chapitre 53 LIII .
La Saint Vierge parle à l’épouse
, lui disant en quelle manière elle
est disposée
, elle , les vierges , les veuves et les mariées qu’
elle voit
demeurer en leur juste résolution , à aimer son Fils
sur toutes
choses .
La sainte
Mère de Dieu dit : Ecoutez , ô vous qui priez Dieu de tout
votre cœur , afin que vos enfants plaisent à Dieu , car il n’y a
point de mère qui aime mon Fils sur toutes choses , et qui , si
elle demande le même avec tant de promptitude à
ses enfants , ne me trouve aussitôt préparée et disposée
à l’aider à l’effet de sa demande . Ni aussi il n’y a point
de veuve qui demande constam-
ment à Dieu le secours de
perfection en sa viduité jusques à la mort , pour l’honneur
et la gloire de Dieu , que je ne sois soudain plus disposée à
accomplir sa volonté avec elle ; car j’ai été comme
veuve , d’autant que j’ai eu en la terre un Fils qui n’avait point de père
charnel . Il n’y a aussi aucune vierge qui désire garder sa virginité
à Dieu jusques à la mort , que je ne sois plus disposée
à la défendre , à la consoler et à l’affermir
, car je suis vraiment cette vraie Vierge . Vous ne devez pas admirer pourquoi
je dis cela , car il est écrit que David désirait la fille
de Saül quand elle était vierge ; et de fait , il la prit ,
étant même veuve . Et d’ailleurs , il eut la femme d’Urie
, quand même son mari vivait . Néanmoins , la concupiscence
de David ne fut pas sans péché , mais la délectation
spirituelle de mon Fils , qui est seigneur de David est sans aucun péché
.
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Début p 257
Partant , comme ces vies de virginité , viduité et mariage , ont plu corporellement à David , de même elles plaisent spirituellement à mon Fils en la délectation spirituelle ; c’est pourquoi ce n’est point de merveille si , en les aidant , j’attire leur délectation spirituelle en la délectation de mon Fils , car son plaisir est de prendre d’une manière toute sacrée ses plaisirs avec elles .
LIV .
La sainte Vierge Marie parle à
sa fille d’une nativité spirituelle
de quelqu’un
nourri dans les péchés infâmes , laquelle il a
obtenue
par les prières et les larmes des serviteurs de Dieu .
Voyez le
fils de larmes qui est maintenant né du monde spirituellement tout
de nouveau , qui était premièrement né de la mère
charnellement , car comme la sage femme , qui tire l’enfant du ventre de
la mère , tire premièrement la tête , après
les mains , et puis tout le corps jusques à ce qu’il tombe à
terre , de même en ai-je fait en la naissance spirituelle , pour
les prières et les larmes
que mes amis m’ont faites pour lui
. En vérité , je l’ai tiré du monde , de sorte qu’il
est spirituel comme un enfant nouvelle-ment né ; c’est pourquoi
on le doit nourrir corporellement et spirituellement , car celui à
qui je vous ai envoyée , doit le nourrir par ses prières
, et le garder par ses bonnes œuvres et ses conseils : Cette femme , dont
il vous a été parlé , priera Dieu pour lui et le gardera
spirituellement , ayant soin qu’il ait aussi les nécessités
corporelles , car il était tellement tombé dans les péchés
mortels , que tous les diables de l’enfer avaient dit de lui ; Ouvrons
fin p 257
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Addition.
Le Fils de Dieu parle : Où
l’âme famélique est chassée de l’aliment et de sa nourriture,
elle attend de loin pour y revenir, si elle peut, ou autrement, elle se
retire en sa tanière. De même en ai-je fais à
ce prince de la terre, car je l’ai averti par mes dons et mes faveurs ;
je l’ai averti par mes paroles et par les verges. Néanmoins, il
se rend autant ingrat et oublieux que je me montre envers lui doux et mansuet.
Partant, maintenant, je l’appellerai sous la couronne, et non sur la couronne,
mais sur l’escabeau des pieds, puisqu’il n’a pas voulu demeurer en la couronne,
et j’enverrai à lui et à ses complices un aspic cruel, engendré
d’une vipère et d’un renard fin et rusé, qui troublera les
habitants et plumera les simples ; qui montera au plus haut de la terre,
abaissera, et foulera aux pieds les superbes. Je conduirai cet enfant,
que ses parents ont nourri et élevé, par d’autres voies,
jusques à ce qu’il arrive à la gloire.
Le Fils de Dieu dit derechef
: On dira encore de cet enfant qu’il a vécu comme un homme et qu’il
a bataillé comme un généreux soldat, et sera couronné
comme un ami de Dieu. O ma fille ! Que croient les femmes qui se glorifient
que leurs enfants avancent à l’orgueil et à la superbe ?
Cela n’est pas gloire, mais confusion, puisqu’elles imitent le roi de superbe.
Mais celle-là est la gloire, et celui-là est un soldat de
gloire, qui se glorifie de faire ce qui honore Dieu, et s’efforce d’en
faire de plus grandes choses pour m’honorer, et il est disposé de
pâtir ce que Dieu veut qu’il pâtisse. Un tel est
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bon soldat à Dieu, et un
tel sera couronné avec les soldats du ciel.
LVI.
La sainte Vierge Marie dit à sa fille qu’elle ne doit pas ses contrister de ce qu’elle est corrigée et reprise.
La sainte Mère de Dieu dit : Pourquoi celui-là se trouble ? car de fait, le père frappe quelquefois le fils avec des verges assez douces ; il ne faut pas que le fils s’en contriste.
LVII.
La sainte Mère de Dieu parle à sainte Brigitte de la manière dont Rome doit être purifiée de la zizanie, la première fois par un fer aigu, la deuxième par le feu, et la troisième par une paire de bœufs.
La Mère de Dieu parle,
disant : Rome est comme un champ sur lequel la zizanie a crû grandement,
c’est pourquoi elle doit premièrement être purifiée
par le fer aigu, après par le feu, et en troisième lieu elle
doit être labourée par une paire de bœufs. Je me comporterai
avec vous comme celui qui transplante les arbres en un autre lieu, car
on prépare à cette ville comme si le Juge commandait : Arrachez-lui
toute sa peau ; épuisez-lui tout son sang ; hâchez sa chair
en petits morceaux et cassez-lui les os en telle sorte que les moelles
en coulent.
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LVIII.
Jésus-Christ parle à son épouse de la manière dont Notre-Seigneur est signifiée par un seigneur pèlerin ; son corps par le trésor ; l’Église par la maison, et les prêtres par les gardiens, lesquels Notre-Seigneur a honorés au centuple par-dessus les autres. Comment Notre-Seigneur se plaint de ce qu’ils le vitupèrent au centuple, et en quelle sorte ils convertissent en sept vices les sept vertus dont ils devraient être enrichis.
Le Fils de Dieu dit : Je suis
semblable au seigneur, qui, combattant fidèlement en la terre dès
son pèlerinage, retourne avec joie en sa terre natale. Ce seigneur
a un trésor grandement réjouissent, les tristes s’en consolent,
les infirmes s’affermissent, et les morts ressuscitent. Mais afin que ce
trésor fût honnêtement et assurément gardé,
on a fait et parfait une maison en magnificence et en gloire, ayant une
hauteur décente, et sept degrés par lesquels on montait à
icelle et au trésor. Or, Dieu a donné ce trésor à
voir à ses serviteurs, à le ménager fidèlement
et à le garder purement, afin que la charité du seigneur
fût approuvée envers ses serviteurs, et la fidélité
des serviteurs envers le seigneur. Or, quelque temps s’étant écoulé,
on commença à mépriser le trésor ; on fréquentait
rarement la maison ; les gardiens s’attiédirent, et on négligeait
l’amour de Dieu.
Lors le seigneur, prenant conseil
de ses familiers, leur demanda ce qu’il fallait faire sur
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une si grande ingratitude. Un d’eux
dit : Il est écrit que les juges et gardiens du peuple, étant
négligents, doivent être pendus, le visage tourné au
soleil ; mais la miséricorde est à vous et en vous, et le
jugement aussi ; mais bous pardonnez à tous, car tout est à
vous, et vous faites miséricorde à tous.
Je suis ce seigneur, qui
ai apparu en terre par humilité comme un pèlerin, étant
néanmoins puissant en la terre et au ciel selon la Déité
; car en vérité, j’ai eu en terre un si grand combat que
tous les nerfs de mes mains et de mes pieds étaient rompus pour
le salut des âmes . Et laissant le monde et montant au ciel, d’où
je ne suis jamais parti selon ma Déité, j’ai laissé
au monde un mémorial très-digne, savoir mon corps très-saint
; car comme la loi ancienne se glorifiait de l’arche, de la manne, des
tables du testament, et autres cérémonies, de même
l’homme nouveau se réjouit d’une loi nouvelle, savoir, de mon corps
crucifié, qui était figuré en la loi. Mais afin que
mon corps fût en gloire et honneur, j’ai institué la maison
de la sainte Église, où il serait gardé et conservé.
Les prêtres sont ses gardiens spéciaux, qui sont en quelque
manière en excellence par-dessus les anges, car celui que les anges
craignent de toucher par une crainte de révérence, c’est
celui-là même que les prêtres touchent de leurs mains
et de leur bouche.
J’ai aussi honoré
les prêtres de sept sortes d’honneurs comme d’autant de degrés
: 1-ils doivent porter la marque de prêtrise, et être mes signalés
amis par la pureté de l’esprit et du corps, car la pureté
est le premier degré pour aller à Dieu, à qui rien
de corrompu ne convient ; car si aux prêtres de la loi était
permis
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l’usage du mariage, tandis qu’ils
ne sacrifiaient pas, ce n’est pas de merveille, car eux n’avaient que l’écorce
et non le noyau. Or, la figure ayant cessé par l’arrivée
de la vérité, il faut qu’ils s’adonnent tous à la
pureté, car le noyau est plus doux que l’écorce. En signe
de cette continence, on leur coupe les cheveux, afin que la volupté
ne domine la chair ni l’esprit.
2. Les clercs sont institués
pour qu’ils soient hommes angéliques par toute sorte d’humilité,
d’autant que, par l’humilité de corps et d’esprit, on pénètre
le ciel, et la superbe du diable est surmontée ; et en ce degré,
les prêtres sont établis pour chasser les diables, car l’homme
humble est élevé au ciel, d’où la superbe a fait tomber
le diable.
3. Les prêtres sont
ordonnés, parce qu’ils doivent être disciples de Dieu par
la continuelle lecture de l’Écriture sainte ; c’est pourquoi elle
leur est donnée par les prêtres, comme l’épée
au soldat, afin qu’ils sachent ce qu’il faut faire, et qu’ils tâchent
d’apaiser l’ire de Dieu par l’oraison et par la méditation, afin
que le peuple ne périsse.
4.Les prêtres sont
institués gardiens du temple de Dieu et spéculateurs des
âmes ; c’est pourquoi l’évêque leur donne les clefs,
afin qu’ils soient soigneux du salut des âmes de leurs frères,
qu’ils les avancent par paroles et par exemples, et qu’ils incitent les
infirmes à ce qu’il y a de plus parfait.
5. Ils sont établis
dispensateurs et curateurs de l’autel, afin que, servant à l’autel,
ils vivent de l’autel, et qu’ils ne s’occupent aucunement en terre, si
ce n’est à ce qui concerne leur charge ecclésiastique.
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6-Ils sont ordonnés pour
qu’ils soient hommes apostoliques, prêchant la vérité
évangélique, conformant leurs mœurs à ce qu’ils prêchent.
7- Ils sont institués afin
qu’ils soient médiateurs entre Dieu et l’homme, par le sacrifice
de mon corps. En ce degré, les prêtres sont en quelque manière
au-dessus de la dignité des anges.
Or, maintenant, je me plains
que tous ces degrés sont grandement dissipés, car la superbe
est aimée au lieu de l’humilité, l’impureté au lieu
de la continence. On en s’entend plus aux livres de Dieu, mais à
ceux du monde. La négligence paraît aux autels ; la sapience
divine est réputée folie. On ne se soucie point du salut
des âmes, ni tout cela ne leur suffit pas, mais encore ils jettent
mes vêtements et méprisent mes armes.
Certainement j’ai montré
à Moïse en la montagne de Sinaï, les vêtements dont
les prêtres se devaient servir, non pas qu’en la céleste habitation
de Dieu, il y ait quelque chose de matériel, mais d’autant que nous
ne pouvons comprendre les choses spirituelles sans les matérielles.
C’est pourquoi je montre ce qui est spirituel par le corporel, afin qu’on
sache combien la pureté est requise à ceux ont la même
vérité, et non la figure, savoir est mon corps, si ceux qui
portaient l’ombre de ce corps et la figure de cette vérité
avaient tant de pureté et de révérence.
Mais pour quelle fin ai-je
montré à Moïse un si grand éclat d’habillements
matériels, si ce n’est afin que, par eux, on comprît l’éclat
et la beauté de l’âme ? car comme les vêtements du prêtre
sont au nombre de sept, de même l’âme qui s’approche du corps
de Dieu doit avoir
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sept vertus, sans lesquelles il
n’y a point de salut.
Donc, le premier vêtement
de l’âme est la contrition de ses péchés ; le deuxième,
l’amour de Dieu et de la chasteté, le troisième, le labeur
pour l’honneur de Dieu et la patience en l’adversité ; le quatrième,
ne se soucier ni du blâme ni des louanges des hommes, mais de l’honneur
de Dieu ; le cinquième, l’abstinence de la chair avec vraie humilité
; le sixième, penser aux bienfaits de Dieu et avoir crainte de ses
jugements ; le septième, ce sont la charité et l’amour de
Dieu sur toutes choses, et la persévérance en ce qu’on a
commencé.
Or, maintenant, ces vêtements
sont bien changés et méprisés, car en vérité,
on aime à s’excuser, à se justifier, à rendre ses
fautes légères, au lieu de se confesser simplement. On aime
les continuelles cajoleries au lieu de chasteté : le labeur de l’utilité
corporelle, au lieu du soin du salut des âmes ; l’ambition et la
superbe du monde, au lieu de l’honneur et de l’amour du monde ; la superfluité
en toutes choses, au lieu de la sobriété louable en toutes
choses ; la présomption et le jugement des jugements de Dieu, au
lieu de la crainte de Dieu, et l’ingratitude des clercs est sur tous, au
lieu de l’amour de Dieu sur toutes choses. Partant, je viendrai en mon
indignation, comme j’ai dit par mon prophète, et la tribulation
leur donnera d’esprit.
Lors la Mère de miséricorde,
assistant là, dit : Béni soyez-vous, mon Fils ! Je vous parle
par mon droit et justice. Vous savez toutes choses. Je vous prie pour cette
épouse, à laquelle vous vouliez faire entendre les choses
spirituelles, ce qu’elle ne peut pourtant, si vous ne lui don-
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nez des similitudes matérielles
: donnez-lui-en quelques-unes, car vous avez dit en votre Déité,
avant que vous eussiez reçu de moi l’humanité, que, s’il
se trouvait dix hommes justes en une cité, vous pardonneriez à
toute la cité pour ces dix. Or, maintenant, il y a une infinité
de prêtres qui vous plaisent par les oblations de votre corps : faites
donc miséricorde à cause de ceux-là, à ceux
qui ont peu de bien. Je vous prie pour cela ; je vous en conjure par l’humanité,
en laquelle je vous ai engendré ; et tous vos élus vous demandent
cela même avec moi.
Le Fils répondit :
Bénie soyez-vous, et bénie soit la parole de votre bouche
! Vous voyez que je leur pardonne triplement, à raison d’un triple
bien que contient l’obligation de mon corps ; car comme de la présomption
de Judas, trois biens ont été manifestés en moi, de
même trois biens proviennent aux âmes de l’oblation de ce saint
et auguste sacrifice. Enfin, ma puissance est louée, 1- de ce que,
sachant que Judas me trahirait, je n’ai pas rejeté sa conversation
; 2- que ce traître étant présent, je les renversai
tous de ma seule parole dans le Jardin des olives, où ma puissance
fut grandement manifestée ; 3- d’autant que je convertis toute sa
malice et celle du diable au salut des âmes, où ma sagesse
et mon amour furent manifestés.
De même, trois biens
proviennent de l’oblation des prêtres : 1- ma patience est louée
de toute la milice céleste, car je suis le même entre les
mains d’un bon et d’un mauvais prêtre, d’autant qu’en moi il n’y
a point acception de personnes, ni les mérites des hommes ne font
pas ce sacrement, mais bien mes paroles. 2- Parce
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Que cette oblation est utile à
tous, quel que soit le prêtre qui l’offre. 3.Attendu qu’elle profite
aussi à ceux-là mêmes qui l’offrent, bien que mauvais,
car comme d’une même parole que je dis : JE SUIS, tous mes ennemis
tombèrent à la renverse, de même, ayant dit cette parole
: CECI EST MON CORPS, les diables s’enfuient, et cessent de tenter les
âmes qui font ces saintes et sacrées oblations, ni n’osèrent
retourner à elles avec tant d’audace, si l’affection ne s’ensuivait.
C’est pourquoi ma miséricorde pardonne à tous et les souffre
tous ; mais ma justice crie vengeance, d’autant que je crie toujours ;
et combien plusieurs me répondent, vous le voyez assez. Néanmoins,
j’enverrai encore ma parole : ceux qui l’écouteront accompliront
et consommeront leurs jours en joie si grande qu’on ne le peut dire ni
penser à raison de sa douceur ; mais ceux qui ne l’écouteront
point, les sept plaies arriveront à leurs âmes, comme il est
écrit, et sept en leur corps, afin que, lisant et considérant
ce qui a été fait, ils frémissent d’horreur en les
expérimentant.
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LIX.
Notre-Seigneur Jésus-Christ
dit à son épouse comment les prêtres sont obligés
à trois choses : 1- à consacrer le corps de Notre-Seigneur
Jésus-Christ ; 2. à avoir la pureté de la chair et
de l’esprit ; 3. à avoir le soin de leur paroisse. Ils sont aussi
tenus d’avoir un livre et de l’huile. Comment le prêtre est l’ange
de Dieu ; voire son office est plus grand que celui des anges.
Le Fils de Dieu parle : Le
prêtre est obligé à trois choses : 1. à consacrer
le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; 2. à avoir la pureté
du corps et de l’esprit ; 3. à pourvoir à sa paroisse.
Mais vous me pourriez demander
à quoi il profite d’avoir une église, si l’on n’a une paroisse.
Je réponds : Le prêtre
qui a volonté de profiter à tous, et de prêcher pour
l’amour de Dieu, a une aussi ample paroisse que s’il avait tout le monde,
car s’il pouvait parler à tout le monde, il n’épargnerait
pas sa peine ; c’est pourquoi sa bonne volonté est prise pour l’effet,
car Dieu exempte souvent ses élus du labeur de la prédication,
à raison de l’ingratitude des auditeurs, et néanmoins, ils
ne sont pas frustrés de la récompense, à raison de
leur bon désir.
Le prêtre doit avoir
aussi un livre et de l’huile : un livre pour instruire les imparfaits,
et de l’huile sainte pour oindre les infirmes ; car comme dans le livre
est contenue la doctrine du corps et de l’esprit, de même le prêtre
doit avoir la sagesse pour modérer et retenir la chair, de peur
que l’intempérance ne la relâche, d’où les
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paroissiens soient scandalisés,
fuyant les ambitions et les cupidités du monde, par lesquelles l’éclat
et la beauté ecclésiastique sont vilipendés ; évitant
les mœurs du siècle, par lesquelles la dignité des prêtres
est déshonorée. La science spirituelle est pour instruire
les ignorants, corriger les dissolus et pour exciter les avancés.
Or, en l’huile sont marqués la douceur de l’oraison et les bons
exemples, car comme l’huile est plus grasse que le pain, de même
l’oraison d’amour et de charité, et les exemples d’une bonne vie,
sont plus efficaces que toute autre chose pour attirer les hommes à
Dieu et pour apaiser Dieu.
En vérité je
vous dis, ma fille, que le nom de prêtre est grand, d’autant que
c’est un ange et un médiateur ; mais plus grand est son office,
d’autant qu’il touche Dieu incompréhensible, et que les choses saintes
sont en ses mains.
