tout
entier, en français, avec
les offrandes des mystères, à trois
temps différents: savoir:
un chapelet le matin pendant qu'on
célèbre la sainte
messe, avant la prédication; un second à
midi devant le catéchisme,
pendant que les enfants s'y
assemblent; et le toisième
le soir, avant la dernière
prédication. Voilà
un des plus grands secrets venu du ciel
pour arroser les coeurs de la rosée
céleste et leur faire
porter le fruit de la parole de
Dieu, comme il expérimentent
tous les les jours.
58. 9. Ils font faire presque à
tout le monde une confession
générale; si elle
ne leur est pas nécessaire par l'invalidité
des confessions précédentes,
elle leur est toujours utile par
l'humilité qu'on y pratique,
à moins que ce ne soit à des âmes
scrupuleuses, qui sont rares.
59. 10. Ils ne sont ni trop rigides,
ni trop relâchés dans
les pénitences et les absolutions,
prenant le milieu de la
sagesse et de la vérité
qui leur est marqué en détail dans la
"Méthode uniforme que les
missionnaires doivent garder dans
l'administration du sacrement de
Pénitence pour renouveler
l'esprit du Christianisme"... et
dans un petit livre manuscrit
plus étendu qu'ils ont dans
les mains, intitulé le Veni-mecum
du bon missionnaire.
60. 11. Le ministère de la
prédication de la parole de Dieu
étant le plus étendu,
le plus salutaire et le plus difficile
de tous, les missionnaires s'appliquent
incessamment à l'étude
et la prière pour obtenir
de Dieu le don de la sagesse, si
nécessaire à un vrai
prédicateur pour connaître, goûter et
faire goûter aux âmes
la vérité. Rien n'est si aisé que de
prêcher et de prêcher
à la mode. Mais que c'est une chose
difficile et relevée que
de prêcher à l'apostolique; que de
parler comme le sage, ex sententia
ou, comme dit Jésus-Christ,
ex abundantia cordis, que d'avoir
reçu de Dieu, pour
récompense de ses travaux
et prières, une langue, une bouche
et une sagesse à laquelle
les ennemis de la vérité ne puissent
résister: mercedem linguam...
os et sapientiam cui non
poterunt resistere omnes adversarii
vestri. [Lc 21,15] A peine
de mille prédicateurs - je
dirais dix mille sans mentir, - y
en ait-il un qui ait ce grand don
du Saint-Esprit; la plupart
n'ont que la langue, la bouche et
la sagesse de l'homme; c'est
pourquoi peu d'âmes sont éclairées
et touchées et converties
par leurs paroles, quoiqu'ils les
aient tirées de l'Ecriture
sainte et des Pères, quoique
les vérités qu'ils prêchent
soient très bien appuyées,
très bien prouvées, très bien
agencées, très bien
prononcées, très bien écoutées et
applaudies. Leurs sermons sont bien
composés, leur langage est
trié et chosi, leurs pensées
sont ingénieuses, les citations
de l'Ecriture sainte et des Pères
leur sont familières, leurs
gestes sont bien réglés,
leur éloquence est vive; mais,
malheur! tout cela, n'étant
qu'humain et naturel, ne produit
que de l'humain et du naturel. Une
secrète complaisance, qui
sort de cette pièce si bien
composée et étudiée, sert d'une
flèche à Lucifer,
l'orgueilleux savant, pour aveugler le
prédicateur; une admiration
populaire, qui sert de passe-temps
aux mondains pendant le sermon et
d'entretien après le sermon
dans les compagnies, est tout le
fruit de leurs peines et de
leurs sueurs. Comme ils ne battent
que l'air et ne frappent
que les oreilles, il ne faut pas
s'étonner si personne ne les
attaque, si l'esprit du mensonge
ne dit mot, in pace sunt ea
quae possidet; comme le prédicateur
à la mode ne frappe point
au coeur, qui est la citadelle où
ce tyran est renfermé, il ne
s'étonne pas beaucoup du
grand bruit qu'on mène au dehors.