LX.
L’épouse parle à Dieu de la manière agréable pour le prier.
Béni soyez-vous, mon Créateur
et mon Rédempteur ! Ne vous indignez pas si je vous parle comme
celui qui, étant malade, parle à son médecin, comme
l’affligé parle à son consolateur, et comme le pauvre à
celui qui est riche et opulent.
En effet, celui qui est malade
et blessé dit : O médecin, ne m’abandonnez pas, car vous
êtes mon frère. O très-bon consolateur, ne me méprisez
pas, car je suis affligé, mais donnez repos à mon cœur et
consolation à mes sens.
Et le pauvre parle en ces
termes : O vous qui
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êtes riches et qui n’avez
besoin de rien, regardez-moi, car je me meurs de faim ; voyez que je suis
tout nu, et donnez-moi des vêtements qui puissent me réchauffer.
De même je vous en
dis, ô Seigneur très-bon et très-puissant ! Je considère
les plaies de mes péchés, desquelles je suis blessée
dés mon enfance, et je me lamente d’avoir inutilement employé
mon temps. Mes forces se suffisent aux labeurs, car elles ont été
épuisées dans les vanités. Partant, vous qui êtes
la fontaine de toute bonté et miséricorde, je vous en supplie,
ayez miséricorde de moi ! Touchez mon cœur de la main de votre dilection,
car vous êtes un très-bon médecin. Consolez mon âme,
puisque vous êtes un bon consolateur.
LXI.
Il est ici traité de la manière dont le diable apparut à l’épouse à l’élévation du corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ, lui disant et voulant prouver par raisons que ce qu’on élevait n’était pas le corps de Notre-Seigneur. Soudain l’ange de Dieu lui apparut, la confortant et lui disant : Ne le croyez pas, etc. Et comment Notre-Seigneur, apparaissant, contraint le diable de dire la vérité devant sa fille, et en quelle sorte le corps de Notre-Seigneur est pris des bons. Du remède convenable du corps de Jésus-Christ à nos tentations, pour nous en délivrer.
Un homme très-cruel
apparut à l’épouse, pendant l’élévation du
corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et lui dit : Croyez-vous,
folle que
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vous êtes ! que le corps de
Jésus-Christ soit tous ce gâteau de pain ? Il serait consumé
il y a longtemps, quand même il serait aussi grand que la montagne
des montagnes. En vérité, il n’y a aucun des sages Juifs
auxquels Dieu a donné la sagesse, qui le croie, ni aussi personne
ne croira que Dieu se laisse toucher et manier par un prêtre qui
a le cœur adonné à la chair et plongé dans les voluptés
charnelles. Et afin que vous éprouviez ce que je dis, je vous déclare
que ce prêtre est à moi, lequel j’emporterai quand je voudrai,
voire en un instant.
Lors soudain l’ange, apparaissant,
dit : O fille, ne répondez follement selon sa folie, car celui qui
vous est apparu est le père du mensonge, mais préparez-vous,
car votre époux approche.
Jésus-Christ, l’époux,
venant, dit au diable : Pourquoi troubles-tu ma fille et mon épouse
? Je l’appelle fille, d’autant que je l’ai créée, et épouse,
d’autant que je l’ai rachetée et l’ai unie à moi-même
par amour.
Le démon repartit
: Je parle, car il m’est permis de la refroidir en votre service.
Notre-Seigneur repartit :
C’est ce qu’elle a expérimenté cette nuit, quand tu lui as
pressé les yeux et les autres parties du corps ; et tu eusses fait
davantage, si cela t’eût été permis. Mais toutes les
fois qu’elle résiste, la couronne lui est redoublée. Néanmoins,
ô diable ! d’autant que tu as dit qu’il y a longtemps que je serais
mangé, bien que je fusse une montagne, dis intelligiblement, ma
fille l’entendant ( puisqu’elle est corporelle) : L’Écriture dit
que, le peuple se perdant, on érigea le serpent d’airain, lequel
étant vu, tous ceux qui étaient mordus du serpent étaient
guéris. Par quelle vertu étaient-ils gué-
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ris ? Est-ce, ou par la force de
l’airain, ou par l’image du serpent, ou par la bonté de Moïse,
ou par la vertu divine ?
Le diable répondit
: Cette vertu de guérir n’est d’autre que de la vertu propre de
Dieu, et de la foi du peuple, qui obéissait, qui croyait si fermement
que Dieu, qui avait fait éclore du néant toutes choses, pouvait
aussi faire tout ce qui n’avait point été.
Dieu dit derechef : Dis,
démon : quand la verge a été faite serpent, cela a-t-il
été fait par le commandement de Moïse ou de Dieu, ou
bien parce que Moïse était saint, ou parce que Dieu l’avait
dit ainsi ?
Le démon repartit
: Qu’était Moïse, sinon un homme infirme de foi, mais juste
par la grâce de Dieu, à la parole duquel, par le commandement
de Dieu, la verge a été faite serpent, Dieu commandant vraiment,
et Moïse obéissent comme instrument ; car avant le commandement,
la verge était verge, et Dieu commandant, la verge a été
faite serpent, de sorte que Moïse même en avait peur.
Lors Notre-Seigneur dit à
l’épouse qui voyait ceci : De même en est-il maintenant à
l’autel, car avant les paroles sacramentelles, le pain mis à l’autel
est pain ; mais ces paroles étant dites : CECI EST MON CORPS, il
est fait mon corps, lequel prennent et touchent aussi bien les bons que
les mauvais prêtres, aussi bien un que mille, en même vérité,
mais non pas en même affection, d’autant que le prêtre bon
le reçoit pour la vie éternelle, le mauvais pour son jugement.
Quant à ce que le
démon dit que Dieu est sali par l’immondicité de celui qui
l’offre, cela
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Est véritablement faux, car
comme si un lépreux donnait les clefs à son maître,
ou de l’infirme offrait des confections d’herbes très-fortes, cela
ne nuirait en rien à celui à qui elles sont administrées,
puisque la même vertu est en elles, par qui que ce soit qu’elles
soient administrées, de même Dieu n’est pas mauvais de la
malice du mauvais prêtre, ni n’est pas meilleur de la bonté
d’un bon prêtre, car il est immuable et est toujours le même,
Or, quant à ce que le démon dit que ce prêtre mourra
bientôt, il connaît cela par la subtilité de sa nature
et des causes extérieures, néanmoins, il ne peut l’enlever
que par ma permission.
En vérité,
ce prêtre est du diable, s’il ne se corrige, et cela à raison
de trois choses, car le diable dit qu’il a les membres puants et le cœur
charnel, d’autant qu’il est en vérité tout pourri et tout
fébricitant, car il a une chaleur extérieure et un froid
intérieur, une soif intolérable, une langueur des membres,
un dégoût du pain et une abomination à toute douceur,
car il est chaud pour le monde et est froid pour Dieu ; il désire
les voluptés charnelles, et a en horreur l’éclat et la beauté
des vertus ; il est dégoûté de l’observance des commandements
de Dieu ; il est fervent pour tout ce qui est de la chair. Partant, ce
n’est pas de merveille s’il ne goûte mon corps, si ce n’est comme
du pain cuit au four, car il ne considère ni ne goûte l’œuvre
spirituelle, mais l’œuvre charnelle.
Partant, l’Agnus Dei étant
dit, et ayant pris et reçu mon corps dans son corps, la puissance
du Père et la douce présence de mon Fils se retirent de lui.
Et ayant déposé les habits sacrés, la bénignité
du Saint-Esprit se retire de lui, qui
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Est le lien de l’union, mais la
seule forme et mémoire du pain demeurent en lui seulement. Vous
ne devez pas pourtant penser que celui-là ou quelque autre que ce
soit, soit sans Dieu, recevant le saint sacrement, que Dieu s’en retire
seulement, ne versant en lui de plus grandes consolations. Je demeure néanmoins
en lui, le souffrant et le défendant du diable.
Quant à ce que le
diable objecte qu’aucun des Juifs qui sont sages n’ont voulu croire cela,
je réponds que les Juifs sont disposés comme ceux qui ont
perdu l’œil droit ; c’est pourquoi ils clochent de chaque pied spirituel
: et partant, ils sont fous et le seront jusqu’à la fin. Ce n’est
donc pas de merveille que le diable aveugle leur esprit, endurcisse leur
cœur, et leur suggère ce qui est impudique et contre la foi. Partant,
toutes fois et quantes que telle pensée assaillira votre esprit,
rapportes-la et découvrez-la à vos amis spirituels. Soyez
permanente en la foi, et sachez sans doute que CECI EST MON CORPS, que
j’ai reçu de la chair virginale, qui a été crucifié
et qui règne au ciel ; ceci même est sur l’autel, et les mauvais
et les bons le reçoivent. Car comme je me suis montré aux
disciples allant à Emmaüs, en une autre forme étant
néanmoins vrai Dieu et vrai homme, entrant à mes disciples,
les portes étant fermées, de même je me montre aux
prêtres sous une autre forme, afin que la foi ait son mérite,
et que l’ingratitude des hommes paraisse ; ni n’est pas de merveille, car
je suis le même maintenant qui ai montré la puissance de ma
Déité par des signes terribles ; et néanmoins encore
alors, les hommes ont dit : Faisons-nous des dieux qui nous précèdent
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J’ai aussi montré
aux Juifs ma vraie humilité, et ils l’ont crucifiée. Je suis
tous les jours sur l’autel, et on dit : Nous avons dégoût
et tentation sur cette viande. Quelle plus grande ingratitude se pourrait-on
imaginer que vouloir comprendre par raison Dieu et ses occultes jugements,
et oser juger les mystères qu’il possède en sa main propre
? C’est pourquoi je veux montrer aux idiots et aux humbles, par un effet
invisible et par une forme visible, qu’est la forme visible du pain sans
pain et sans substance : qu’est la substance en la forme, et quelle la
division de la forme sans substance, ou pourquoi je souffre des choses
si indignes et si difformes en mon corps, afin que les humbles soient exaltés
et les superbes confondus.
LXII.
Notre-Seigneur reprend quelque prêtre
qui ensevelissait quelqu’un qui était mort avec patience en la présence
de l’épouse. Comment Dieu vient aux mauvais prêtres avec sept
plaies corporelles et avec sept plaies spirituelles. En quelle manière
tout cela, étant souffert patiemment, leur obtient la gloire.
Quand quelque prêtre
ensevelissait quelque mort qui avait demeuré trois ans et demi-gisant
au lit, lors l’épouse ouït l’Esprit qui parlait en ces termes
: Mon ami, que faites-vous ? Pourquoi présumez-vous de toucher le
mort, vu que vos mains sont sanglantes ? Pourquoi criez-vous pour lui,
puisque votre voix est quasi comme celle des grenouilles ? Pourquoi présumez-vous
d’apaiser le Juge pour lui, vu que, par vos ges-
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tes, vous ressemblez plutôt
à un joueur de farces qu’à un prêtre dévot ?
Partant, la vertu de mes paroles, et non vos paroles, profitera au mort
; sa foi constante et sa longue patience l’introduiront à la couronne.
D’ailleurs, le Saint-Esprit
dit à l’épouse : Les mains de ce prêtre sont sanglantes,
car toutes ses œuvres sont charnelles, qui ne peuvent toucher le mort,
d’autant qu’elles ne peuvent aider de leurs mérites, mais bien par
la dignité du sacrement, car les bons prêtres profitent aux
âmes en deux manières, savoir : en vertu du corps de Notre-Seigneur
et en vertu de l’amour dont ils brûlent. Sa voix est quasi comme
celle des grenouilles, car elle sort des œuvres souillées ; tout
sort de la volupté de la chair ; c’est pourquoi elle ne monte pas
à Dieu, qui veut être apaisé par une voix humble, par
la confession et la contrition.
Ses œuvres sont aussi comme
celles des cajoleurs, car que font-ils autre chose, sinon se conformer
aux mœurs des mains ? Que chantent-ils autres choses, sinon : Mangeons,
buvons, et jouissons des délices pendant que nous vivons ? De même
en fait celui-ci, car il se conforme à tous en ses vêtements
et en ses actions, afin de plaire à tous par son pernicieux exemple
et par son excès aux choses superflues. Mangeons, buvons, et jouissons
des délices en cette vie, car elles sont les joies du Seigneur.
Que notre force nous suffise pour arriver aux portes de la gloire ; que
s’il m’en défend l’entrée, je serai content de demeurer en
la porte de la gloire. Je ne veux point être parfait.
Cette voie est trop pénible,
et cette vie est trop lourde et trop pesante ; personne n’arrivera à
la
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porte de la gloire, sinon celui
qui sera parfait ou qui sera purifié parfaitement ; et pas un ne
possédera la gloire, sinon celui qui la désire parfaitement,
ou qui travaillera parfaitement à l’acquérir. Néanmoins,
moi Seigneur de toutes choses, j’entre dans ce prêtre, mais je n’y
suis pas enclos et caché ; j’y entre comme un époux ; j’en
sors comme un juge qui doit juger le mépris qu’il me fait en me
recevant.
Partant, comme j’ai dit,
je viendrai aux prêtres avec sept plaies, car ils seront privés
de toutes les choses qu’ils ont aimées ; ils seront jetés
loin de la présence de Dieu ; ils seront jugés en son ire
; ils seront donnés au diable ; ils souffriront sans repos ; ils
seront méprisés de tous ; ils auront nécessité
de toutes choses, et seront assaillis de toute sorte de maux. De même
aussi ils seront affligés de sept autres maux corporels ; ils seront
flagellés comme Israël.
Partant, vous ne devez pas
vous émerveiller si je souffre les mauvais, ou si quelques choses
indignes sont manifestées en mon saint sacrement, car je les souffre
jusqu’à la fin pour manifester ma patience et pour faire voir leur
détestable ingratitude. Vous ne devez pas non plus penser qu’une
telle indignité soit en mon corps, comme vous avez ouï du vomissement,
mais ces espèces sensibles montrent ce qu’elles sont, savoir, qu’elles
peuvent cesser d’être, et néanmoins, paraissant, elles marquent
et découvrent au jour l’ingratitude des hommes, et les font voir
à tous indignes et coupables d’une sainte participation et réception
sacrée.
Derechef, l’Esprit dit à
l’âme du mort : O âme, tressaillez de joie, car votre foi vous
a sé-
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début p 278
Les révélations célestes
parée du diable ; votre simplicité vous abrégera le long cours du purgatoire ; votre patience vous a conduite aux portes de la gloire , et ma miséricorde vous y introduira et vous couronnera .
LXIII .
Il est ici traité de la manière
dont le diable apparut à l’épouse , la
voulant
décevoir au saint sacrement de l’autel par des raisons
apparentes
. En quelle manière Jésus-Christ fut au secours de
l’épouse
, contraignant le diable de dire la vérité devant elle ,
et de la
conformation et utile instruction de Jésus-Christ à son
épouse
, concernant son corps dans le saint et auguste
sacrement
.
Un démon
, qui avait le ventre long , apparut à l’épouse sainte Brigitte
, et lui dit : Que croyez-vous , ô femme ! et que considérez-vous
de grand ? car moi aussi , je sais plusieurs choses ,et veux prouver avec
des raison évidentes ce que je dis . Je vous conseille de ne croire
ce qui est incroyable et de croire à vos sens : ne voyez-vous pas
de vos yeux l’hostie ? n’oyez-vous pas de vos oreilles le bruit qu’elle
fait quand on la rompt ? Vous l’avez vu vomir , être touchée
, être déshonnêtement jetée en terre , et lui
être faites plusieurs autres choses indignes que je ne souffrirais
aucunement en moi . Que s’il était possible que Dieu fût en
la bouche du juste , comment descendrait-il et viendrait-il aux injustes
, dont l’avarice est sans fond et sans bornes ?
Elle répondit
à l’humanité de Jésus-Christ , qui
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Début p 279
apparut soudain après la tentation
, disant : O Seigneur Jésus-Christ , je vous rends grâces
pour toutes les faveurs dont vous m’avez comblée, mais spécialement
pour trois : 1° d’autant que vous revêtez mon âme , lui
inspirant la pénitence , et la contrition , par lesquelles tout
péché est effacé . 2° Vous nourrissez l’âme
, y versant votre charité , et la mémoire de votre passion
, par laquelle l’âme se nourrit et se délecte comme en sa
viande très-bonne . 3°Parce que vous consolez tous ceux qui
vous invoquent
en tribulation .
Miséricorde
donc , ô mon Seigneur et aidez-moi , car bien que je sois digne d’être
livrée aux moqueries et aux illusions du diable , je crois néanmoins
qu’il ne peut rien sans vous , ni votre permission n’est pas sans consolation
.
Lors ,
notre-Seigneur dit au diable : Pourquoi parle-tu à mon épouse
nouvelle ?
Le diable
lui répondit : D’autant qu’elle sera liée à moi ,
et j’espère l’envelopper dans mes filets . Or , elle sera lors liée
à moi , quand ; consentant à moi , elle me plaira davantage
et s’étudiera
à suivre plus mes conseils
que les vôtre qui êtes son Créateur , car je prends
garde à ses voie , et elles ne sont pas encore échappées
de ma mémoire .
Notre-Seigneur
repartit : Tu es donc un négociateur de la vie des âmes ?
Oui , dit
le diable , mais en ténèbres car vous m’avez fait ténébreux
.
Comment
y vois-tu , dit Notre-Seigneur , et en quelle manière as-tu été
fait ténèbres ?
J’ai vu
; dit-il , un démon , quand vous me créâtes fort beau
; mais d’autant que témérairement je me suis jeté
en votre beauté , j’ai été aveuglé comme un
basilic par l’éclat de votre
Fin p 279
Début p 280
splendeur . Je vous vis (1) quand
je désirais votre beauté ; je vous vis en ma conscience ,
et vous connus quand vous m’avez jeté du ciel . Je vous ai aussi
connu quand vous avez eu pris la chair et ai fait ce que vous m’avez promis
. J’ai connu quand , en ressu-scitant , vous m’avez dépouillé
de mes captifs . Je connais tous les jours votre puissance , avec laquelle
vous me confondez .
Et Notre-Seigneur
lui dit : Si tu connais et sais de moi la vérité , pourquoi
mens-tu à mes élus , quand tu sais la vérité
être de moi ? N’ai-je pas dit que celui qui mange ma chair vivra
éternellement ? et tu dis que c’est mensonge , et que personne ne
mange ma chair ! Mon peuple serait donc plus idolâtre que celui qui
adore les pierres et le bois ! Néanmoins , d’autant que je sais
toutes choses , réponds en sorte que mon épouse l’entende
, car elle ne peut entendre les choses spirituelles que par les similitudes
. Thomas , qui me toucha après la résurrection , savait-il
ce qu’il touchait , s’il était corporel ou spirituel ? car s’il
était corporel , comment pouvait-il entrer en la chambre , les portes
étant fermées ? Que s’il était spirituel , comment
était-il visible aux yeux corporels ?
Le diable
répondit : Il est difficile de répondre là-dessus
, où celui qui parle est suspect à tous et contraint de dire
la vérité . Néanmoins , puisque j’y suis contraint
, je parlerai . En ressuscitant , vous étiez corporel et spirituel
. Partant , à cause de la vertu éternelle de votre Divinité
, et à raison de la prérogative spirituelle de votre chair
glorifiée , vous entriez partout .
(1) Il faut entendre , non de la vision du matin , mais de celle du soir , par réflexion des créatures de Dieu
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début p 281
Dieu dit derechef : La verge de Moïse
, quand elle était convertie en serpent , était-elle seulement
similitude de serpent , ou était-elle serpent dehors et dedans ?
ou les fragments de pain étaient-ils tout pain , ou seulement semblance
?
Le diable
répond : Tout ce qui était en la verge était le serpent
; tout ce qui était un fragment du pain était pain , et tout
a été fait votre corps par votre vertu et par votre puissance
.
Notre-Seigneur
repartit : M’est-il maintenant plus difficile de faire un semblable miracle
, ou un plus admirable , s’il me plaît ? Que si alors la chair glorifiée
a pu entrer , les portes étant closes où les apôtres
étaient , pourquoi maintenant ne pourra-t-il être dans les
mains des prêtres ? Peut-être ma divinité aurait-elle
quelque peine de joindre les choses basses aux hautes , et les terrestre
aux célestes ; point , mais véritablement , ô père
du mensonge , comme ta malice est très-grande , de même mon
amour est et le sera sur tous ,car bien que ce sacrement auguste et sacré
fût vu brûlé par l’un et foulé aux pieds par
l’autre , je sais néanmoins la foi de tous , et dispose toutes choses
en mesure et patience , moi qui fais de rien quelque chose , et d’une chose
visible une invisible , et qui manifeste en signes et formes quelque chose
visible , bien que néanmoins sous le signe soit vraiment une autre
chose invisible , et qu’on voie une autre chose visible.
Le diable
repartit : J’expérimente tous les jours la vérité
de ceci , quand les hommes qui étaient mes amis s’éloignent
de moi , s’approchent de vous et sont fais vos amis . Mais que dirai-je
davantage ? Le serf affranchi montre
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Début p 282
assez en ses volontés ce qu’il
ferait actuellement , si on le lui permettait .
Lors ,
Notre-Seigneur parla derechef , disant : Croyez-le , ma fille ! je suis
le restaurateur de la vie , et non le traître ; la vérité
et la source de la vérité , et non le mensonge ; la puissance
éternelle , sans laquelle il n’y aurait rien eu et il n’y aurait
rien ; car si vous avez la foi et croyez que je suis dans les mains du
prêtre , bien que le prêtre en doutât , néanmoins
, à raison de la foi de ceux qui croient et assistent ici , je vous
ai instruite trois fois , et vous ai dit
Que vraiment j’étais en leurs
mains par la vertu des parole sacramentelles , que j’ai personnellement
prononcées ,et tous ceux qui me reçoivent , reçoivent
la Déité , l’humanité et la forme du pain . Car qu’est-ce
Dieu , si ce n’est vie et douceur , lumière illuminante , bonté
délectable , justice qui juge et miséricorde qui sauve ?
et mon humanité est une chair angélique , conjointe avec
Dieu et l’homme ,et le chef de tous les chrétiens .Donc, tous ceux
qui croient en Dieu et reçoivent mon corps , reçoivent l’humanité
, par laquelle Dieu et l’homme sont conjoints ; il reçoit et la
forme du pain , attendu que , sous cette forme , est pris celui qui est
caché sous icelle pour l’augmentation de la foi . Semblablement
, le mauvais homme prend la même Déité comme juge ,
et non comme douceur et attrait ; il prend aussi l’humanité , mais
non pas pour lui être placable . Il prend aussi la forme du
pain , attendu que , sous cette forme visible , il reçoit la vérité
cachée , mais non pas la suavité douce et attrayante , car
quand il aura joint sa bouche à ma bouche , et m’aura reçu
, le sacrement étant accompli , je m’en retirerai avec ma
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Déité et humanité
, ne lui restant que la seule forme du pain , non pas que vraiment je ne
sois aussi bien avec les bons qu’avec les mauvais , à raison de
l’institution du saint sacrement , mais parce que les bons et les mauvais
n’en ont pas un même effet . Enfin en ce sacrement , la vie de l’homme
est offerte , savoir , Dieu , et la vie de Dieu entre dans l’homme
, mais elle ne demeure pas avec les méchants , car ils ne laissent
pas le mal ; et partant , la seul forme de pain demeure à leurs
sens , non pas toutefois que ces espèces de pain leur servent pour
quelque effet , d’autant qu’ils ne pensent et de considèrent cette
réception autrement que s’ils voyaient et sentaient la forme
du pain et de vin , comme si Notre-Seigneur tout-puissant entrait dans
la maison de quelqu’un , où on se souvint des espèces
du pain , et qu’on y oubliât , voire négligeât la présence
de sa bonté
LXIV .
La Sainte Vierge Marie , Mère
de Dieu , parla à sa fille de la ma-
nière
dont son Fils est comparé à un pauvre rustique , et
comment
les tribulations et persécutions affligent les bons et
les mauvais
, les bons pour les purifier et les couronner .
La Mère de Dieu parle et dit : Mon Fils est comme un pauvre rustique qui n’a ni bœuf ni ânes ; il porte lui-même le bois de la forêt et autres instruments pour parfaire ses œuvres nécessaires ; et entre autres instruments , il portait des verges nécessaires à deux choses : pour châtier le fils désobéissant , et pour échauffer ceux qui ont froid .
Fin p 283
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De même mon Fils , Seigneur
et Créateur de toutes choses , a été très-pauvre
, afin de nous enrichir , non des richesses passagères et périssables
, mais des richesses permanentes et éternelles . Il a porté
sur son dos un poids lourd et pesant , sa croix ,effaçant et purifiant
par son sang les péchés de tous . Il a aussi , entre autres
instruments de ses œuvres , choisi les hommes de vertu , par lesquels l’Esprit
de Dieu opérant en eux , il a enflammé les cœurs de plusieurs
à l’amour , et leur a manifesté les voies de vérité
. Il
a aussi élu les verges ,
qui sont les amateurs du monde , par lesquelles les enfants et les amis
de Dieu sont affligés pour leur instruction , purification , et
pour leur plus grande sagesse et récompense . Ces verges aussi échauffent
les froids , et Dieu s’échauffe aussi de leur feu , mais comment
?
En vérité
, quand les mondains affligent les amis de Dieu , et ceux-là qui
aiment seulement Dieu pour la crainte de la peine , qui , troublés
, se convertissent à Dieu avec plus de ferveur , ayant considéré
la folle vanité du monde , Dieu , compatissant à leur tribulation
, verse en eux des torrents de consolation et d’amour .
Mais que
fera-t-on de ces verges ? Certainement , elles seront jetées au
feu pour être brûlées , car Dieu ne méprise point
son peuple , quand il l’abandonne aux mains des impies , mais comme le
père enseigne le fils , de même Dieu se sert de la malice
des impies pour couronner les élus .
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Début p 285
LXV .
Il est ici traité d’un avertissement
donné a sainte Brigitte ,
prouvant
par exemple que les amis de Dieu ne doivent se
fâcher
ni cesser le labeur de la prédication . De leur grande
récompense
.
La Mère
de Dieu parle : Vous devez être comme un vase vide , ample et disposé
pour être rempli , non pas aussi si large que ce qu’on y verse se
répande, ni si profond qu’il n’ait pas de fond . Or , ce vase est
votre corps , qui est vide , quand l’appétit de volupté en
est banni , et qui est large avec modération , quand la chair en
est mortifiée avec discrétion , en sorte que l’âme
soit disposée pour l’intelligence des choses spirituelles , et que
le corps soit robuste pour le travail . Or , lors le vase est sans fond
, quand la chair n’est retenue par le frein d’aucune abstinence , mais
qu’on donne au corps tout ce que l’appétit désire . Mais
oyez ce que je vous dis . Mon serviteur a dit une parole inconsidérée
, disant :
Qu’avais-je affaire de parler de
ce qui ne touche point a ma condition et à mon état ? Une
telle parole n’est point décente dans la bouche d’un serviteur de
Dieu , car celui qui entend et sais la vérité et la passe
sous silence , en est coupable , si ce n’est qu’on la méprisât
tout à fait ; car il y avait un seigneur qui avait un château
fort , où il y avait quatre biens : une viande incorruptible ,
chassant toute faim ; une eau salutaire , éteignant toute sorte
de soif ; une odeur odoriférante , repoussant tout venin , et toutes
sortes d’armes nécessaires qui débilitaient et af-
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Début p 286
faiblissaient l’ennemi . Enfin le
seigneur , entendant que le château était assiégé
par d’autres , dit au héraut , son serviteur : Allez , et criez
à haute voix à mes soldats en ces termes : Moi , seigneur
, je délivrerai mon château . Celui qui me suivra de bonne
volonté , me sera semblable en honneur et gloire , et celui qui
mourra au combat , je le ressusciterai à la vie immortelle , qui
n’est sujette aux défauts ni anxiétés ; je lui donnerai
un honneur permanent et des richesse éternelles . Le serviteur donc
, ayant pris le commandement , mais moins soigneux de crier en telle sorte
que sa voix parvînt jusqu’au soldat très-noble et généreux
, fut destitué et frustré du labeur . Qu’est-ce que fera
le seigneur à ce soldat qui voulait franchement combattre , mais
qui n’a pas ouï la voix du héraut ? Certainement , il sera
récompensé selon sa volonté , mais le lâche
ne sera pas sans correction .
Or , ce
château est la sainte Eglise , fondée par le sang de mon Fils
, en laquelle est son corps qui ôte toute faim , l’eau de sagesse
évangélique , l’odeur de ses saints exemples et les armes
de sa passion . Or , ce château est maintenant assiégé
par les ennemis , d’autant qu’en l’Eglise sainte se trouvent plusieurs
qui prêchent mon Fils de voix , mais le contredisent par leurs
mœurs ; voire même ce qu’ils disent de voix , ils le contredisent
par leurs volontés , ne se souciant pas de la patrie céleste
, pourvu qu’ils puissent accomplir et assouvir leurs sales voluptés
. Donc , afin de diminuer les ennemis de Dieu , les amis de Dieu ne doivent
se relâcher de la prédication , car leur récompense
ne sera pas temporelle , mais éternelle et sans fin
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LXVI .
La Sainte Vierge parle à sa
fille , disant que les biens temporels
possédés
avec discrétion , ne nuisent point , pourvu que
l’affection
de les posséder ne soit déréglée .
La Mère de Dieu parle : Que nuit-il , si quelqu’un est piqué d’une aiguille en son manteau , pourvu que la chair ne soit pas blessée ? De même les bien temporels , possédés avec discrétion , ne nuisent point , si ce n’est que l’amour de les posséder soit déréglé . Partant , examiner bien votre cœur , afin que votre intention soit bonne et droite , car par vous , les paroles de Dieu doivent être semées dans les autres ; car comme l’écluse d’un moulin retient l’eau et la laisse couler quand il est temps , de même vous devez soigneusement prendre garde lorsqu’un monde de pensées diverses et différentes , et de tentations importunes vous assaillent , afin que celles qui sont vaines et mondaines soit rejetées , et que celles qui sont divines soient incessamment considérées ; comme il est écrit que les eaux d’en bas coulent continuellement , et celles d’en haut demeurent arrêtées comme un mur . Les eaux d’en bas sont les pensées de la chair , et les cupidités inutiles qui doivent passer , sans nous y arrêter ; celles d’en haut sont les influences de Dieu et les paroles des saints , qui sont fermes et stables en nos cœurs comme une muraille , afin qu’elles n’en soient arrachées par aucune tentation .
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LXVIL .
Jésus-Christ parle à
son épouse , lui montrant sa magnificence .
Comment
toutes choses persévèrent selon son décret et
ordonnance
, excepté l’âme misérable du pécheur . Tout
ceci
est prouvé
par exemple . En quelle manière il faut garder la
volonté
entière en agissant .
Le Fils
de Dieu parle à son épouse sainte Brigitte , lui disant :
Je suis un Dieu avec le père
et le Saint-Esprit . En la providence de ma divinité , toutes choses
ont été prévues et établies dès le commencement
et avant les siècle , et toutes les choses , tant corporelles que
spirituelles , ont une certaine disposition et ordre , et elles demeurent
et courent selon qu’il a été ordonné et prévu
en ma prescience , comme , par exemple , vous le pouvez entendre de trois
choses : 1° de celles qui ont vie : comme est ce que la femme enfante
, et non l’homme ; 2° ceci se voit dans les arbres , car les doux portent
un fruit doux , et les amers un fruit amer ; 3° il est clair dans les
astres , car le soleil , la lune et toutes les voûtes célestes
, accomplissent leur course selon qu’il a été arrêté
en ma Déité : de même les âmes raisonnables sont
prévues en ma Déité , quelles elles seront à
l’avenir , lesquelles néanmoins ma prescience n’empêche
ni ne leur nuit en rien , attendu que je leur ai donné le libre
arbitre et la puissance d’élire ce qui leur plaît . Et comme
la femme engendre , et non l’homme , de même l’âme , bonne
épouse de Dieu , doit enfanter par le secours divin des saintes
actions , car elle a été créée pour cette fin
, afin qu’elle
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Début p 289
avance en la vertu , et étant
rendue féconde par la semence des vertus , elle croisse en telle
sorte qu’elle arrive entre les bras et les embrasements du divin amour
. Mais l’âme qui dégénère de sa naissance et
de son Créateur , ne lui étant fructueuse , agit contre la
disposition de Dieu , et partant est indigne de sa
douceur .
2°
L’ordre et la disposition de Dieu dans les arbres apparaissent immuables
, car ceux qui sont doux apportent du fruit doux , et ceux qui sont amers
, des fruits amers ; car la palme porte des fruits , auxquels il y a du
dur comme une pierre et du doux : de même , de toute éternité
, il a été prévu que là où le Saint-Esprit
habite , là toute mondaine délectation est vile , la tout
honneur mondain est complètement à charge . Ce cœur-la a
tant de force et de vertu , qu’il n’est vaincu par l’impatience , abattu
par l’adversité , ni élevé par la prospérité
: de même aussi il a été prévu de toute éternité
que là ou est l’épine du diable , là est le fruit
, rouge au dehors , mais au dedans plein d’immondicités et d’épines
: de même la délectation du diable est momentanée ,voire
n’a que l’apparence de douceur , car elle est toute pleine d’épines
et de tribulations ; car qui est plus enveloppé dans les intrigues
du monde , est d’autant , plus chargé de rendre un compte plus fâcheux
. Partant , comme tout arbre apporte tel fruit que sont sa racine et le
tronc , de même tout homme est jugé selon que son intention
est .
3°
Tous éléments demeurent arrêtés en leur ordre
, et ont leur mouvement selon la volonté de leur Créateur
, et selon qu’il a été prévu de toute éternité
: de même toute créature raisonnable doit être disposée
à se mouvoir selon l’institution
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début p 290
de son Créateur , car quand elle fait le contraire , il est clair qu’elle abuse du libre arbitre , et où les choses irraisonnables gardent leur fin , là l’homme raisonnable dégénère et aggrave son jugement , d’autant qu’il n’use point de raison : c’est pourquoi il faut que la volonté de l’homme soit droite et bonne , car il ne fait pas plus grande injure au diable en vivant bien qu’à mes anges en vivant mal ; car comme Dieu exige de sa chaste épouse une douceur indicible , de même le diable demande de son épouse les épines et les pointes . Le diable pourtant ne pourra pas prévaloir en rien , si ce n’est que la volonté soit vicieuse .
LXVIII .
La Sainte Vierge parle du renard
à sa fille , en quelle manière le
Diable
est comparé au renard , comment il déçoit les hommes
par ses
ruses et tromperies diverses et différentes , et tâche
surtout
de surprendre ceux qu’il voit avancer en la vie pieuse
et dévote
.
Pour le jour des cendres .
Il y a un petit animal , dit la Mère de Dieu , qu’on appelle renard , soigneux et cauteleux pour rechercher toutes ses nécessités . Il feint quelquefois de dormir et fait semblant d’être mort , afin de prendre et de dévorer les oiseaux qui s’envolent sur lui . Il considère aussi le vol des oiseaux ; et ceux qu’il voit las de voler se reposer en terre ou sous quelque arbre , il les prend et les dévore ; mais ceux qui volent avec
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Début p 291
deux ailes le frustrent de son labeur
et le confondent .
Ce renard
est le diable , qui poursuit toujours les amis de Dieu , particulièrement
ceux qui n’ont point le fiel de malice ni le venin de son iniquité
. Il feint de dormir ou d’être mort , quand il laisse l’homme libre
et affranchi de toute sorte de tentations , afin que , ne s’avisant
pas , il l’attrape et le plonge dans les petites tentations . Quelquefois
aussi , il fait ressembler le vice à la vertu , donne à la
vertu la couleur du vice , afin que l’homme , enveloppé en ces apparences
, marche en vain , et s’il ne s’en avise , qu’il périsse , comme
vous le pourrez entendre par un exemple ; car la miséricorde quelquefois
est vice , savoir , lorsqu’on l’exerce pour plaire aux hommes , et la rigueur
de la justice est injustice , quand on la rend pour la cupidité
ou pour l’impatience ; l’humilité est superbe , quand on s’abaisse
par ostentation et pour être vu des homme ; la vertu de la patience
est lors feinte , quand on se vengerait de l’injure , si on pouvait ; mais
toutefois on attend , parce qu’on ne trouve pas le temps propre pour se
venger . Quelquefois aussi le diable donne des tribulations et des tentations
, afin que l’homme se plonge en de grandes tristesses ; d’autre fois il
donne des anxiétés et des soins trop fâcheux , afin
que l’homme s’attiédisse et se relâche au service de Dieu
; afin qu’étant imprudent dans les choses petites , il soit précipité
dans les choses plus grandes . De même celui (1) dont je parle fut
supplanté par ce renard , car quand il fut arrivé à
sa vieillesse , et qu’il avait
(1) c’est un évêque .
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toutes choses à souhait , de sorte qu’il se disait être heureux et désirait de vivre longuement , il a été enlevé sans sacrements et sans penser à ses œuvres ni à ses richesses . En effet , comme une fourmi , il amassait jour et nuit , mais non pas dans les greniers de Dieu , et étant arrivé à la porte du tombeau , où il introduisait le grain , il est mort et a laissé aux autres le fruit de ses labeurs , car celui qui n’amasse fructueusement au temps de la moisson , ne se réjouira point de sa semence . Partant , heureux sont les oiseaux de Dieu , qui ne s’endorment sous les arbre des délice du monde , mais sous les arbres des désirs célestes , car si la tentation du diable , ce renard fallacieux et méchant , les veut assaillir , soudain ils s’envoleront par les deux ailes de l’humilité de confession et de l’espérance d’un secours céleste !
Déclaration .
Jésus-Christ
, Fils de Dieu , parle ici : Ce supérieur est un évêque
qui , voulant monter à l’arbre des doux fruits et les prendre ,
devait être affranchi de sa charge pesante , ceint fortement pour
les cueillir , et devait avoir un vase pur pour les mettre : de même
, que celui-ci s’efforce maintenant d’enrichir son corps de vertus , lui
donnant le nécessaire , et non les superfluités , fuyant
les occasions d’incontinence et de cupidité , se montrant une glace
pure et un exemple parfait aux hommes imparfaits ; autrement un cas horrible
lui adviendra , une fin soudaine , et les plaies de mes mains . Tout ceci
arrive de la
sorte .
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LXXI .
Jésus-Christ dit à
son épouse comment les bonnes mœurs et les
bonnes
œuvres des prêtres sont désignées par les eaux claires
,
et les
mauvaises mœurs et méchantes œuvres par les eaux
sales et
troubles .
Le Fils de Dieu parle et dit qu’on
peut connaître la bonté de l’eau d’une fontaine par trois
choses : la première à la couleur ; la deuxième ,
si elle boueuse ; la troisième , si elle est sans mouvement , recevant
et ne rejetant pas les saletés qui arrivent . Par ces eaux j’entends
les mœurs et les cœurs des prêtres , qui doivent être doux
en la suavité des mœurs , comme de douces fontaines à boire
, clos et fermés contre la bourbe des vices .
La propre
couleur donc d’un prêtre est la vraie humilité , et il doit
d’autant plus s’humilier en sa connaissance et en ses œuvres , qu’il se
voit obligé de travailler pour Dieu ; car là où la
superbe
règne , la couleur du diable
se trouve , laquelle , puisant de l’eau de la fontaine avec une main lépreuse
, rend quasi aux regardants les eaux abominables . Ainsi la superbe
fait voir les œuvres des prêtres toutes souillées .
Or , l’eau est lors bourbeuse
, quand le prêtre se
laisse emporter à ses cupidités , et ne se contente des choses
nécessaires , qui , comme il est fâcheux à soi-même
et inutile , de même nuit aux autres par l’exemple de son ambition
et de sa cupidité . Troisièmement , l’eau est immonde , quand
elle reçoit les ordures et ne les jette pas ; et cela provient de
ce que le canal est fermé et n’a pas son
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mouvement libre : de même le
prêtre est immonde , qui aime dans son cœur et dans son corps les
voluptés de la chair , et ne pousse pas dehors par une vraie condition
tout ce qui se présente à lui d’immonde ; car comme les taches
qui sont au corps rendent le corps difforme , mais surtout quand elles
sont à la face , de même l’impureté et l’immondicité
doivent être odieuses à tous , mais principalement à
ceux qui sont appelés à une vie plus excellente .