61. Mais qu'un prédicateur
plein de la parole et de l'esprit
de Dieu vienne seulement à
ouvrir la bouche, tout l'enfer
sonne l'alarme et remue ciel et
terre pour se défendre. C'est
pour lors qu'il se fait une sanglante
bataille entre la vérité
qui passe par la bouche du prédicateur
et le mensonge qui sort
de l'enfer; entre ceux des auditeurs
qui deviennent par leur
foi les amis de cette vérité
et les autres qui, par leur
incrédulité, deviennent
les suppôts du père du mensonge. Un
prédicateur de cette trempe
divine va remuer par ses seules
paroles de la vérité,
quoique très simplement dites, toute une
ville et toute une province par
la guerre qu'il y excite; ce
qui est une suite du combat terrible
qui fut livré dans le
ciel entre la vérité
de saint Michel et le mensonge de
Lucifer, et un effet des inimitiés
que Dieu même a mis[es]
entre la race prédestinée
de la sainte Vierge et la race
maudite du serpent. Il ne faut donc
pas s'étonner de la fausse
paix, où on laisse les prédicateurs
à la mode, et des étranges
persécutions et calomnies
qu'on livre et qu'on lance contre
les prédicateurs qui ont
reçu le don de la parole éternelle,
tels que doivent être un jour
tous les enfants de la Compagnie
de Marie, evangelizantibus virtute
multa.
62. 12. Le missionnaire apostolique
prêche donc avec
simplicité, sans artifice;
avec vérité, sans fables, ni
mensonges, ni déguisements;
avec intrépidité et autorité, sans
crainte ni respect humain; avec
charité, sans blesser
personne; et avec sainteté,
n'ayant que Dieu seul en vue, sans
intérêt que celui de
sa gloire, et en pratiquant le premier ce
qu'il enseigne aux autres: coepit
Jesus facere et docere. [Ac
1,1]
63. 13. Ils évitent en chaire
plusieurs écueils, où le démon
fait souvent tomber les nouveaux
prédicateurs et quelques
[autres], sous prétexte de
zèle: 1 la complaisance en ce
qu'on dit ou dans le fruit qu'on
fait; 2 la louange de sa
prédication qu'on mendie
directement ou indirectement après
qu'on a prêché; 3 l'envie
qu'on a d'en voir d'autres plus
suivis, plus pathétiques,
etc.; 4 la médisance sur
quelqu'autre prédicateur
écoutée ou débitée; 5 la colère
toute naturelle où on se
laisse facilement aller lorsque
l'auditeur en donne quelque sujet
pendant que le prédicateur
prêche; 6 l'apostrophe directe
ou indirecte de son auditeur,
soit en le nommant indirectement,
soit en le désignant de
l'oeil ou de la main, soit en disant
des choses qui ne peuvent
convenir qu'à sa personne;
7 la condamnation continuelle,
affectée ou outrée
des riches et des grands du monde, des
magistrats ou officiers de justice;
8 la censure, la critique
ou le détail des péchés
des prêtres.
Tous ces excès sont blâmables,
capables de révolter les
esprits et de faire perdre au missionnaire,
quelque saint et
bien intentionné qu'il soit,
tous les fruits de la parole de
Dieu ou du moins une très
grande partie.
64. 14. Il faut qu'un bon prédicateur
se regarde dans la
chaire comme un criminal innocent
sur la sellette où il faut
qu'il souffre, sans se venger, les
faux jugements de tout un
auditoire souvent indisposé
contre lui, les censures et les
mauvaises interprétations
que les savants orgueilleux font de
ses paroles, les railleries, les
moqueries et les mépris que
font les impies de sa personne et
enfin toute la calomnie de
tout un peuple, faisant consister
la force de son zèle, non
pas seulement à prêcher
avec vigueur, mais à souffrir tous les
orages comme un rocher sans plier
et même sans s'en remuer
davantage, laissant à la
vérité qu'il annonce et qui
naturellement engendre la haine,
la commission de le délivrer
du mensonge: veritas liberabit me,
et qui ne manque jamais de
le faire tôt ou tard, pourvu
qu'on la laisse faire.
65. 15. Enfin, qu'ils se souviennent
que Jésus-Christ les
envoie comme les Apôtres sicut
agnos inter lupos. [Lc 10,3] Il
faut donc qu'ils imitent la douceur,
l'humilité, la patience
et la charité de l'agneau,
afin de changer par ce moyen tout
divin les loups mêmes en agneaux.
RGLEMENT DE LEUR TEMPS DANS LES MISSIONS
66. 1. Ils se lèvent à
4 heures en tout temps, comme les
missionnaires de la Compagnie de
Jésus et de la Compagnie de
Monsieur Vincent, à moins
que la sainte obéissance ne leur
ordonne autrement à cause
de leur indisposition.
67. 2. A 4 h 1/2, si le directeur
ne leur prescrit pas
quelqu'emploi particulier, comme
célébrer la sainte messe,
chanter des cantiques au peuple,
faire quelques lectures,
etc., ils font une demi-heure d'oraison
mentale, récitent les
Petites Heures et font la préparation
ordinaire de la sainte
messe.