Donc ,
il faut choisir ces prêtres pour mes œuvres , qui ne sont pas abondants
à une pompe de paroles , mais en l’humilité et pureté
, avec lesquelles ils vivent en eux-même , et enseignent les autres
par paroles et par exemple ; car bien que la main soit lépreuse
, elle est pourtant utile pour l’exécution de mes œuvres , pourvu
que l’esprit soit bon et que cette main soit spirituelle .
LXX .
La Sainte Vierge , Mère de
Dieu , parle à sa fille de la passion de
Son Fils
béni , la narrant par ordre , et de sa forme et beauté
Corporelle
.
Pour le jour de la passion .
La Mère de Dieu parle , disant que Jésus-Christ , son Fils , pleurait et suait en son corps , la passion s’approchant , pour la crainte et appréhension d’icelle ; et soudain il a été arraché de ma présence , et je ne l’ai vu davantage jusqu’à ce qu’on le conduisait pour être fouetté . Or , lors il fut tellement traîné et jeté par terre avec tant de cruauté , que sa tête ayant heurté , que ses dents tremblaient , et il fut si fortement frappé au col et à la joue , que le son et le contre-coup
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en parvinrent jusqu’à mes
oreilles et à mon cœur . Après , par le commandement du bourreau
, il se dépouilla lui-même de ses vêtements , embrassant
franchement la colonne . Il y fut lié , et son corps fut déchiré
et sillonné de coups souvent réitérés de fouet
, de rosettes et de pointes . Au premier coup , je fut frappée dans
le cœur par le contre-coup , et quasi tirée hors des sens (1) ;
et puis après , revenant à moi , je vis son corps tout déchiré
, car il était tout nu quand il fut fouetté . Lors un des
bourreaux ennemis qui assistaient là , disait :Eh quoi ! le voulez-vous
faire mourir sans jugement , et faire la cause de votre mort par sa mort
? Et disant cela , il coupa la corde . Et mon Fils étant délié
de la colonne , la première chose qu’il fit , ce fut de prendre
ses vêtements ; et néanmoins , ont ne lui en donna pas le
temps de s’habiller ; mais pendant qu’on l’entraînait , il mis ses
bras en ses manches . Les vestiges qui étaient à l’entour
de la colonne étaient tellement plein de sang , que je pouvais les
connaître tous , et je connaissais le lieu où il était
passé par les signes du sang . Lors il frotta avec sa tunique son
visage , qui était tout ruisselant de sang . Après , étant
jugé et portant sa croix , il est emmené au mont de Calvaire
; mais par le chemin , on lui donna un autre homme pour aider à
porter la croix .
Etant donc
arrivé au lieu où on le devait crucifier , voici tout à
l’instant un marteau et quatre clous bien aigus ; et on lui comm-ande tout
à l’instant de se dépouiller de ses vêtements , à
quoi il obéit ; et il attacha un petit linge à ses parties
honteuses , dont il fut en quelque sorte con-
(1) il ne faut pas ici conclure que
la Sainte Vierge se soit pâmée , car on dit quasi , et non
pas tout à fait .
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solé , et il s’en alla pour
ce faire crucifier . Or , la croix était fichée en terre
, et les bras étaient élevés en haut , de sorte que
le nœud de la croix était entré en ses épaules ; sa
tête était appuyée sur la croix , et la table où
était écrit le titre était attachée plus haut
sur la tête et sur les bras . Ses bras étaient attachés
plus haut que la tête .
Soudain
donc qu’on lui eut commandé de se mettre sur la croix , il s’y mit
, lui tournant le dos . On lui demanda la main : il étendit la droite
la première ; et la main gauche ne pouvant arriver jusques au trou
, on la tira pour l’y faire atteindre ; et les pieds semblablement ne pouvant
arriver aux trous , on les tire et on les croise un peu plus bas que les
cuisses ; étant distingués , on les cloue à la croix
avec deux clous qu’on fiche sur l’os solide , comme on l’avait fait aux
mains .
Donc ,
au premier coup de marteau , j’ai été comme ravie en extase
, et veillant , je vis mon Fils , et oyais parler de lui diversement les
hommes les uns aux autres , disant : Qu’est-ce qu’il a fait ? A-t-il
commit larcin , rapine ou mensonge ? Les autres répondaient qu’il
était un menteur . Et lors on mit cruellement la couronne d’épines
sur sa tête , qui descendait jusqu’à demi front . Plusieurs
ruisseaux de sang , excités par les pointes d’icelles , découlaient
tout au long de sa face , remplissaient les cheveux , les yeux et la barbe
, de sorte que tout me semblait sang ; ni lui ne me put voir assistant
à sa croix , à raison que le sang avait coulé et avait
rempli ses yeux . M’ayant donc recommandée à son disciple
, ayant haussé sa tête et levé ses yeux si plein de
larmes vers le ciel , il s’écrie d’une voix tirée du fond
du cœur , disant : Mon Dieu ! Mon Dieu !
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pourquoi m’avez-vous délaissé
? voix que je ne pus jamais oublier , jusqu’à ce que je fusse arrivée
au ciel ; aussi avait-il prononcé ces mots , étant plus ému
de ma souffrance que de la sienne .
Lors la
couleur de la mort le couvrit en toutes ses parties , de sorte qu’on pouvait
voir à travers du sang ses mâchoires , et ses joues étaient
jointes aux dents ; ses côtes étaient tellement énervées
qu’on les pouvait nombrer ; son ventre (les humeurs étant consommées)
, était appliqué à son dos ; son cœur , étant
auprès de la plaie , fit trembler tout le corps, et sa barbe tomba
sur sa poitrine . Et lors , moi , réduite quasi à rien ,
je tombai par terre
. Sa bouche donc étant ouverte
, comme il était expiré , on pouvait voir sa langue , ses
dents et son sang en la bouche , et ses yeux à demi clos , tournés
en bas , et son corps déjà mort pendait tout avalé
, ses genoux étant courbés en une part , et ses pieds de
l’autre sur les clous qui s’abaissaient en bas comme des gonds .
Cependant
, les autres hommes qui étaient la présents , lui disaient
comme en se moquant ; O Marie , maintenant ton Fils est mort . O Dame ,
la peine de votre Fils a été payée pour sa gloire
éternelle .
Un peu
de temps après , le côté étant ouvert et la
lance étant arrachée , apparut en sa pointe comme une couleur
brunette , afin que de là on entendît que son cœur était
outrepercé ; et ce coup pénétra tellement mon cœur
que c’est merveille , s’il ne se creva . Les autres donc se retirant ,
je ne pouvais me retirer , mais j’ai été un peu consolée
, que son corps étant déposé et descendu de la croix
, je le pusse toucher , le recevoir en mon sein , sonder ses plaies
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et en ôter le sang . Après
, je portai mes doigts pour clore sa bouche et ses yeux . Or , les bras
étant roides , je ne les pus courber pour les croiser sur sa poitrine
, mais seulement sur le ventre ; ses genoux aussi ne purent être
étendus , mais ils étaient réhaussés comme
s’ils étaient roidis en la croix .
Derechef
la Sainte Mère de Dieu parle , disant à sainte Brigitte :
Vous pourrez voir mon Fils au ciel en ses qualités et excellences
; mais reconnaissez quel il était au monde selon le corps
, car il était si beau de face qu’aucun ne le voyait qu’il n’en
fût consolé , bien que son cœur fût opprimé de
douleur . Et non-seulement les justes étaient consolé d’une
consolation spirituelle , mais même les mauvais étaient relâchés
de la tristesse du siècle , tout autant de temps qu’ils le voyaient
, d’où vient que les affligés
soulaient dire : Allons voir le
Fils de Marie , afin que nous soyons soulagés pour le moins autant
de temps que nous le verrons .
Donc ,
l’an 20 de son âge , il était parfait en grandeur et force
d’homme ; il était grand , non pas charnu comme les hommes du temps
présent , mais fourni d’os et muni de nerfs . Les cheveux de ses
sourcils et sa barbe étaient bruns ; la longueur de sa barbe au
travers était d’une paume de la main ; son front n’était
pas réhaussé ni enfoncé , mais droit ; son nez était
égal , non petit ni trop grand ; ses yeux étaient si purs
que ses ennemis mêmes se plaisaient à les voir ; ses lèvres
n’étaient pas épaisses , mais d’un rouge éclatant
; son menton n’était pas enflé ni trop long , mais d’une
modérée beauté ; ses joues étaient modestement
pleines de chair d’une couleur candide parsemée d’un rouge empourpré
; sa stature était droite , et en tout son
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corps , il n’y avait aucune tache , comme le témoignent ceux-la qui l’ont vu entièrement nu , lorsqu’on le fouettait à la colonne ; jamais vermine n’est arrivée à son corps , ni quelque immondice en ces cheveux .
LXXI .
Il est ici traité de quelques
questions agréables que Jésus-Christ
propose
à son épouse . Ses réponses humbles . Comment
Notre-Seigneur
ajoute pour l’élection de sa fille , trois
louables
états , savoir est de virginité , mariage et viduité
.
Le Fils
de Dieu parle à l’épouse , lui disant : Répondez-moi
à quatre choses que je vous demande .
1°
Si quelqu’un , dit-il , donnait à son ami une palme fructueuse ,
laquelle néanmoins il retiendrait auprès de sa maison , d’autant
qu’il recevrait du plaisir de la vue et de l’odeur d’icelle , que dirait
celui qui donne la palme , si celui qui l’a reçue la demandait pour
la transplanter en un autre lieu auprès de sa maison , où
elle fructifierait mieux ?
Sainte
Brigitte répondit : Si l’ami avait donné la palme par
amour , s’il était sage et s’il le désirait avoir pour bon
ami , il permettrait en vérité à son ami de faire
de la palme tout ce qu’il voudrait , lui disant : O mon ami , bien que
de la proximité de la palme je reçoive un grand plaisir ,
néanmoins , parce qu’elle ne m’est pas beaucoup plantureuse , je
me réjouis que vous la transplantiez où vous voudrez , en
quelque lieu très-fertile .
Fin p 299
2° Notre-Seigneur lui demanda : Si des parents avaient promis à
quelque jouvenceau leur fille vierge , la vierge le voulant ainsi , et
si ses parents interrogeaient l’enfant pour savoir si la fille lui agréait
ou non , et si l’enfant ne répondait rien là-dessus , la
fille serait-elle épousée ou non ? Sainte Brigitte répondit
: Il me semble que non , puisque l’enfant n’a pas éprouvé
sa volonté .
3°Notre-Seigneur lui proposa encore une autre
question , lui disant : Un jeune et noble garçon , étant
entre trois filles , proposa que celle d’entre elles qui dirait qu’elle
l’exciterait plus souvent à l’amour , celle-là obtiendrait
l’amour de ce jeune homme . Lors la première répondit : J’aime
ce jouvenceau avec tant d’amour que j’aimerais plutôt mourir
que de m’unir à un autre . La deuxième dit : Je souffrirais
et préfèrerais pâtir toute sorte de peines que de dire
une parole contre sa volonté ou qui l’offensât tant soit peu
. La troisième répondit : J’aimerais plutôt pâtir
et endurer toute sorte de peines , quoique amères , que de le voir
tant soit peu méprisé ou souffrir quelque dommage . Dites-moi
donc , dit Notre-Seigneur , laquelle de ces trois aime plus le jouvenceau
, et quelle est celle qu’il faut préférer en l’amour d’icelui
.
Sainte Brigitte répondit : Il me semble
que toutes l’aime également , car toutes étaient d’un même
cœur envers lui , et partant , toutes sont dignes de son amour .
4° Notre-Seigneur dit : Il y avait un
ami qui en consultait un autre : J’ai , dit-il , du blé grandement
fructueux ; si on le sème en bonne terre , il fructifie à
foison ; mais d’autant que j’ai grandement faim , que vous semble-t-il
meilleur , ou que je le sème ou que je le mange ? L’ami
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Début p 301
répondit : Votre faim se peut rassasier par une autre occasion
, il vous est donc plus utile que vous le semiez .
Lors Notre-Seigneur ajouta : Ma fille , n’êtes-vous
pas d’un même avis , que la faim soit supportée avec patience
, et que le grain qui doit profiter à plusieurs soit semé
? Notre-Seigneur dit derechef : Ces quatre choses vous appartiennent ,
car votre fille (1) est comme une palme que vous m’avez vouée et
donnée . Or , maintenant , je sais un lieu plus agréable
pour elle : je la veux transplanter où il me plaira , et pour cela
, vous ne devez pas vous troubler , car vous avez consenti à la
transplanter .
Notre-Seigneur dit encore : Vous m’avez donné
votre fille , mais moi , je ne vous ai point montré ce qui m’était
plus agréable en elle , la virginité ou le mariage , ou si
votre sacrifice me plaisait ou non . Partant , maintenant , ayant connu
votre certitude , les choses qui sont faites avec icelle se peuvent changer
et corriger . Notre-Seigneur dit encore : la virginité est bonne
et grande , car elle rend semblable aux anges , si toutefois elle est observée
avec raison et honnêteté . Or , si l’une est sans l’autre
, savoir est la virginité de la chair sans celle de l’esprit , la
virginité est difforme , car une mariée humble et dévote
(2) m’est plus agréable qu’une vierge superbe et impudique . Peuvent
être d’un égal mérite , une mariée qui n’est
point lascive et qui vit conformément aux commandements de
(1) La fille de sainte Brigitte était sainte Catherine .
(2) Il faut entendre que la mariée peut avoir une plus grande
ferveur à la chasteté que celle de la vierge , car autrement
, la virginité et le célibat sont par-dessus , comme dit
saint Paul . (1. Cor .7.)
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Dieu en sa crainte , et une vierge pudique et humble , car bien que
ce soit une chose grande d’être au feu de probation et ne point
brûler , néanmoins , il est égal d’être hors
du feu de la religion et vouloir être librement dans le feu du monde
, et brûler d’un feu d’amour plus fervent envers Dieu hors du feu
de le religion , que celui qui y est . Voici que de ces trois je vous propose
un
exemple .
Certainement , il y eut trois notables personnes
: Susanne , Judith , et Tècle , vierge . La première fut
mariée , la deuxième veuve , la troisième vierge .
Celles-ci eurent une vie et une intention inégales , et néanmoins
, elles sont conformes au mérite de leur action . Susanne enfin
, étant troublée et accusée faussement par les prêtres
, aima mieux mourir que se salir contre les défenses de Dieu ; et
d’autant qu’elle m’a craint , m’appréhendant partout présent
, c’est pourquoi elle a mérité d’être sauvée
et d’être glorifiée . Mais Judith , voyant mon déshonneur
et la ruine de son peuple , en avait si grande compassion, qu’émue
de mon amour , elle aima , non-seulement à s’exposer à toute
sorte d’opprobres , mais encore était disposée à souffrir
pour l’amour de moi toute sorte de peines . Tècle , vierge , aima
mieux souffrir les passions très-amères que dire une parole
contre moi . Ces trois , bien qu’elles n’aient eu une même action
, néanmoins , sont égales en mérite . Partant , soit
vierge , soit veuve , toutes me peuvent plaire également , pourvu
que tout leur désir et bonne vie tendent à moi .
Notre-Seigneur dit derechef : Votre fille
, soit qu’elle soit en virginité ou en mariage , m’est également
agréable , pourvu que le tout soit se-
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lon mes volontés : car que lui servirait-il d’avoir la virginité au corps et non à l’esprit ? ou qu’est-il plus glorieux , de vivre à soi-même ou de profiter à autrui ? Mais moi , qui sais toutes choses et qui les prévois , je ne fais rien sans raison . Partant, elle n’arrivera pas au lieu constitué avec le premier fruit , car il provient de la crainte , ni avec le deuxième , car il sort de la tiédeur ; mais elle parviendra au moyen , car elle a la moyenne chaleur de l’amour et fruit de l’honnêteté .Or , celui qui la prendra aura trois choses / des dons , des vêtements et de la viande pour elle .
Déclaration .
Le Fils de Dieu parle à sainte Brigitte : Vous admirez pourquoi cette vierge n’est parvenue au mariage de la manière que vous espériez . Je vous réponds par une similitude . Quelqu’un se disposa a donner sa fille en mariage à quelque pauvre ; et lorsqu’il devait accomplir le mariage , il s’est rendu infracteur des lois de la cité , et à raison de cela , il a été chassé par les citoyens avec déshonneur , et il n’a pas obtenu la fille qu’il désirait . De même en ai-je fait au sieur de cette terre : je lui avais promis de lui faire de grandes choses ; mais lui , il s’est d’autant plus arrêté à mes ennemis , c’est pourquoi il n’est pas parvenu au bout des desseins que je lui avait promis . Mais vous me demanderez : Eh quoi ! ne prévoyez-vous pas les choses futures ? Oui , vraiment , comme on le lit de Moïse et de son peuple ; mais je lui ai montré et lui montre plusieurs choses , afin que les hommes se préparent à bien faire , qu’ils sachent que je leur donnerai des biens et faveurs , et qu’ils les attendent avec pa-
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Les Révélations Célestes
tience . Néanmoins , sachez qu’un malheur s’était retiré
, mais un autre est arrivé sur les ingrats de ce royaume ; et après
, ma bénédiction sera donnée sur les humbles qui demanderont
ma miséricorde . Sachez aussi qu’il serait expédient à
cette vierge qu’elle s’arrêtât à mon conseil et à
celui des sages .
On croit que cette vierge fut dame Catherine
, fille de sainte Brigitte ,de laquelle on peut voir en sa vie de grandes
merveilles.
LXXII .
Jésus-Christ parle à son épouse des sœurs de Lazare
ressuscité .
Manière dont l’épouse et sa
fille sont désignées par les sœurs ,
l’âme par le Lazare ressuscité
, et les envieux par les Juifs .
Comment Dieu a fait avec ceux-ci plus de miséricorde
qu’avec
les sœurs du Lazare , eux qui savent beaucoup
parler et peu
faire , et qui s’indignent contre ceux qui
opèrent bien .
Le Fils de Dieu parle à son épouse , disant : Il y avait deux sœurs , Marthe et Marie , qui avaient un frère , le Lazare , que j’ai ressuscité , et qui , ressuscité , m’a plus servi qu’auparavant : de même ses sœurs , qui , bien qu’elles fussent familières et soigneuses à me servir avant la résurrection de leur frère , néanmoins en furent beaucoup plus soigneuses et dévotieuses après : de même en ai-je fait avec vous spirituellement , car j’ai ressuscité votre frère , c’est-à-dire , votre âme , laquelle , par quatre jours , étant morte et puante , s’éloigna de moi par la transgression de mes commandements , par les perverses cupidités , par la douceur du monde
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et par la délectation du péché . Mais il y eut
quatre choses qui m’émurent à ressusciter Lazare ; 1°
d’autant qu’il était mon ami quand il vivait ; 2° l’amour
que ses sœurs me portaient ; 3° parce que l’humilité de Marie
mérita tant en me lavant les pieds ,car comme elle s’était
humiliée pour l’amour de moi en la présence de plusieurs
qui banquetaient ensemble , aussi elle se réjouit et fut honorée
en la présence de plusieurs ; 4° afin que la gloire de
mon humanité fût manifestée .
Ces quatre choses n’ont pas été
en vous , d’autant que vous aimez plus le monde qu’elles . Partant , ma
miséricorde est plus grande en vous que vous ne l’avez mérité
par aucun acte , comme ces sœurs ; et certainement , cette miséricorde
est d’autant plus grande que la mort spirituelle est plus précieuse
que la mort corporelle , et que la résurrection de l’âme est
plus glorieuse que celle du corps .
D’autant donc que la miséricorde procède de vos œuvres
et les prévient , retirez-moi , tous ainsi que ces sœurs-là
, en la maison de votre esprit , avec une charité très-fervente
, n’aimant pourtant
rien que moi . Ayez en moi toute votre confiance , vous humiliant avec
Marie , pleurant tous les jours vos péchés , n’ayant point
eu soin de vivre humblement avec les superbes , d’être continente
et modeste avec les continents et les modestes , de montrer aux autres
évidemment combien intimement et intérieurement vous m’aimez
? Vous devez aussi être , comme ces chères sœurs , un cœur
et une âme , forte et généreuse pour mépriser
le monde , et prompte pour louer incessamment Dieu . Et si vous faites
de la sorte , moi , qui ai ressuscité votre frère , c’est-
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à-dire , votre âme , je la défendrai , afin qu’elle
ne soit tuée par les juifs cruels et impies ; car qu’aurait profité
au Lazare d’être ressuscité de la mort présente , si
, en vivant plus honnêtement en la vie mourante , il ne fût
ressuscité plus glorieux en la seconde vie éternelle et permanente
?
Mais qui sont les Juifs qui cherchent pour
faire mourir le Lazare , si ce n’est ceux-là qui s’indignent de
ce que vous vivez mieux qu’eux , qui ont appris à dire des choses
sublimes et à en faire peu , qui , suivant trop fidèlement
les faveurs des hommes ,
méprisent plus lâchement les faits de leur prédécesseurs
,d’autant que moins ils daignent contempler et entendre les choses Vraies
et suréminentes ? Tels , hélas ! sont plusieurs en nombre
qui savent fort bien disputer des vertus , mais non pas les pratiquer en
vivant vertueusement . Partant , leurs âmes sont en grand danger
, car elles ont force paroles et peu d’effets . Mais quoi ! mes prédicateurs
n’en ont-ils pas fait de même ? Non certes , d’autant qu’en vérité
ils étaient tous prêts et disposés à donner
leurs âmes pour leurs âmes , lorsqu’ils avertissaient les pécheurs
, non avec des paroles sublimes , mais humbles et charitables ; car l’ardeur
de celui qui enseignait , formait plus esprit de l’auditeur que les paroles
. Or , maintenant , plusieurs parlent et disent de moi et des choses
sublimes et éminentes , mais pas un n’en suit le fruit , d’autant
que le souffle seul n’allume pas le bois , à moins que les petites
scintilles du feu n’y coopèrent .
Je vous garderai donc et vous protègerai
de ces Juifs , afin que vous ne vous retiriez de moi , ni par leurs paroles
, ni par leurs actions . Je ne vous défendrais pas néanmoins
en telle sorte que vous ne pâtissiez rien , mais afin que
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vous ne succombiez par puissance . Or , employez-y votre volonté , et moi , avec mon amour , j’allumerai vos désirs .
LXXIII .
Paroles de la Sainte Vierge à l’épouse , pour l’avertir
comment
elle ne se doit troubler du chevalier dénoncé
ni de sa mort .
Un chevalier vivant était dénoncé
être mort , lequel aussi était montré à l’épouse
sainte Brigitte en une vision spirituelle , comment mort , demandant instamment
aide et secours de ce sujet .
La Mère de miséricorde , la
Sainte Vierge lui dit : Ma fille , vous saurez en son temps si ce chevalier
est mort ou non , car nous voulons travailler , afin que désormais
il vive mieux qu’il n’a vécu .
LXXIV .
Parole de Jésus-Christ à l’épouse sainte Brigitte
, et celles de saint
Jean-Baptiste à Jésus-Christ
, en le louant , et faisant des
prières devant lui pour les chrétiens
, et très-singulièrement
pour un chevalier , par les prières
duquel , et la Sainte Vierge ,
et de saint Pierre , et de saint Paul , ce
chevalier avait pris par
leurs mains les armes spirituelles , c’est-à-dire
, était armé et
honoré de vertus ; et qu’est-ce qu’en
détail signifient toutes les
armes corporelles . Des bonnes oraisons .
Le Fils de Dieu , engendre de toute éternité , parlait à sa chère épouse , lui disant : vous avez
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composé aujourd’hui cette maxime merveilleuse , qu’il était
meilleur de prévenir que d’être prévenu : de même
je vous ai prévenue par les douceurs indicibles de ma grâce
, de peur que le diable ne dominât tyranniquement en votre âme
.
Et soudain , saint Jean-Baptiste , apparaissant
, dit : Béni soyez-vous ô mon Dieu , qui êtes avant
toutes choses , avant que jamais pas un n’a été Dieu , ni
ne sera , d’autant que vous êtes , étiez et serez éternellement
Dieu ! Vous êtes la vérité promise par les prophètes
, celui dont je me suis réjoui avant qu’il fût né ,
et que je connaissais entièrement quand je le montrais et disais
: Vous êtes notre joie indicible et notre gloire infinie . Vous êtes
l’objet de nos désirs et la jouissance de nos contentements , d’autant
que vous voir , cela nous remplit d’une indicible suavité , que
personne ne connaît , si ce n’est celui qui l’a goûtée
. Vous êtes aussi notre seul dilection . Ce n’est pas de merveille
si nous vous aimons , car vous , qui êtes la charité même
, aimez , non-seulement ceux qui vous aiment , mais aussi , étant
Créateur de toutes choses , vous chérissez ceux mêmes
qui dédaignent de vous connaître . Or , maintenant , ô
mon seigneur ! puisque nous sommes enrichis par vos libérales et
adorables mains , par vous et en vous , nous vous prions de départir
de nos richesses spirituelles à ceux qui n’en ont point , afin que
, comme nous nous réjouissons en vous , non en nos mérites
, de même plusieurs participent à nos biens .
Notre-Seigneur répondit : Vous êtes
le souverain membre avec la tête et auprès de la tête
; néanmoins , la gorge est plus proche et plus ex-
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cellente : de même je suis le chef et la tête de tous ,
et ma très-chère Mère est la gorge ; après
, les anges le sont ; mais vous et mes apôtres êtes comme les
palerons du dos , d’autant que , non-seulement vous m’aimez , mais aussi
vous m’honorez , en avançant et en poussant ceux qui m’aiment .
Partant , ce que j’ai dit et arrêter est constant : Les œuvres que
je fais , vous les ferez , et votre volonté est ma volonté
, car comme la tête de chair ne se meut point sans les membres ,
de même en l’union et conjonction
spirituelle que vous avez avec moi , il n’y a point de vouloir
sans pouvoir , mais tout est pouvoir ; c’est ce qu’un chacun de vous veut
. Partant , que ce que vous demandez soit fait .
Ces choses étant dites , saint Jean
apporta un chevalier à demi mort , et lui dit : O mon Seigneur !
celui qui est ici présent vous avait voué la milice qui s’efforce
généreusement de combattre et d’abattre ; mais il ne peut
surmonter ni vaincre son ennemi , d’autant qu’il est désarmé
, et que d’ailleurs il est infirme . Quant à moi , je suis obligé
de lui aider pour deux raisons , tant à considération des
mérites de ses parents , qu’en contemplation de l’amour dont il
est atteint et touché par mon honneur . Donnez-lui donc , pour l’amour
de vous-même , les vêtements de la milice , afin que la confusion
honteuse de sa nudité ne paraisse .
Notre-Seigneur lui répondit : Donnez-lui
ce qu’il vous plaît , et revêtez-le selon votre contentement
.
Lors saint Jean lui dit : Venez , ô
mon enfant , et recevez de moi le premier vêtement de votre milice
, par lequel vous pourrez
plus facilement prendre et supporter les autres vêtements de
la
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milice . Il appartient donc au chevalier qu’il ait plus près
de la chair ce qui est plus mol et plus doux , savoir , un vêtement
double . Je vous revêtirai donc de celle-là , puisque Dieu
le veut de la sorte , car comme cette double robe corporelle est douce
et molle , de même l’âmes a une double robe spirituelle , quand
elle a Dieu très-cher en son cœur , et le ressent doux et suave
en ses affections .
En vérité , la douceur qu’on
ressent en Dieu provient de deux choses : de la considération
éminente des bienfaits de Dieu , et de la souvenance des péchés
abominables commis en la vie passée avec contrition .(S. Jean .)
J’ai eu ces deux choses étant enfant , d’autant que j’ai mûrement
considéré de quelle grâce et faveur Dieu m’avez prévenu
avant de naître ; de combien grandes bénédictions il
m’a accueilli après ma naissance . Et considérant tout ceci
, j’ai gémi ,voyant que je ne pouvais rendre à Dieu quelque
choses digne de tant de bénédictions . J’ai considéré
aussi l’instabilité et l’inconstante volubilité du monde
: c’est pourquoi , les connaissant , je me suis enfui dans les déserts
les plus affreux , là où mon Jésus m’était
autant doux consolateur que toutes les choses désirables du siècles
m’étaient fâcheuses et à dégoût , même
à mes pensées et à charge à mes désirs
. Venez donc ô chevalier ! et revêtez-vous de cette robe
double , d’autant que le reste vous sera donné en son temps .
Après , apparut saint Pierre l’apôtre
, disant : Saint Jean vous a donné une robe double , mais moi ,
qui suit tombé grandement et me suis fortement relevé par
la grâce , je vous impétrerai une cotte de mailles , c’est-à-dire
, la divine cha-
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rité ; car comme la cotte de mailles est faite de petits anneaux
de fer , pour la défense contre les traits acérés
des ennemis , et rend l’âme paisible et généreuse pour
endurer fortement les torrents de maux qui fondent sur elle , elle
la rend plus prompte pour honorer Dieu , plus fervente aux travaux et labeurs
divins , la fait invincible dans les pressantes adversités , patiente
en l’espérance et persévérante en ses entreprises
.
Cette cotte de maille doit donc reluire comme
l’or et être forte comme l’acier et le fer , attendu que tout homme
qui est blessé des flèches de l’amour divin doit être
maniable comme l’or , par la patience contre l’adversités ; il faut
qu’il soit éclatant et brillant par la sagesse et discrétion
, de peur qu’il n’embrasse l’hérésie pour la pureté
de la foi , et les choses douteuses pour les choses certaines .
Que sa cotte de mailles soit aussi forte ,
et que comme le fer
dompte toutes choses , de même l’homme , se servant de la charité
, humilie ceux qui résistent à la foi et aux bonne mœurs
;
qu’il ne s’en retire pour les détractions ; qu’il ne fléchisse
pour les amitiés ; qu’il ne s’attiédisse pour ses commodités
tempor-elles ; qu’il ne dissimule pour le repos de la chair ; qu’il ne
craigne à cause de la mort , car personne ne lui peut ôter
la vie , si ce n’est que Dieu le permette . En vérité , bien
que la cotte de mailles soit faite de plusieurs anneaux , néanmoins
, il y en a deux signalés par lesquels la cotte de mailles de la
charité est
composée .
Donc , le premier cercle de la divine
charité est la connaissance de Dieu et la fréquente considération
des bienfaits et des préceptes divins ,
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afin que l’homme sache ce qu’il faut faire pour Dieu , pour le monde
et pour le prochain . Le second cercle du divin amour est retenir
et contenir dans les bornes de la raison sa propre volonté pour
l’amour de Dieu . En vérité , celui qui aime Dieu entièrement
et parfaitement , ne se réserve rien de ses propres volontés
, qui sont contraires à celle de dieu . Voici , ô mon fils
,
que Dieu vous donne cette cotte de mailles , et je vous l’ai méritée
, prévenu de l’amour de Divin .
Après , saint Paul apparut , disant
: O mon fils , saint Pierre , le souverain pasteur des brebis , vous a
donné la cotte de mailles ; mais moi , par la charité divine
je vous donnerai le pourpoint , qui est la charité envers le prochain
, savoir : vouloir mourir librement et franchement ,Dieu nous aidant par
ses grâces pour le salut du prochain ; car comme au pourpoint , il
y a plusieurs lames proportionnées et plusieurs clous qui l’unissent
, de même en la charité du prochain , plusieurs vertus y concourent
.
Certainement , celui qui aime son prochain
est tenu et obligé d’avoir douleur que tous ceux qui ont été
affranchis et réduits par le sang de Jésus , ne rendent pas
un mutuel amour à Dieu . En deuxième lieu , il doit être
marri que la sainte Eglise , épouse de Dieu , ne soit en sa louable
disposition ; en troisième lieu , qu’il y en a peu qui se souviennent
de la passion amère de Jésus , avec ressentiment , amertume
et douleur . En quatrième lieu , il doit prendre garde que son prochain
ne soit corrompu par quelque mauvais exemple . En cinquième lieu
, il doit donner à son prochain son bien avec joie , et prier Dieu
pour lui , afin qu’il profite et avance
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en toute sorte de biens , et y soit en tout accompli .
Or , les clous qui unissent les âmes
sont les paroles divines , car l’homme charitable doit consoler son prochain
affligé en tout lieu par des paroles charitables , et défendre
celui qui est injustement lésé , visiter les infirmes , racheter
les captifs , n’avoir point honte des pauvres , aimer toujours la vérité
, ne préférer rien à la charité , ne s’écarter
ni se fourvoyer de la jus-tice .
J’ai donc été revêtu de
ce pourpoint , moi qui ai été infirme avec les infirmes ,
qui n’ai eu honte de dire la vérité en la présence
des rois et des princes , et ai été préparé
à mourir pour le salut du prochain .
Après apparut la Mère de Dieu
qui dit à ce chevalier : Que vous manque-t-il encore , ô mon
fils ?
Je n’ai point de heaume en ma tête ,
dit-il .
Lors la Mère de miséricorde
dit à l’ange gardien de l’âme de ce chevalier : Que sert votre
garde à son âme , ou qu’avez-vous pour offrir et présenter
à Notre-Seigneur ?
L’ange répondit : j’ai quelques choses
, bien que petites , car souvent il fait des aumônes et fait des
prières avec charité et amour de Dieu ; souvent il laisse
sa propre volonté pour suivre la volonté divine , priant
Dieu avec une grande sincérité , afin que le monde lui soit
vil et à mépris , et que Dieu lui soit très-cher et
très-aimable sur toutes choses .
La Mère de Dieu répondit : Il
est bon d’apporter quelque chose . Nous voulons donc faire comme fait un
bon orfèvre , qui , voulant faire un grand vase d’or , et la matière
lui manquant ,
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en demande à ses amis qui en ont , lesquels lui en donnent ,
afin qu’il achève son vase et son ouvrage . Or , qui donnera de
l’or à celui qui fais son ouvrage de boue , puisque la boue est
indigne d’être mêlée avec l’or ? Or donc , tous les
saints qui sont riches en or vous mériteront avec moi un heaume
d’or que vous recevrez bientôt . Or , ce heaume est la volonté
de plaire à Dieu seul ; car comme le heaume défend la tête
des coups et des flèches , de même une bonne volonté
de plaire à Dieu en tout , défend l’âme , afin que
les tentations du démon infernal ne la surmontent , et introduit
Dieu en l’âme . . Saint Georges et saint Maurice ont eu cette bonne
et sincère volonté , et encore plusieurs autre , voire
même le larron , quand il était pendu au gibet de la croix
. Certes ,
sans cette bonne volonté , pas un ne jette un bon fondement
pour sa vie , ni ne parvient à la couronne immortelle .
En ce heaume , il faut qu’il y ait deux trous
devant les yeux , par lesquels on prévoie ce qui arrive . Ces deux
trous sont la discrétion de ce qu’il faut faire et la prudence de
ce qu’il faut omettre , car sans la discrétion et préméditation
attentive , on fait beaucoup de choses à la fin qui soit mauvaises
, qui semblent néanmoins bonnes au commencement .
Derechef , la Mère de Dieu parla au
chevalier , lui disant : Que vous faut-il encore ?
Il répondit : Mes mains sont nues et
n’ont point d’armure .
La Mère de Dieu lui dit : je vous aiderai
et ferai en sorte que vos mains ne soient pas nues . Comme il y a deux
mains de chair , il y a aussi deux mains d’esprit : la main droite , avec
laquelle il faut tenir et manier le glaive , signi-
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fie les œuvres de justice ; en cette main doivent être cinq vertus
comme cinq doigts .
La première vertu est qu’un chacun
soit juste en soi-même , prenant soigneusement garde qu’il n’apparaisse
en sa parole , œuvre , exemple , quelque chose qui puisse offenser et mal
édifier le prochain , de peur que ce qu’il reprend en autrui par
droit et par justice , il ne le détruise par ses mœurs déréglées
.
La deuxième vertu est qu’il ne
rende ou fasse la justice ou les œuvres de justice pour la faveur des hommes
ou pour la cupidité du monde , mais bien pour le seul et pur amour
de Dieu .
La troisième est qu’il ne craigne personne
pour la justice , afin qu’en son jugement se trouvent la miséricorde
et la justice , et afin que celui qui a moins péché et offensé
Dieu , soit autrement puni que celui qui l’a gravement offensé ,
autrement celui qui a péché par ignorance , autrement celui
qui a péché à dessein ou par malice .
Or , quiconque aura ces cinq doigts doit prendre
soigneuse-ment garde que l’impatience n’aiguise son glaive , que la délecta-tion
humaine ne l’émousse , que l’imprudence ne le fasse jeter , et que
la légèreté de l’esprit ne le noircisse .
Or ,la main gauche est l’oraison divine ,
qui aura aussi cinq doigts .
Le premier est croire fermement les articles
de la foi , de la Déité et humanité de Jésus
, la marquant dans les œuvres ; croire ce que confesse la sainte Eglise
, épouse de Dieu .
La deuxième est ne vouloir pécher
et offenser Dieu à dessein et sciemment , et désirer que
les fautes commises soient amen-dées par la sainte contrition .
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le troisième est de prier Dieu afin que l’amour charnel se change
en l’amour spirituel .
Le quatrième est ne vouloir vivre au
monde pour autre chose que pour honorer Dieu et pour diminuer les
péchés .
Le cinquième est ne présumer
rien de soi , mais craindre toujours Dieu et attendre la mort à
toute heure .
Voilà , ô mon fils , les deux
mains que vous devez avoir , la droite pour brandir et manier le glaive
de justice contre les trangresseurs et violateurs de la justice , et la
gauche d’oraison , par laquelle vous demandez justement à Dieu l’aide
et le secours ,
afin que vous ne vous confiiez jamais de votre justice , ni ne soyez
insolent contre votre Dieu .
La Sainte Vierge Marie apparut derechef et
dit au chevalier : O mon fils , que vous manque-t-il encore ?
Il répondit : L’armure de mes pieds
.
Et elle lui dit : J’ai ouï autrefois
, ô chevalier du monde , mais qui êtes maintenant mon chevalier
, que Dieu a créé tout ce qui est compris dans le pourpris
de l’univers , du ciel et de la terre ; mais entre toutes les choses intérieures
, la plus sublime et la plus digne , la plus belle et la plus éclatante
, c’est l’âme , qui est semblable en ses images à sa bonne
volonté ; car comme d’un arbre procèdent plusieurs rameaux
, de même , de l’exercice et de l’œuvre spirituelle d’une âme
sort et dérive votre perfection . Afin donc que vous obteniez l’armure
spirituelle de vos pieds , la bonne volonté , moyennant la grâce
de Dieu , doit être le commencement , en laquelle il doit y avoir
deux considérations comme deux pieds sur des vases d’or . Le premier
pied
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de l’âme parfaite doit avoir cette considération et résolution
de ne vouloir offenser Dieu , bien que la peine ne suivît le péché
; le second pied est fait de bonnes œuvres , bien qu’elle sût qu’elle
serait damnée pour répondre à la grande patience et
à l’amour de Dieu . Les genoux de l’âme sont la joie et la
force de la bonne volonté , car comme les genoux se courbent et
fléchissent pour l’usage des pieds , de même la volonté
de l’âme se doit fléchir , retenir et contenir , selon la
raison et vouloir divin , car il est écrit que l’esprit et la chair
se contrarient eux-mêmes , c’est pourquoi saint Paul : je ne fais
pas le bien que je veux ; comme s’il disait : Je veux quelque bien selon
l’âme , mais je ne le fait pas à raison de l’infirmité
de la chair , et quand je le fais , ce n’est pas avec joie ;Quoi donc !
l’Apôtre était-il privé de la récompense , d’autant
qu’il a voulu et n’a pas pu , ou parce qu’il faisait le bien , mais non
pas avec joie ? non , mais sa couronne s’augmentait au double : 1°
elle s’augmentait à raison de l’homme extérieur , car son
œuvre était pénible , à cause de la chair qui s’oppose
au bien ;
2° elle s’augmentait à raison de l’homme intérieur
, car il n’avait pas toujours les consolations intérieures et spirituelles
; c’est pourquoi plusieurs séculiers travaillent corporellement
, mais ils ne sont pas pour cela couronnés , d’autant qu’ils sont
mûs à cela par un motif charnel . Certainement , si Dieu commandait
ce labeur , ils ne seraient pas si ardents à leur travail .