68. 3. A 6 h ou environ, selon les
temps de la mission, ils
célèbrent l'un après
l'autre la sainte messe, selon l'ordre
que le directeur leur en aura marqué.
69. 4. Ils se mettent au confessionnal,
le plus tôt qu'ils
peuvent, devant ou après
la prédication, jusqu'à 11 h
précises.
70. 5. La prédication se fait
ordinairement en hiver, entre 7
et 8 et, en été, en
6 et 7 heures selon la commodité des
peuples.
71. 6. A 11 h, au signal que le directeur
donne, ils se
lèvent promptement de leurs
confessionnaux, quoique la
confession qu'ils entendent ne soit
pas finie, pour faire tous
ensemble l'examen devant le repas.
72. 7. Ils font tout leur repas en
commun et en silence,
écoutant la lecture de l'Ecriture
sainte et de quelque bon
casuiste qu'on y fait. Le directeur
cependant peut, en de
certaines occasions de charité
et de bienséance, faire cesser
la lecture sur la fin du repas afin
de parler ensemble de
bonnes choses.
73. 8. Les grâces étant
dites, ils font leur récréation
ensemble, sans s'écarter
sans une permission expresse; et
pendant ce temps ils décident
quelques cas de conscience,
selon les besoins des lieux où
on fait la mission et sans
faire connaître ceux dont
on décide le cas.
74. 9. A 1 heure précise,
la récréation finit et on récite
Vêpres et Complies en commun;
et après Vêpres on va au
confessionnal, si le supérieur
ne donne point d'autre emploi,
jusqu'à 5 heures ou environ,
selon les différents temps;
ensuite, on vient à la maison
réciter Matines en commun.
75. 10. Après Matines, on
soupe et on fait ensuite la
récréation comme le
matin.
76. 11. Après une heure de
récréation on fait la prière
commune, on écoute la lecture
du sujet d'oraison et ensuite on
va se coucher.
77. 12. A 9 heures ou environ on
doit être couché, avec
silence et modestie.
78. 13. Hors le temps des missions,
ils ont quasi les mêmes
exercices, hormis qu'ils ne se lèvent
qu'à 5 heures et
emploient le temps de la prédication
et de la confession à
l'étude, à l'oraison
et à la retraite.
RGLES DU CATÉCHISME
79. 1. L'emploi de catéchiste
étant le plus grand de la
mission, celui qui en [est] chargé
par l'obéissance applique
tous ses soins pour s'en bien acquitter;
car il est plus
difficile de trouver un catéchiste
accompli qu'un parfait
prédicateur.
80. 2. Il tâche de se faire
aimer et craindre tout ensemble,
en sorte cependant que l'huile de
l'amour surpasse le vinaigre
de la crainte. C'est pourquoi, s'il
intimide les enfants par
des menaces et des pénitences
humiliantes d'un bon maître, il
les anime comme un bon père
par les louanges qu'il leur donne,
par les récompenses qu'il
leur promet et leur distribue, par
les caresses qu'il leur fait. Mais
jamais il ne les frappe de
la main ni de la gaule. Si cependant
quelque enfant était
incorrigible, il l'enverrait recevoir
des parents 10 ou 12
coups de fouet ou de gaule.
81. 3. Il use d'une grande fermeté
à ce que les enfants ne
causent ni ne badinent au catéchisme;
s'il leur pardonne la
première fois, il les menace
la seconde, il leur fait faire
une pénitence la troisième
et il les envoie chercher le fouet
convenable la quatrième.
82. 4. Comme les enfants sont de
leur naturel beaucoup portés
à rire, il tâche de
tenir toujours un grand sérieux et de ne
leur rien dire qui les excite à
rire tout haut. Il peut
cependant et il doit même
égayer le catéchisme, qui de soi-
même est assez sec, soit par
des manières engageantes, soit
par de petites pointes d'esprit,
soit par de petites et
courtes histoires agréables,
afin de plaire par là aux enfants
et de renouveler leur attention.
83. 5. Il a pour grande maxime d'interroger
beaucoup les
enfants et de parler très
peu pendant qu'il interroge,
réservant à leur faire
ou faire faire par quelqu'autre
missionnaire une exhortation pathétique,
d'un bon quart
d'heure, sur quelque grande vérité,
sur la fin du catéchisme,
afin qu'après avoir éclairé
leur esprit par les demandes du
catéchisme, leur coeur soit
attendri et touché par cette
exhortation. De toutes les manières,
celle-là est la plus
propre pour apprendre en peu de
temps le catéchisme aux
enfants et pour les convertir à
Dieu, comme l'expérience l'a
fait connaître.