Il faut donc armer les pieds de l’âme
de ces gens-là , c’est-à-dire , leur résolution de
ne vouloir point pécher et de vouloir faire de bonnes œuvres , bien
qu’ils fussent assurés qu’ils se-
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raient armés d’une double armure , savoir , la discrétion
en l’usage des choses temporelles , et la discrétion et désir
des choses célestes .
Or , l’usage discret et prudent des choses
temporelles consiste à avoir des biens pour se substanter et se
nourrir avec modération
, et non avec superfluité ; et l’usage prudent , sage et discret
, et le désir des choses célestes , est de vouloir mérité
des choses céleste
avec labeur et bonnes œuvres , car véritablement l’homme s’est
éloigné de Dieu par son insupportable ingratitude et son
intoléra-ble lâcheté . Partant , il doit retourner
à Dieu par l’humilité et par la diligence des bonnes œuvres
. Partant , ô mon fils ! puisque vous n’avez eu tout ceci , prions
les martyrs et les confesseurs , qui abondent en telles richesses , de
vous aider et de vous
secourir .
Lors soudain les saints , apparaissant , dirent
: O Dame très-bénie , vous avez porté en vous Notre-Seigneur
et vous êtes Dame de l’univers : qu’est-ce que vous ne pouvez pas
vous- même ? Vraiment , ce que vous voulez est fait . Votre volonté
est toujours la nôtre , disaient les saints . Vous êtes à
bon droit Mère de charité , d’autant que vous visiter tout
le monde par charité .
Derechef la Mère de Dieu apparut et
dit au chevalier : Mon fils , il vous manque encore le bouclier . Deux
choses conviennent au bouclier , savoir , la force , et le signe empreint
en lui du seigneur sous lequel il milite .
Donc , le bouclier spirituel signifie la considération
de la passion très-amère de Notre-Seigneur , qui doit être
au bras gauche auprès du cœur , afin que toutes les fois que la
volupté de
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la chair délecte l’esprit , on considère attentivement
les plaies de
Notre-Seigneur ; que toutes les fois que le mépris de l’esprit
et les adversités ordinaires du monde nous piquent et nous contristent
, la pauvreté et les opprobres de Jésus-Christ soient médités
par celui-là même , et que toutes les fois que l’honneur et
le plaisir passager de cette vie mourante nous plaisent , on considère
et on contemple la passion et la mort amère de Jésus .
Un tel bouclier doit avoir la force de la
persévérance au bien et la longitude de la charité
. Or , le signe gravé sur le bouclier doit être de deux couleurs
, car on ne voit rien de si loin et de si clair que ce qui est fait de
deux couleurs . Or , les deux couleurs du bouclier de la considération
de la passion divine , sont , contenir , retenir et régler les affections
immodérées , et la pureté , et le frein des mouvements
de la chair , car de ces deux choses le ciel est orné et enrichi
, et les anges , les voyant , disent en se congra-tulant : Voici le signe
de pureté et de notre société : nous sommes obligés
d’aider ce chevalier . Mais les démons infernaux , voyant ce chevalier
enrichi et embelli des signes signalés et insignes de ce bouclier
, criaient et hurlaient : Que ferons-nous , ô compag-nons de l’enfer
?
Ce chevalier est terrible en ses entreprises
et excellent en armes ; à son côté sont les armes des
vertus ; au derrière , il a les armées des anges ; à
gauche , il est très-vigilant gardien , savoir , Dieu , de qui les
pouvoirs sont adorables ; à l’entour de lui , il est tout plein
d’yeux , avec lesquels il voit et regarde notre malice . Nous pouvons bien
batailler contre lui , mais à notre confusion , car jamais nous
ne le surmonterons .
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Oh ! qu’un tel chevalier est heureux , que les anges honorent , de la
crainte duquel les diables tremblent ! Néanmoins , ô mon fils
,
dit la Mère de Dieu , d’autant que vous n’avez pas obtenu un
bouclier juste , prions les saint anges qui reluisent en pureté
spirituelle , de vous aider .
Derechef la Mère de Dieu parle , disant
: Mon fils , il vous manque encore un glaive . Deux choses conviennent
au glaive : 1° qu’il soit tranchant des deux côtés ; 2°
qu’il soit bien effilé . Or , le glaive spirituel est la confiance
en Dieu pour combattre pour la justice . Or , cette confiance doit avoir
deux tranchants , savoir , la rectitude de la justice en la prospérité
riante comme à la droite
, et l’action de grâce en l’adversité , comme à
gauche .
Job , miroir de patience , eut un tel couteau
, lui qui , en prospérité , offrit des sacrifices pour ses
enfants , qui fut père des pauvres , qui logeait et ouvrait la porte
aux pèlerins , qui ne marcha point en vanité , qui ne désira
jamais le bien d’autrui , mais qui craignait Dieu , comme celui qui est
assis sur les flots impétueux de la mer . Il rendit aussi actions
de grâces en l’adversité , quand , ayant perdu ses enfants
et ses biens , injurié de sa femme , frappé d’une plaie maligne
, il endura patiemment tout cela , disant : Notre-Seigneur l’avait donné
, Notre-Seigneur l’a ôté , qu’il soit béni en tous
les siècles !
Ce glaive doit aussi être bien aiguisé
, afin de tailler et de briser ceux qui en veulent contre la justice ,
comme firent jadis Moïse , David , Phinées , zélés
pour leur loi , afin de parler constamment comme Elie et saint Jean . Oh
! que maintenant le glaive de plusieurs est émoussé ! Que
, s’ils parlent , ils ne voudraient pas mouvoir
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le doigt contre les ennemis ; ils cherchent la gloire et l’amitié
des hommes , et ne se soucient point de l’honneur de Dieu . Donc , d’autant
que vous n’avez pas eu un tel glaive , prions les patriarches et les prophètes
, qui ont eu une telle confiance , et ce glaive vous sera donné
confidemment .
Derechef la Mère de Dieu apparut et
dit au chevalier : Mon fils , il vous manque encore un manteau pour mettre
sur vos armes , afin qu’elles soient conservées de la rouillure
et qu’elle ne soient tachées par la pluie . Ce manteau est la charité
, l’amour et le désir de vouloir mourir pour l’amour de Dieu , et
aussi , si faire se pouvait , sans offense , vouloir être séparer
de Dieu pour le salut de ses frères . Cette charité couvre
la multitude des péchés , conserve les vertus , apaise
la fureur de la justice divine , rend toutes choses possibles , déterre
et épouvante les démons et est la joie des anges . Or , ce
manteau doit être blanc au dedans , et au dehors reluisant
comme de l’or , car le zèle du divin amour est la pureté
intérieure , et l’extérieure n’est point négligée
. Les apôtres étaient signalés et embrasés des
feux de cette charité ; partant , il les faut prier , afin qu’ils
vous aident .
Derechef la Mère de Dieu apparut ,
disant : Il vous faut encore , ô mon fils , un cheval sellé
. Par le cheval est entendu spirituel-lement le baptême : car comme
le cheval porte et avance l’homme pour faire chemin en peu de temps avec
quatre pieds , de même le baptême , qui est entendu par le
cheval , porte l’homme devant le conspect et présence de Dieu ,
ayant quatre principaux effets spirituels : le premier est que les baptisés
sont affranchis et délivrés des grif-
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fes de Satan , et s’obligent aux commandements de Dieu et à le
servir ; le deuxième , ils sont purifiés du péché
originel ; le troisième , ils sont faits enfants de Dieu et ses
cohéritiers ; le quatrième , le ciel leur est ouvert . Mais
hélas ! il y en a plusieurs qui , étant arrivés aux
ans de discrétion , mettent un mors à ce cheval et le détourne
de la vraie voie , le conduisant par la fausse , car lors la voie du baptême
est droite et est tenue à droite fil , quand l’homme est instruit
avant l’âge de discrétion , et est con-
servé en bonnes mœurs ; et quand l’homme est parvenu à
l’âge de discrétion et considère sérieusement
qu’est-ce qu’il a promis aux fonts du baptême , garde la foi
inviolable et la charité divine , lors le cheval est bien conduit
; mais lors il le fourvoie et l’écarte du droit chemin et lui met
un mauvais frein , quand il préfère à Dieu le monde
et la chair . La selle du cheval , c’est-à-dire , du baptême
, c’est l’effet de la passion très-amère et de la mort horrible
de Jésus-Christ , par laquelle le baptême a obtenu son effet
, car qu’est-ce que l’eau , sinon un élément ? Mais après
avoir été fait sang de Dieu , il vient à l’élément
du Verbe divin et à la vertu du sang épandu de Dieu , et
de la sorte , l’eau du baptême , par la parole divin , a été
la réconciliation de l’homme et de Dieu ,la porte de miséricorde
et la chasse des démons infernaux , la voie du ciel et le pardon
des péchés .
Que qui voudra donc se glorifier en la vertu
du baptême , considère , en premier lieu , l’amertume de l’effet
de l’institution baptismale , afin que , quand l’esprit humain s’enflera
contre Dieu , il considère mûrement avec combien d’amertume
Dieu mourant l’a racheté , et qu’il pèse
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aussi combien de fois il a enfreint le vœu du baptême ,
qu’est-ce qu’il mérite pour de si horribles chutes .
D’ailleurs , afin que l’homme s’affermisse
en la selle du baptême il a besoin de deux étoiles , c’est-à-dire
, de deux considérations en sa prière . En premier lieu ,
il doit prier en ces termes : O Seigneur , Dieu tout-puissant , béni
soyez-vous , vous qui m’avez tiré du néant et m’avez racheté
par votre sang ! Et lorsque j’étais digne de damnation , vous m’avez
souffert en mes détestables et abominables péchés
, et m’avez doucement et puissamment ramené à pénitence
. Je reconnais , ô Seigneur de l’univers , devant votre majesté
, que j’ai inutilement , misérablement et damnablement dépensé
et prodigué tout ce que vous m’avez donné pour mon
salut , savoir : j’ai employé le temps de pénitence en vanités
misérables , mon corps en superfluités, la grâce du
baptême en superbe insupportable , et j’ai aimé plus toute
autre chose que vous , mon Créateur et Rédempteur admirable
, mon nourricier très-soigneux et mon conservateur très-prudent
! C’est pourquoi je demande votre miséricorde , car je suis misérable
, d’autant que je n’ai pas connu votre bénigne et invincible patience
à mon égard . Je ne considérais pas ce que je
devais faire pour répondre aux biens innombrables que vous m’avez
faits , mais au contraire , de jour en jour , j’ai provoqué votre
fureur et votre indignation par mes maux . Partant , je n’ai qu’une parole
: Ayez pitié de moi , ô Dieu , selon votre grande miséricorde
!
Derechef , que la seconde oraison soit faite
en ces termes : O Seigneur , Dieu tout-puissant ! je
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sais que j’ai toutes choses de vous, que je n’ai rien de moi, que je
ne puis rien qui serve à la gloire de moi-même, et que je
n’ai que péché : partant, je supplie humblement votre clémence,
que vous ne me fassiez selon mes péchés, mais selon votre
miséricorde. Envoyez-moi votre Saint-Esprit, qui illumine mon cœur
et me confirme en la voie de vos commandements, afin que je persévère
en eux, lesquels j’ai connu par votre sainte inspiration, et qu’aucune
tentation ne me sépare de vous.
Donc, ô mon fils, attendu que tout cela vous manque, prions
tous ceux qui ont empreint en leur cœur l’amertume de la passion de Jésus-Christ,
de vous départir de leur charité.
Ces choses étant dites, soudain apparut comme un cheval
harnaché et enrichi d’ornements dorés. Et la Mère
de Dieu dit : Le bel et riche ornement de ce cheval signifie les dons du
Saint-Esprit qui sont donnés au baptême, car par le baptême,
soit qu’il soit administré par un bon ou par un mauvais ministre,
le péché originel est remis, le Saint-Esprit est donné
en gage d’amour, les anges en garde et le ciel en héritage. Voilà,
ô mon fils, les ornements du chevalier spirituel ; celui qui en sera
revêtu et enrichi recevra la récompense incomparable, par
laquelle sont achetés la délectation éternelle, l’honneur
paisible, l’abondance éternelle et la vie sans fin.
Ce chevalier fut M. Charles, fils de sainte Brigitte.
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LXXV.
Paroles de l’épouse sainte Brigitte en forme de prière,
qui induisent à louer hautement Dieu et la Sainte Vierge. Réponse
de la Sainte Vierge tendant à consoler sa fille, déclarant
par exemples exprès que Dieu permet souvent les mensonges du diable,
afin que la vertu divine soit plus manifeste. Comment les tribulations
induisent aux biens spirituels.
Béni soyez-vous, ô mon Dieu, mon Créateur
et Rédempteur ! Vous êtes cette récompense par laquelle
nous sommes rachetés, par laquelle nous sommes conduits et dirigés
à toutes les choses salutaires, par laquelle nous sommes unis à
l’unité et à la Trinité. Partant, si j’ai honte de
ma laideur et déformité, je me réjouis néanmoins
que vous, qui êtes mort une fois pour notre salut, vous ne mourez
plus, car vous êtes celui-là qui étiez avant les siècles,
vous qui avez puissance de la vie et de la mort ; vous êtes le seul
bon et juste ; vous êtes le seul tout-puissant et formidable. Partant,
béni soyez-vous éternellement !
Mais que dirai-je de vous, bienheureuse Marie, le salut entier
du monde ? Vous êtes semblable à l’ami dolent et affligé
de quelque chose qu’il a perdue, qui lui fait voir tout soudain ce qu’il
avait perdu ; par lequel la douleur était soulagée, et la
joie indicible croissait, et l’esprit était tout plongé dans
la joie. De même vous, ô très-douce Mère, vous
avez montré au monde Dieu, que les hommes avaient perdu ; vous avez
engendré dans le temps celui qui était en-
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gendré de toute éternité, de la naissance duquel
le ciel et la terre se sont grandement réjouis. C’est pourquoi,
ô très-chère Mère, aidez-moi, je vous en prie,
afin que mon ennemi ne se réjouisse de moi, afin que ses fraudes,
ses rudes et ses déceptions en me surprennent.
La Mère de Dieu lui répondit : Je vous aiderai.
Mais pourquoi vous troublez-vous qu’une chose vous soit montrée
spirituellement, et qu’un autre soit ouïe corporellement, en cela
que ce chevalier qui vit corporellement, vous était montré
spirituellement et qu’il avait besoin de secours spirituel. Mais ayez la
certitude de ceci : toute vérité est de Dieu, et tout mensonge
est du diable, car il est père du mensonge ; partant, toute vérité
est de Dieu véritable ; néanmoins, de la malice du diable
et du mensonge, que Dieu permet quelquefois par un juste et occulte jugement,
la vertu de Dieu est plus manifeste, comme je vous le montrerai par un
exemple.
Il y avait une vierge qui aimait très-tendrement son
époux, et semblablement l’époux aimait cette vierge, de la
dilection mutuelle desquels Dieu était glorifié, et les parents
des uns et des autres s’en réjouissaient grandement.
Leur ennemi, considérant cela, pensa ainsi : Je sais
que l’époux et l’épouse s’entretiennent en trois manières
: par lettres, par discours mutuels et par l’union des corps. Afin donc
qu’ils ne reçoivent mutuellement des lettres, je remplirai les chemins
d’épines et de crochets ; afin qu’ils ne s’approchent pour se parler
mutuellement, j’exciterai des cris et du bruit, par lesquels ils seront
distraits de leurs colloques, et afin qu’ils ne couchent ensemble, j’éta-
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blirai des gardiens de telle trempe, qu’ils observeront tous les trous,
afin qu’ils n’aient occasion de s’unir ensemble.
Or, l’époux, qui était plus fin que l’ennemi,
oyant cela, dit à ses serviteurs : Mon ennemi me dresse des embûches
en ces choses : prenez garde en tous ces lieux-là ; si vous le trouvez
faire comme ci-dessus, laissez-le travailler jusqu’à ce qu’il ait
dressé les lacets, et puis, sortant, vous ne le tuerez pas, mais
le trompant et l’attrapant sur le fait, criez contre lui, afin que vos
conserviteurs, voyant les astuces de l’ennemi, soient plus sur leurs gardes
en veillant et se gardant. De même en est-il des choses spirituelles,
car les lettres par lesquelles l’époux et l’épouse, c’est-à-dire,
Dieu et une bonne âme, s’entretiennent, ne sont autre chose que les
prières et les soupirs des bons ; car comme les lettres corporelles
signifient l’affection et la volonté de celui qui les envoie, de
même les prières des bons entrent dans le cœur de Dieu, et
unissent l’âme à Dieu par un lien d’amour. Mais le démon
empêche souvent les cœurs des hommes de demander ce qui concerne
le salut de l’âme, ou ce qui est contraire aux voluptés charnelles
; il empêche encore que ceux qui prient pour les pêcheurs ne
soient exaucés, et que les pécheurs ne demandent pour eux
ce qui est utile à leur âme et ce qui profite pour l’éternité.
Or, que sont les mutuels colloques, par lesquels l’époux
et l’épouse sont faits un même cœur et une même âme,
si ce n’est la pénitence et la contrition, esquels souvent le diable
fait tant de bruit qu’ils ne se peuvent entendre ? Or, quelle est sa criaillerie,
sinon ses suggestions pernicieuses, pour détourner celui qui veut
faire
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une pénitence fructueuse, disant par ses fautes ses suggestions
: O âme, vous êtes grandement délicate : il vous sera
dur et amer d’entreprendre des choses non accoutumées. Eh quoi !
Tous ne peuvent-ils pas être parfaits ? Il suffit que vous soyez
du nombre de plusieurs ; pourquoi donc espérez-vous de plus grandes
choses et y tendez-vous ? Pourquoi faites-vous ce que pas un ne fait ?
Vous ne pourrez persévérer ; vous serez l’objet et le sujet
des moqueries d’un chacun, si vous vous humiliez trop et vous vous soumettez
de la sorte.
Or, l’âme, étant déçue par telles
suggestions malheureuses, pense à part soi : Il est fâcheux,
dit-elle, de laisser ce que j’ai accoutumé ; partant, je me veux
confesser du passé. Il me suffit du reste de suivre la voie de plusieurs
; je ne puis pas être parfaite ; je ne suis pas assez forte. Dieu
est miséricordieux ; il ne nous aurait pas rachetés par son
sang, s’il nous voulait perdre. Par telles suggestions pestiférées,
le diable empêcha l’âme qu’elle n’ouït et n’écoutât
Dieu, non que Dieu n’oie toutes choses, mais Dieu, en oyant telles choses,
ne se plaît pas en l’âme, qui consent plutôt à
la tentation qu’à la raison. Qu’est-ce à dire que Dieu et
l’âme sont unis uniment, si ce n’est les désirs des choses
célestes, et la charité pure, de laquelle l’âme doit
incessamment brûler ?
Mais cette charité est empêchée en quatre
manières : 1- le diable tâche de porter l’âme à
faire quelque chose contre Dieu ; et bien qu’il ne soit réputé,
quand néanmoins cela plaît à l’âme, et d’autant
que cette délectation semble légère, elle est négligée,
et partant odieuse à Dieu. 2- Le démon suggère à
l’âme de faire
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quelque bien pour le plaisir des hommes, et d’omettre, à raison
de la crainte du monde, souvent quelques biens qu’elle pouvait faire pour
l’honneur de Dieu. 3- Le diable met en l’âme l’oubli du bien qu’elle
peut faire, et le dégoût, par lequel l’esprit se ralentit
au bien. 4- Le démon infernal sollicite l’âme, l’inquiète
et l’occupe par des songes mondains en des joies vaines, ou en des craintes
dommageables et en des douleurs superflues ; par telle choses, les communications
par lettres, les oraisons des justes et les colloques mutuels de l’époux
et de l’épouse, sont empêchés.
Mais bien que le diable soit feint et cauteleux, Dieu néanmoins
est plus sage et plus fort pour briser et rompre les lacets de Satan, afin
que les lettres envoyées parviennent à l’époux. Or,
les lacets sont rompus, quand Dieu nous inspire de penser aux choses bonnes,
et que notre cœur désire ardemment de fuir ce qui est mauvais et
de faire ce qui est agréable à Dieu. Le cri de l’ennemi capital
est aussi dissipé, quand l’âme fait discrètement et
sagement pénitence, ayant volonté de ne faire jamais une
autre fois ce dont elle s’est confessée. Sachez aussi que le diable
n’excite pas seulement ses clameurs aux ennemis de Dieu, mais encore à
ses amis, comme vous pourrez l’entendre par un exemple.
Une vierge et un homme parlant ensemble, un gibet apparut devant
eux, lequel l’homme vit, et non pas la vierge. Or, le propos étant
fini, la vierge, levant les yeux, vit le gibet, et craignant, elle pensa
à par soi : Dieu nous soit propice, dit-elle, de peur que je ne
sois déçue par les lacets de l’ennemi ! mais l’époux,
voyant cette fille triste et abattue, retira soudain le gi-
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bet de devant ses yeux, et lui montra toutes les vérités.
De même les hommes parfaits sont visités par les inspirations
divines, par lesquelles le diable excite lors les clameurs, quand l’âme
s’élève à une superbe soudaine, ou qu’elle s’abat
par une crainte servile trop excessive, ou bien quand, avec dérèglement,
elle condescend à souffrir le péché d’autrui, ou bien
qu’elle se laisse emporter par la grande joie ou tristesse. Il en a été
fait de même avec vous, car le diable suggérait à quelques-uns
de vous écrire que celui-là qui vivait était mort,
d’où vous avez conçu une grande douleur. Mais Dieu lui montre
une mort spirituelle, de sorte que ce que les écrivains vous ont
dit être faux corporellement, Dieu en vous consolant vous a montré
que cela même était vrai. C’est pourquoi ce qui se dit est
vrai, que les tribulations sont vraiment puissantes pour induire au bien
spirituel ; car si vous n’eussiez été affligée à
raison du mensonge qu’on vous a dit, vous n’eussiez pas été
affligée, ni partant, une si grande vertu et beauté de l’âme
ne vous eussent pas été montrées.
Partant, afin que vous entendiez la disposition, ordre et dispensation
cachée de la providence divine, il vous était mis en votre
âme, et Dieu comme en un gibet ; et d’autant que cette âme
vous apparut comme ayant grandement besoin, d’être secourue, Dieu
en toutes ses paroles garda toujours cette conclusion, savoir : S’il est
mort ou vif, vous le saurez en son temps.
Mais la beauté de l’âme et les riches ornements
dont elle devait être embellie à l’entrée du ciel,
lui ayant été montrés, soudain le gibet fut ôté
de ses yeux, la vérité lui ayant été
mon-
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trée que cet homme vivait corporellement, et que spirituellement
il était mort, et que celui qui doit entrer dans le ciel doit être
armé de telles vertus. En vérité, néanmoins,
l’intention du diable fut telle, afin qu’il éprouvât par le
mensonge et vous en troublât, et afin qu’étant marrie et déboutée
par la perte d’un si cher ami, il vous retirât de l’amour de Dieu.
Mais après que vous avez dit : Dieu, aidez-moi, lors le voile a
été ôté, et Dieu vous a montré la vérité,
tant corporelle que spirituelle. C’est pourquoi il est permis au diable
de troubler les justes, afin que leur couronne s’augmente.
LXXVI.
Paroles de la Sainte Vierge à sa fille, montrant quels sont les amis de Dieu, et combien peu il s’en trouve en ce temps, le montrant en tous les états, tant des laïques que des clercs ; quelle est la cause que Dieu aime les riches et la pauvreté, et comment il a élu les pauvres et non les riches ; pour quelle fin les richesses ont été concédées à l’Église.
La Mère de Dieu parle à l’épouse de Jésus-Christ
: Pourquoi vous troublez-vous, ô ma fille ?
Parce que, dit-elle, je crains d’être envoyée aux
endurcis de cœur.
La Mère lui dit : D’où entendez-vous qu’il y a
des endurcis de Dieu ?
Je ne sais discerner, dit-elle, ni je n’ose le juger de personne,
car en premier lieu, deux hommes m’ont été montrés,
l’un desquels apparaissait très-humble et très-saint selon
le ju-
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gement des hommes ; l’autre large et ambitieux, l’intention et la volonté
desquels néanmoins étaient différentes de l’œuvre,
et l’un et l’autre épouvantèrent grandement mon esprit.
La Mère répondit : Il est permis de juger des
choses qui apparaissent ouvertement mauvaises, savoir, par un esprit de
compassion et de correction ; mais quant aux choses douteuses, qui ne sont
certainement évidentes de quel esprit elles ont été
faites, vous n’en devez pas juger. Partant, je vous veux montrer quels
sont ceux qui sont amis de Dieu : sachez donc que ceux-là sont amis
de Dieu, qui, ayant reçu les dons de Dieu, sont encore timides,
et rendent grâces à Dieu de ceux-là à toute
heure, et ne désirent point les choses superflues, mais se contentent
de ce qui leur est donné.
Mais où se trouvent telle sorte de personne ?
Recherchons-les en premier lieu dans les communautés. Quelle
est celle d’entre elles qui dit jamais : C’est aussi ; je ne cherche rien
de plus grand ? Cherchons-les parmi les soldats et chevaliers, et autres
seigneurs. Quel est celui d’entre eux qui pense ceci : Les biens que je
possède, je les ai de mon héritage, et d’iceux je désire
et prends ma nourriture modérée et conforme à mon
état, selon qu’il est agréable à Dieu et convenable
aux hommes ; le superflu, je le communiquerai et départirai à
Dieu et aux pauvres ? Que si je savais que ces biens héréditaires
fussent mal acquis, je les restituerais ou les laisserais, ne les pouvant
restituer selon le conseil des Pères spirituels et bons serviteurs
de Dieu ? O ma fille ! une telle pensée est rare maintenant en la
terre. Voyons aussi si, parmi les rois et les ducs, nous les trouverons.
Quel est celui
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d’entre eux qui se contienne en son état ? Certainement celui-là
est roi, qui est réglé et composé en ses mœurs comme
un Job, et humilié comme un David, en zèle de la loi comme
un Phinées, en mansuétudes et patience comme un Moïse.
Celui-là est aussi vrai duc, qui régit les armées
du roi, et leur donne les formes et les manières de guerre, qui
a sa confiance en Dieu et sa crainte comme un Josué, qui cherche
plus l’utilité de son maître que la sienne propre, comme un
Joab ; qui aime le zèle de la loi et les utilités du prochain,
comme un Judas Macchabées. Un tel duc est semblable à la
licorne qui a une corne fort aiguë au front, et sous la corne, une
pierre précieuse.
Or, qu’est-ce que la corne d’un duc, si ce n’est son cœur magnanime
et généreux, quand il faut batailler fortement, blesser et
abattre les ennemis de la foi ? Or, la pierre précieuse qui est
sous la corne du duc, est la charité divine, qui, demeurant incessamment
dans son cœur, le rend à tout prompt, agile et victorieux. Mais
lors les ducs sont semblables aux chevreuils lascifs, quand ils bataillent
en tout pour la chair, et non pour l’âme ni pour Dieu.
Cherchons maintenant parmi les rois : quel est celui d’entre
eux qui ne foule ses sujets à raison de sa superbe ? Quel est celui
qui maintient son état selon les rentes de sa couronne ? Quel est
celui qui restitue ce qui n’appartient point à sa couronne d’équité
et de justice ? Quel est celui-là qui laisse ses occupations pour
faire la justice pour l’amour de Dieu ? Plût à Dieu, ma fille,
qu’au monde, on trouvât de tels rois, afin que Dieu fût glorifié
!
Cherchons maintenant si, parmi le clergé,
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Nous en trouverons. Ils doivent aimer la continence, la pauvreté
et la dévotion. Certainement, ceux-là aussi se sont retirés
de la droite voie. Or, que sont les prêtres, sinon les pauvres et
les aumôniers de Dieu, afin que, vivant d’aumônes et d’oblation
à Dieu, ils fussent autant humbles et fervents envers Dieu qu’ils
doivent être retirés des soins et sollicitudes du monde ?
C’est pourquoi l’Église est sortie de la tribulation et a pris naissance
de la pauvreté, afin que Dieu fût leur héritage, et
afin qu’ils se glorifiassent, non au monde ni en la chair, mais en Dieu.
Mais, ma fille, Dieu n’eût-il pas pu élire
les rois et les ducs en apôtres, et enrichir aussi l’Église
de leur héritage ? Certainement, il l’eût pu. Mais Dieu, qui
est la richesse même, est venu pauvre au monde pour nous en donner
l’exemple, afin qu’il nous montrât que les choses terrestres sont
passagères et périssables, et afin que l’homme s’unît
à son Dieu et qu’il n’eût honte de la pauvreté, mais
qu’il se hâtât, par la pauvreté, d’arriver aux richesses
permanentes et éternelles. C’est pourquoi Dieu commença la
très-belle et éclatante disposition de l’Église, et
le mit en sa place, afin qu’il vécût, non de l’héritage
du monde, mais de celui de Jésus-Christ. C’est pourquoi la naissance
de l’Église fut par trois sortes de biens : 1- la ferveur de la
foi ; 2- la pauvreté ; 3- les effets des vertus et des miracles.
Ces trois choses aussi furent en saint Pierre, car il eut la ferveur de
la foi, quand il confessa d’une franche volonté son Dieu et n’hésita
pas à mourir pour lui. Il eut aussi la pauvreté, quand, en
voyageant, il mendiait, et se nourrissait du travail de ses mains. En vérité,
il était riche dans les choses spirituelles, car ce
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Fut bien plus de faire marcher un boiteux, ce qu’aucun des princes
ne peut, que de lui donner de l’or et de l’argent.
Mais quoi ! Saint Pierre n’aurait-il pas pu obtenir de Dieu
de l’or, qui eût pu ressusciter un mort ? Oui, certainement ; mais
il se déchargea du poids des richesses, afin qu’affranchi de tout,
il entrât dans le ciel, et que, comme maître des brebis, il
leur donnât exemple d’humilité, d’autant que la pauvreté
corporelle ou spirituelle et l’humilité sont l’entrée du
ciel.
En troisième lieu, il fut en lui l’effet des miracles,
car laissant les grands et sublimes, les infirmes et malades étaient
guéris par l’ombre de saint Pierre. D’autant donc qu’il avait la
perfection des vertus, qui est de se contenter du nécessaire, c’est
pourquoi sa langue a été faite la clef du ciel, et son nom
est en bénédiction en terre et au ciel. Or, ceux qui ont
voulu célébrer leur nom en la terre et ont aimé la
fiente de la terre, sont méprisés et sont écrits au
livre de la fureur de la justice d’un Dieu tout-puissant. En vérité,
Dieu, voulant montrer que, ni la pauvreté de saint Pierre, ni celle
des saints, n’étaient pas contraintes, mais libres, excitant l’esprit
de plusieurs à leur donner et leur départir de leurs biens,
mais eux se réjouissaient plus en leur extrême pauvreté
que dans les épines poignantes des richesses, de sorte que, plus
leur pauvreté croissait, plus leur dévotion augmentait. Et
certes, ce n’est pas de merveille si ceux qui n’ont que Dieu pour leur
joie, Dieu ne leur manque jamais. A ceux qui désiraient ardemment
les richesses du monde, comment, je vous prie, Dieu pouvait-il leur être
à goût ? Voire il n’était que comme un passant devant
leurs
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début p 337
De Sainte Brigitte . LIV . IV . LXXVII .
toutes les choses qu’il a créées ! Louange lui soit pour
toute ses vertus ! Que le Ios lui en soit rendu et service pour toute la
charité ! Moi (1) , indigne créature , qui , dès ma
jeunesse , ai beaucoup offensé la divine bonté , je vous
rends grâces , ô mon doux Jésus ! et pour cela singulièrement
, d’autant qu’il n’y a créature si criminelle à qui vous
refusiez votre miséricorde , qui vous la demande avec charité
et vraie humilité, avec résolution de s’amender . O mon très-cher
Jésus et le plus clément de tous ! ce que vous m’avez fait
est admirable devant les yeux de tous , car quand il vous plaît
, vous assoupissez mon corps , non pas toute fois avec un sommeil corporel
, mais par une paix spirituelle . Or , vous m’excitez comme quasi du sommeil
, pour voir , ouïr et sentir spirituellement . O Seigneur Dieu ! oh
! que douces sont vos paroles à ma bouche ! Il me semble que toutes
fois et quantes que j’entends les paroles de votre Esprit , mon âme
les engloutit en elle-même avec quelque sentiment ineffable de votre
douceur signalée , comme une viande très douce qui semble
tomber dans le cœur de mon corps avec une grande joie et une ineffable
consolation . Néanmoins , cela me semble admirable que , quand j’entends
vos paroles , je demeure rassasiée et affamée : je suis rassasiée
, d’autant qu’alors rien ne me satisfait , si ce n’est vos paroles ; affamée
, parce que mon appétit augment toujours .
Béni soyez-vous donc , ô Jésus-Christ
, mon Dieu ! Donnez-moi , je vous supplie , le secours que je vous demande
, afin que tous les jours de ma vie , je puisse faire ce qui vous est agréable
.
(1) Sainte Brigitte
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Or , Notre-Seigneur répondit ,
disant : Je suis sans commencement et sans fin . Toutes choses sont créées
de ma main toute-puissante , et disposées et réglées
par mon inscrutable
sapience ; mon jugement régit toutes choses , et rien ne met
impossible . Et de fait , toutes mes œuvres sont disposées avec
charité . Et partant , ce cœur est trop dur , qui ne veut m’aimez
ni me craindre , puisque je suis nourricier de toutes choses et Juge .
Or , le diable , qui est mon bourreau , est traité des hommes et
servi , et on accomplit ses volontés . Enfin , ce diable a donné
à boire au monde un venin si pestifère et mortifère
, que l’âme qui le goûte avec délectation ne saurait
vivre , mais morte à la grâce , elle tombe misérablement
dans l’enfer , pour vivre d’une mort animée de misères éternelles
. Ce venin est le péché , qui , bien qu’il soit goûté
de plusieurs au commencement , à la fin néanmoins est horriblement
amer . Certainement , ce venin est bu et reçu de la main du diable
à toute heure avec délectation , qui engage aux malheurs
: et qui a jamais ouï telles choses , ou quoi est plus admirable ,
voire étonnant ? La vie est présentée aux hommes ,
et ils choisissent misérablement la mort et embrassent volontairement
les supplices éternels .
Mais moi (Jésus-Christ) , qui suis
puissant sur toutes choses , je compatis à leurs misères
et à leurs pressantes angoisses . J’ai fait comme un roi riche et
charitable qui , envoyant à ses plus familiers serviteurs le vin
le plus précieux , leur dirait : Buvez et donnez-en à boire
à plusieurs , car il est très-salutaire : il rend la santé
aux malades , aux triste la consolation , et donne un cœur généreux
aux hommes sains . On n’envoie point aussi le vin sans
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vase . Véritablement , j’en ai fait de même en ce royaume
, car j’ai envoyé à mes serviteurs mes paroles , qui sont
comparées au vin le plus précieux , et eux le donneront aux
autres , d’autant qu’elles sont très-bonnes et salutaires . Par
le vase , j’entends vous-même , qui écoutez mes paroles ,
car vous avez fait l’un et l’autre ; car vous avez écouté
et prêché mes paroles , attendu que vous êtes mon propre
vase . Je le remplirai aussi quand je le voudrai , et j’y puiserai quand
il me plaira . Et partant , mon Esprit vous montrera où vous devez
aller , ce que vous devez dire . Et ne craigniez personne , si ce n’est
moi ; mais vous devez aller avec joie là où je voudrai ,
et dire sans crainte ce que je vous enverrai dire , car rien ne me peut
résister , et je veux demeurer avec vous .
L’épouse parlait après : Moi
, qui est entendu cette voix , je répondis en ces termes avec larmes
: O Seigneur , mon Dieu , je suis en votre puissance comme un petit ver
. Je vous prie de me donner licence de vous répondre .
Or , la voix répondit , disant : J’ai
connu votre épouse avant que vous l’ayez conçue . En vérité
, je vous donne néanmoins licence de parler .
Lors l’épouse dit : Je vous le demande
, ô Roi de gloire ! vous qui versez en nous la sapience , et qui
opérez en nous toutes les vertus , vous êtes la vertu même
, pourquoi me voulez-vous choisir pour un tel office et charge , moi qui
ai consommé mon corps en péchés , qui suis , touchant
la sagesse , semblable à l’âme débile et lâche
pour l’exercice de toute sorte de vertus ? Ne vous courroucez pas
, à raison de cela , contre moi , qui vous ai interrogé de
la sorte ,
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car il ne faut en rien se défier de vous , car vous pouvez faire
tout ce que vous voulez de moi . Je m’étonne grandement , d’autant
que je vous ai grandement offensé , et me suis amendée .
La voix répondit , disant : Certainement
, je vous réponds par similitude : Si on présentait à
un roi riche et puissant diverses monnaies , lesquelles le roi ferait fondre
après et en ferait ce que bon lui semblerait , comme , par exemple
, couronnes , anneaux , de la monnaie d’or , des vases à boire ,
de la monnaie d’argent , des chaudrons et des poêles , de la monnaie
de cuivre et que le roi se servît de toutes ces choses pour son honneur
et sa commodité ; puisque vous ne vous étonneriez pas qu’il
en usât de la sorte , il ne faut donc pas que vous vous étonniez
que je reçoive les cœurs
de mes amis , quand ils me sont franchement offert par eux-même
, faisant d’eux tout ce que bon me semble ; et bien que quelques-un aient
un plus grand sens , d’autres un sens moindre , néanmoins , quand
il me présentent leur cœur , lors je me sers des uns pour une chose
, des autre pour une autre , de tous néanmoins pour mon honneur
et pour ma gloire , car le cœur du juste est une monnaie qui me plaît
grandement ; et partant , je puis disposer des choses qui sont à
moi comme je veux ; et puisque vous êtes à moi , vous ne devez
vous étonner des choses que je veux faire avec vous , mais soyez
constante et ferme pour soutenir , et volontaire pour faire tout ce que
je vous commanderai , car je suis puissant en tous lieux pour vous donner
tout ce qui vous est nécessaire .
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LXXVIII .
Paroles qui ont été divinement révélées
à l’épouse sainte Brigitte
, voire déclarées et envoyées
à elle par la bouche très-douce
de la glorieuse Vierge Marie .
J’ai , veuve , signifié à votre
honorable paternité quelque choses qui ont été révélées
, quelques choses grandement prodigieuses , lorsque cette personne était
en son pays , choses qui ont été examinées diligemment
et approuvées par des évêques
, par des prêtres séculiers et par des moines , qui tous
ont dit avoir procédé d’une pensée et merveilleuse
influence du Saint-Esprit , ce que le roi et la reine de ce pays-là
ont aussi connu par des raisons très-probables .
La même femme veuve , étant assez
incommodément à la ville de Rome , un jour en l’Eglise de
sainte Marie-Majeure , occupée en oraison , fut ravie en une vision
spirituelle , son corps étant comme malade et appesanti ,
non pas toutefois qu’elle fût plon-gée dans le sommeil .