84. 6. Pour le temps et les circonstances
du catéchisme,
voici les règles qu'il garde.
Il dîne à 11 heures précises. Il
va, après l'angelus de midi
sonné, à l'église; il récite le
chapelet avec les enfants tout haut
dans l'église, pendant
qu'ils s'assemblent; il chante ensuite
deux ou trois couplets
d'un cantique.
85. 7. Le premier ou le second catéchisme
de la mission, il
fait asseoir les enfants coude à
coude, par âge et par ordre,
comme les neufs choeurs des anges
dans le ciel; et il faut que
les enfants gardent cet ordre pendant
toute la mission, se
plaçant toujours dans le
même lieu et auprès des mêmes
compagnons; et il appelle chaque
banc du nom d'un des neuf
choeurs des anges: Chérubins,
Séraphins, Trônes, etc. Cette
industrie est merveilleuse: 1 pour
tenir les enfants dans
l'ordre et le Dieu de l'ordre parmi
les enfants; 2 pour
rendre les enfants attentifs et
assidus au catéchisme, le
compagnon de chaque enfant étant
obligé d'avertir le
catéchiste de l'absence de
son compagnon; 3 pour abréger le
temps du catéchisme, le catéchiste
n'étant point obligé
d'écrire ou du moins de nommer
le nom des enfants, qui est un
temps perdu, et voyant d'un clin
d'oeil ceux qui manquent au
catéchisme et ceux qui y
viennent de nouveau.
86. 8. Après le chapelet récité
et les enfants arrangés, il
commence le catéchisme en
produisant et faisant produire tout
haut aux enfants des actes de foi
de la présence de Dieu, des
actes d'espérance, de charité,
de contrition, d'offrande du
catéchisme à Jésus-Christ,
d'invocation du Saint-Esprit et du
secours de la sainte Vierge et de
l'Ange gardien.
87. 9. Ensuite, il fait répéter
par un seul ce qui a été
appris dans le dernier catéchisme,
propose quelque demande, la
fait répéter par plusieurs
l'un après l'autre, selon l'ordre
qu'ils sont rangés, souvent
sans rien dire, les désignant
seulement avec la main ou la baguette.
Par cette manière qui
ne fatigue pas beaucoup il peut
et il doit interroger quatre
ou cinq cents enfants en une heure
et demie.
88. 10. Le catéchisme ne doit
ordinairement durer qu'une
heure et demie. Quand l'exhortation
est faite, il fait sortir
par bancs, si le catéchisme
est nombreux, tous les enfants,
d'une manière modeste et
paisible, sans leur souffrir ces cris
et ces mouvements précipités
qui sont si ordinaires à la fin
des catéchismes.
89. 11. Après le catéchisme
fait, il conduit deux à deux les
pauvres, qui ont écouté
le catéchisme, à la Providence pour
leur faire donner à dîner
avec silence et modestie; et pendant
qu'ils mangent leur soupe, il leur
fait faire quelque lecture
ou les interroge encore du catéchisme,
étant plus redevable
aux pauvres qu'aux riches.
90. 12. C'est au catéchiste
à répondre de la science des
enfants qui sont choisis pour faire
leur première communion,
et il doit pour cela garder les
règles qui lui sont
prescrites, savoir: 1 de bien les
instruire; 2 de parler à
leurs parents; 3 de les examiner
exactement pour la science;
4 de s'assurer si les confesseurs
leur ont donné
l'absolution, par un certain petit
mot, que les dits
confesseurs doivent dire à
ceux à qui ils donnent l'absolution
et qu'ils ne disent point aux autres,
afin que, par ces
précautions et plusieurs
autres, ils empêchent de communier
indignement les enfants, qui naturellement
y sont portés par
l'exemple des autres et par la suggestion
du malin.
91. 13. Il ne se servira ordinairement
que du "Catéchisme
abrégé des missionnaires",
dans lequel les enfants, en sept
petites leçons, peuvent apprendre
tout ce qui est nécessaire
au salut. Je dis ordinairement;
car, si le curé de la paroisse
où la mission se fait a bien
instruit ses enfants et leur a
enseigné un catéchisme
conçu en d'autres termes, le
missionnaire doit aussi s'en servir,
afin de n'embrouiller pas
les idées des enfants, qui
apprennent plus par mémoire que par
jugement.