En cette heure-là lui apparut quelque
très-révérende vierge . Mais cette femme , étant
troublée de l’admiration de la vision , connaissant sa fragilité
, craignait la déception de Satan , c’est pourquoi elle suppliait
intimement la divine piété q’elle ne permît point qu’elle
tombât dans les tourments du diable . La Vierge donc qui lui apparaissait
, lui dit : Ne craignez point ce que vous voyez , et oyez maintenant ,
pensant que cela soit du malin esprit ; car comme de l’approche du soleil
deux choses nous arrivent , savoir , la lumière et la chaleur qui
ne sui-
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vent jamais , mais chassent les ombres épaisses , de même
quand le Saint-Esprit est en une âme , deux choses arrivent en son
cœur , savoir , l’ardeur de la divine charité et la parfaite lumière
de la foi catholique . Or , vous sentez ces deux choses en vous , de sorte
que vous n’aimez rien tant que Dieu , et il ne vous manque pas un seul
point de l’intégrité de la foi . Mais le malin esprit qui
est comparé aux ombres épaisses et palpables , ne suit pas
ses deux choses .
Après , la même vierge ajouta
, disant à la même femme : Vous devez envoyer de ma part mes
paroles à un tel prélat .
La femme lui répondit avec un grand
regret au cœur , disant :
O ma révérende vierge , il ne me croira pas , mais ,
comme je pense , il aura mes paroles à risée plutôt
que de les estimer être de la divine vérité .
La Vierge répondit , disant : Quoique
je connaisse fort bien la disposition de son cœur et la réponse
qu’il fera , et la fin de sa vie , néanmoins vous lui devez envoyer
mes paroles . Certainement ,
Je lui fais connaître que , du côté droit de l’Eglise
, le fondement est grandement ruiné , de sorte que la voûte
menace de si grandes ruines périlleuses que plusieurs y perdront
leur vie . La plus grande partie des colonnes qui tendaient en haut , sont
maintenant toutes courbées en bas jusqu’à terre , et tout
le pavé est tellement fossoyé que les aveugles qui y entrent
tombent avec grand danger ; voire même cela arrive souvent à
ceux qui voient clair , à raison des fosses dudit pavé ;
et pour toutes ces choses , l’Eglise de Dieu est en de grand dangers .
Et que doit-il résulter de là ? Soudain on le verra , car
certainement , elle souffrira une ruine to-
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tale , si on ne la répare ; et sa ruine sera si grande qu’elle
sera ouï
Par toute la chrétienté , et ces choses doivent être
entendues spirituellement .
Quand à moi , je suis cette Vierge
au ventre de laquelle le Fils de Dieu a daigné venir avec la Déité
et le Saint-Esprit , sans aucune mauvaise délectation corporelle
. Et celui qui est Fils de Dieu éternel est né de mon ventre
sans rupture , avec la Déité de l’humanité , et le
Saint-Esprit avec une grande consolation et sans
peine .
J’ai aussi demeuré auprès de
la croix , quand lui surmontait l’enfer avec la vraie patience , et ouvrait
le ciel avec le sang de son cœur . Véritablement j’étais
en la montagne , quand le même Fils de Dieu , qui en vérité
est mon Fils , montait au ciel. Enfin , j’ai connu clairement toute la
foi catholique , laquelle il a enseignée en évangélisant
tous ceux qui veulent entrer dans le ciel .
Je demeure donc au monde avec mon oraison
assidue envers mon très-cher Fils , comme l’arc sur les nuées
du ciel , qui semble s’abaisser jusques à la terre et la toucher
de ses deux bouts . Partant , j’entends moi-même ; et de fait , je
m’abaisse aux habitants de l’univers , savoir , en les touchant des deux
bouts de mon oraison , savoir , les bons et les mauvais . Je m’abaisse
aux bons , afin qu’ils soient constants et fermés en tout ce que
la Sainte Mère l’Eglise commande , et aux mauvais , afin qu’ils
n’avancent en leur malice et ne se rendent pires .
Je signifie donc à ceux auxquels j’envoie
mes paroles , que d’une partie de la terre sortent des nuées très-horribles
contre l’éclat de la beauté de l’arc , par lesquelles j’entends
les hommes in-
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continents et les insatiables richesses , comme la mer des ruisseaux
, qui donnent aussi les biens prodigalement et irraison-nablement pour
la pompe mondaine et pour la vanité , comme un torrent épand
son eau en son impétuosité .
Les pourvoyeurs de la sainte Mère l’Eglise
exercent d’ordi-naire ces trois horribles forfaits , dont les péchés
abominables montent au ciel , et s’élèvent de la terre devant
Dieu comme des nuées pour noircir et offusquer l’éclat signalé
et la beauté nom pareille de mon arc ; et de la sorte , ceux
qui devaient avec moi apaiser Dieu , provoquent misérablement sur
leur tête l’ire et l’indignation d’un Dieu tout-puissant , et telle
sorte de gens ne devraient pas être rehaussés et loués
dans l’Eglise ,mais bien être déprimés .
Que quiconque donc voudra avoir soin que les
fondements de l’Eglise demeurent fermes et stables , et que le pavé
demeurent plein et égal par un bon et nouvel établissement
, désire ardem-ment de renouveler cette bienheureuse vigne que Jésus
a plantée et arrosée de son sang . Que s’il se croit pour
cela insuffisant et
incapable , moi , Reine du ciel , avec toutes les troupes des anges
, viendrai à son aide et secours , arrachant les racines fabuleuses
, coupant les arbres infructueux pour les brûler , et plantant en
leur lieux des arbres fructueux . Par la vigne , j’entends notre Mère
la sainte Eglise , en laquelle il faudrait renouveler dans les cœurs de
ses enfants l’humilité et la charité .
Cette vierge glorieuse qui apparut à
cette femme , a commandé de vous envoyer ceci par écrit ,
d’où votre révérende paternité pourra connaître
que moi , qui envoie la présente lettre , jure par le vrai Jésus
et le Dieu tout-puissant , et par sa très-digne Mère Marie
, voulant qu’ils m’aident
Fin p 344
Début p 345
de la sorte au corps et à l’âme , comme je n’ai envoyé cette lettre pour quelque honneur du monde , pour quelque cupidité , ou pour quelque faveur mondaine . Mais entre autres choses qui ont été dites à la même femme en cette révélation spirituelle , toutes les choses qui sont écrites en ce papier , on m’a commandé de les envoyer à votre dignité .
LXXIX .
Ici est un poème notable dans lequel sont contenus plusieurs
bons
avis qui ont été révélés
à la même épouse sainte Brigitte , sur
une information qui est contenue dans le chapitre
précédent .
Louange , honneur et gloire soient à
Dieu tout-puissant pour toute ses œuvres admirables ! Que soit aussi honneur
éternel à celui qui a commencé de vous donner la grâce
! Nous voyons que , quand la surface de la terre est couverte de neige
et de froid ,il est certain que les semences qui ont été
semées ne peuvent germer qu’en quelques lieux où le soleil
darde ses rayons et les échauffe , lesquels lieux aussi , par le
bienfait du même soleil , naissent les feuilles et les herbes , et
on voit éclore des fleurs , lesquelles on peut voir et connaître
de quelle espèce et de quelle vertu elles sont . En vérité
, tout le monde me semble être saisi et couvert du froid de la superbe
insupportable , de la cupidité insatiable et de la brutale volupté
.Hélas ! qu’il y en a peu dont on puisse connaître , par leurs
paroles et œuvres , que la parfaite charité de Dieu demeure dans
leurs cœurs ! d’où il faut savoir que , comme
Fin p 345
Début p 346
les amis de Lazare se sont réjouis de le voir ressuscité
pour la gloire de Dieu , de même maintenant les amis de Dieu peuvent
se
réjouir de voir ressusciter quelque-uns de ces trois vices ,
qui sont vraiment une mort éternelle . D’ailleurs , il faut remarquer
que , comme le Lazare , étant ressuscité , après sa
résurrection , en acquit une double haine ( car il avait quelques
ennemis corporels , qui étaient aussi ennemis de Dieu , et ceux-là
haïssaient corpor-ellement le Lazare , il avait aussi quelques ennemis
spirituels , savoir , les démons , qui ne désirent jamais
être amis de Dieu , et ceux-là le haïssaient spirituellement
) , de même maintenant , quiconque ressusciterait des vices et péchés
mortels , voulant garder la chasteté , fuir l’orgueil et les ambitions
, tombé en la double haine du diable et des hommes , car les hommes
qui sont ennemis de Dieu , leur désirent nuire corporellement .
Et le diable désire aussi les damner par deux manières :
il s’efforce de leur nuire spirituellement , car en premier lieu , les
hommes du monde les blâment et les vitupèrent par des paroles
médisantes et venimeuses ; en second lieu , ils les molestent ,
les fâchent et les inquiètent en leurs œuvres , afin qu’ils
les rendent semblables à
eux , tant en leur vie qu’en leurs œuvres , les arrachant des bonnes
entreprises et résolutions . Mais l’homme de Dieu nouvellement converti
à la vie spirituelle , peut fort bien vaincre telle sorte de gens
malins , si , contre leurs paroles vaines , il s’arme de patience , et
si lors , en leur présence , il s’exerce ès œuvres spirituelles
et divines avec plus de ferveur et d’assiduité . Les démons
infernaux s’efforcent aussi de les décevoir par deux
autres différentes manières : 1° ils désirent
impatiem-
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ment de faire rechuter l’homme qui est converti de nouveau . Que s’ils
ne peuvent , lors la malice des démons , qui n’aura jamais d’égale
,le sollicité encore et le tente , afin qu’il fasse ses œuvres spirituelles
irraisonnablement et sans discrétion , savoir est , en veilles excessives
, en abstinences indiscrètes , afin que ,de la sorte , ses
forces soient bientôt épuisées , et qu’il soit infirme
pour le reste du temps à faire les œuvres spirituelles .
Contre le premier il y a un très-bon
remède , savoir , la fréquente et pure confession de ses
péchés et une grande et intime contrition . Contre le deuxième
, le meilleur remède est l’humilité
basse et profonde
, qui le porte à plutôt obéir et à se soumettre
à quelque personne ancienne , spirituelle , que se gouverner
soit-même ès choses spirituelles et ès pénitences
qu’il fait . En vérité , cette médecine est grandement
utile , de sorte que , bien que celui qui la conseillerait fût plus
indigne que celui qui se conseille , il faudrait néanmoins espérer
certainement que la divine Sapience coopérera , par son secours
, à ce que celui qui donne le conseille ne se trompe , mais lui
conseille tout ce qui est utile . Tous deux ont la volonté de chercher
en tout l’honneur et la gloire de Dieu .
Or , maintenant , ô mon bien-aimé
! d’autant que tous deux nous sommes sortis des péchés ,
prions Dieu tout-puissant qu’il nous donne son aide et son secours , à
moi en disant , et à vous en obéissant . Et nous devons d’autant
plus prier et remercier Dieu de ce qu’il a permis que vous , qui êtes
riche , sage et noble , ayez daigné prendre conseil de moi , indigne
, inconnue et peu intelligente . Et de fait , j’espère que Dieu
regardera bénignement
votre humilité et vous don-
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Les Révélations Célestes
nera la grâce de faire tout ce qui sera utile , et dont je vous écris pour son honneur et gloire .
LXXX .
Instruction révélée à son épouse
grandement discrète . Elle est
fort utile pour un prêtre , contenant
la manière de bien vivre ,
tant spirituellement que corporellement .
En premier lieu , je vous conseille de demeurer en votre logis , auprès de votre Eglise de Sainte-Marie , Vierge ; d’avoir seule-ment un seul serviteur ; de rendre à vos créditeurs tout ce qui sera superflu , les dépenses nécessaires en étant déduites , satisfaisant entièrement à vos dettes ; car il n’est pas raisonnable ni licite de donner beaucoup d’argent aux pauvres , moins aux amis qui sont riches et parents , qu’on n’ait entièrement payé et baillé tout ce qui sera par-dessus la dépense de vous et votre serviteur ; et ayant payé , vous pourrez donner le superflu aux pauvres , à l’honneur et à la gloire de Dieu . Ayez votre habit de prêtre honnête et édificatif , étant diligemment attentif , et prenant soigneusement garde quand la qualité de l’étoffe ni en la forme de l’habit , il n’y ait quelque pompe ou vanité , mais qu’on y remarque la seul et honnête nécessité , utilité et décence corporelle . Soyez content de deux vêtements égaux , un pour les jours de fête , l’autre pour les jours ordinaires . N’ayez que deux paires de chausses ou chaussures et souliers ; tout ce qui sera par-dessus , changez-le en autre usages ou à payer des dettes . Lais-
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sez les vêtements de linge , tant la nuit que le jour , pour toute
cette année .
Ayez votre Eglise de Sainte-Marie toute cette
année pour église claustrale , pour trois choses : 1°
afin que , si vous y êtes jamais entré , enflé de superbe
, vous y demeuriez à l’avenir en l’honneur de la Vierge Marie ,
très-humble , et ce , par la vertu de l’obéissance . Et si
, par aventure , vous avez retiré les chanoines et bénéficies
de cette église du service de Dieu par vos paroles déshonnêtes
,et les avez alléchés à la concupiscences mauvaise
,efforcez-vous maintenant ,par le secours de Dieu ,par les paroles spirituelles
et divines , de retirer quelqu’un des concupiscences pernicieuses , aux
délectation du divin amour . Et si peut-être , par vos mauvaises
mœurs , vous avez donné mauvais exemple à quelqu’un , tâcher
maintenant , en aimant , par vos bonnes œuvres et honnêtes mœurs
, de donner à ces âmes , qui ont vu votre désordre
, un bon et profitable exemple .
Après , ô mon ami bien-aimé
! vous devez ranger le temps du jour et de la nuit pour la louange de Dieu
, car j’ai prit garde que vous clochez souvent à des heures ordonnées
. Et partant , je vous conseille , soudain que vous les ouïrez la
nuit , de sortir du lit , et avec cinq génuflexions , autant de
Pater noster et Ave Maria , de vous souvenir des cinq plaies de Notre-Seigneur
Jésus-Christ , et des douleurs de sa très-digne Mère
.
Après cela , commencez matines de la
Sainte Vierge , et dites les autres prières que vous avez accoutumées
, jusqu’à ce que les chanoines viennent au chœur pour psalmodier
. Il est meilleur que vous veniez à l’Eglise avec les premiers
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qu’avec les derniers . Vous devez donc chanter matines dévote-ment
et honnêtement , demeurant tantôt debout , tantôt assis
, comme il sera plus décent . Mais vous ne devez parler à
pas un , si ce n’est qu’on vous interroge , et lors même , vous devez
répondre avec peu de paroles , non hautes , sans donner aucun signe
qu’elles vous fâchent et qu’elles vous impatientent , si faire se
peut , car vous vous comporteriez fort modestement et honnêtement
, si vous étiez devant quelque grand seigneur temporel et terrestre
; c’est pourquoi vous vous devez mieux comporter avec toute sorte
d’honnêteté , modestie , humilité et révérence
intérieure et extérieure , en la présence et au service
du Roi éternel des cieux , qui est toujours et en tous lieux présent
et voyant tout . Et si , par aventure , vous êtes contraint
, par nécessité et pour de grandes choses qui touchent à
un autre , de parler emmi vos heures , sortez du chœur , et dites-en
ce qui vous en semble en peu de paroles , sans crier ni parler trop haut
, retournant sans délai à votre chœur ; et si vous pouvez
le différer , différez-le en autre temps , afin que le culte
divin ou l’honneur de Dieu ne soit diminué ou empêché
.
Donnez-vous garde aussi de n’aller par l’Eglise
, en vous y promenant quand on chante les heures , car cela marque un esprit
vague , inconstant , tiède , de peu d’amour et de dévotion
. Or , priez Dieu entre les intervalles des heures ; priez , ou lisez des
choses utiles à votre âme et profitables à celle d’autrui
, gardant et observant ceci incessamment , que de l’heure que vous vous
levez de votre lit pour aller à matines , vous ne vous employiez
et plongiez librement dans les affaires , si ce n’est à votre chant
, lecture
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oraison ou étude , jusques à ce que la grande messe soit
dite , si ce n’est qu’en votre chapitre , il fallût traiter entre
vous de quelques affaires concernant les affaires de l’Eglise , ou pour
établir un meilleur ordre ou état entre vous : La grande
messe étant célébrée , il est convenable de
parler des utilités corporelles , des commodités et des honnêtes
et vertueuses complexions .
Or , quand vous vous mettez à table
, que les bénédictions de table soient lues , et soit que
vous soyez hôte d’un autre , soit que vous soyez logé chez
autrui , commencez , en mangeant par parler de Dieu , ou bien de sa très-digne
Mère , ou bien de quel-que saint , pour l’édification et
utilité des conviés , voire des serviteurs de table , ou
moins quelque peu , ou bien interrogez les autres sur Dieu , sur sa Mère
ou sur quelque saint . Et lorsque vous serez seul à table avec le
serviteur , faites-en de même , et ayez la lecture que les frères
ont en leur monastère . Mais ayant pris votre réfection ,
ayant rendu grâces à Dieu et à vos bienfait-eurs ;
parlez de vos affaires avec quelques personnes honnêtes telles qu’il
vous plaira l’espace d’une heure , et après , entrez soudain en
votre cabinet , et ayant fléchi les genoux cinq fois , dites cinq
fois le Pater et autant de fois l’Ave Maria , pour l’amour des plaies
de Notre-Seigneur Jésus-Christ et pour les douleurs de la Sainte
Vierge Marie .
Cela étant fait , employez la moitié
du temps , jusque à vêpres , à l’étude , à
lire et à vous reposer un peu , si ce n’est que vous fussiez employé
à quelque affaire qui touchât vos amis . L’autre moitié
du temps , vous l’emploierez pour récréer le corps , afin
que vous soyez plus fort aux louanges divines .
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Quand on sonnera les vêpres , allez et entrez soudain dans l’église
pour chanter dans le chœur , et comportez-vous-y en même manière
que nous avons dite ci-dessus . Et ayant dit complies ,
Dites tous les jours pour les morts les vigiles à trois
leçons , et ce , avant souper . Mais ayant soupé , exercez-vous
comme nous avons dit au dîner ; après avoir dit grâces
, allez vous promener , disant des paroles utiles et de consolation jusqu'à
votre coucher .
Lors aussi , avant de vous mettre au lit ,
mettez-vous devant le lit , et là , dites dévotement cinq
fois le Pater et l’Ave Maria pour l’amour de la passion de Jésus-Christ
, et après , entrez en votre lit et donnez à votre
corps tout autant de sommeil et de repos qu’il en faut pour qu’il
ne vous faille dormir , à raison de la brièveté du
sommeil , quand il faut veiller et chanter .
Tous les vendredis , dites les sept psaumes
avec les litanies , et donnez aussi en ces jours cinq deniers à
cinq pauvres , pour la révérence des cinq plaies de Notre-Seigneur
. Partant , ô mon frère et ami très-cher ! je vous
conseille de garder la souscrite abstinence toute cette année-ci
, en satisfaction de vos péchés . 1° Jeûnez tout
le carême , ne faisant qu’une réfection de poisson , et le
semblable en l’avent , toutes les vigiles de Notre-Dame au pain et à
l’eau, et en poisson les vigiles des apôtres . Tous les mercredis
, mangez du fromage , des œufs et du poisson ; tous les vendredis , en
pain et vin seulement , et s’il vous agrée plus avec de l’eau seule
et du pain , je vous le conseille ; tous les samedis en poisson et huile
et un repas seulement . Mais les dimanches , lundis , mardis et jeudis
, vous
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mangerez de la viande deux fois par jour , pourvu que l’Eglise ne
vous commande de jeûner .
Remarquez , ô mon frère bien-aimé
! que je vous ai voulu écrire et conseiller ces choses pour trois
raisons : 1° afin que l’envie de Satan et son astuce ne vous attirassent
à ce que soudain vous vous consommiez , et que vos sens et vos forces
étant bientôt épuisées , défaillant ,
vous serviez Dieu tout le reste de votre vie moins qu’il ne faut . En second
lieu , que si les mondains remarquent en vous , en vos sens et vos forces
, quelque défaut , ou voient que vous vous rendiez lâche en
vos entreprises et résolutions , ils vous auront à horreur
, et craindront de s’occuper des œuvres divines . En troisième lieu
, d’autant que j’espère qu’en vous assujettissant plutôt
au conseil d’autrui qu’au vôtre , et ne vous gouvernant
par votre jugement , vous plairez plus à Dieu .