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Sainte Brigitte de Suède
Les Révélations Célestes
[Apparitions, extases, locutions] sont approuvées par trois papes et par le concile de Bâles,
1557 pages Traduction de Jacques Ferraige
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Livre 2
chapitre 19

Jésus-Christ enseigne à son épouse la manière dont Dieu parle à ses amis par ses prédicateurs et par les tribulations. Comment Jésus-Christ est désigné par le possesseur des mouches à miel, l’Eglise par la ruche, et les chrétiens par les mouches ; et en quelle sorte on permet que les mauvais chrétiens vivent entre les bons.

Je suis votre Dieu. Mon Esprit vous a introduite en moi pour vous faire ouïr, voir et sentir : ouïr mes paroles, voir des visions et sentir mon Esprit avec joie et dévotion de l’âme. En moi est toute miséricorde avec justice, et justice avec miséricorde. Je suis comme celui qui voit ses amis tomber en la voie où il y a un horrible et formidable cahos, d’où il est impossible de sortir quand on y est tombé une fois. Je parle à mes amis par ceux qui ont l’intelligence de l’Ecriture ; je leur parle par les fléaux des angoisses et des tribulations ; je les avertis des dangers dans lesquels ils se vont plonger, mais eux vont au contraire , ne se souciant pas de mes paroles. Mes paroles ne sont quasi qu’une parole, c’est-à-dire, convertir le pécheur à moi ; car ils marchent périlleusement ; car bien que leur ennemis ne marchent que de jour, néanmoins, ils sont cachés aux ténèbres de l’esprit, et ils ne les voient pas comme ils sont.
Cette mienne parole est méprisée et cette mienne miséricorde est négligée : néanmoins, bien que je sois si miséricordieux que d’avertir les pécheurs, je suis aussi si juste que, quand même tous les anges les attireraient, ils ne seraient pourtant si convertis, si eux-mêmes n’émeuvent leur volonté à la pénitence et au bien. Or s’ils tournent leur volonté vers moi et consentent à moi avec amour, tous les diables de l’abîme ne sauraient les retenir.
Il y a un vermisseau qui est appelé apis, non à raison de la possession de son seigneur, mais à raison que les mouches rendent à leur roi trois sortes de révérences et prennent de lui trois sortes de vertu : 1° les mouches apportent à leur roi toute la douceur qu’elles peuvent fleureter de toutes les plantes ; 2° elles lui obéissent comme il veut, et soit qu’elles aillent ou qu’elles s’arrêtent, elles sont toujours portées d’amour et d’affection envers leur roi ;3° elles le suivent, s’unissent à lui et lui obéissent.
Elles ont aussi de leur roi un triple bien : 1° de sa voix, elles savent le temps où il faut sortir et où il faut travailler ; 2° elles ont de lui le régime et mutuelle charité entre elles, car de sa présence, principauté et amour qu’il a envers elles et elles envers lui, toutes sont conjointes ensemble par amour et par charité. Chacune se réjouit de l’avancement de l’autre, et elles s’en congratulent ensemble. 3° Par la charité et la joie qu’elles ont avec leur chef, elles sont fécondes et fructueuses. Car comme les poissons en la mer font leurs œufs en se jouant, lesquels, tombant en la mer, fructifient, de même les abeilles par leur mutuelle charité, amour et joie qu’elles ont avec leur chef, sont rendues fertiles et fécondes, de l’amour desquelles  et de ma vertu procède quelque semence comme morte qui prend vie de ma bonté. Mais le seigneur, c’est-à-dire, le maître des mouches, est soigneux d’elles ; il en parle à son serviteur, lui disant qu’il lui semble que quelques mouches sont malades et qu’elles ne peuvent voler.
Le serviteur répond : Je n’entends point cette maladie ; mais si cela est ainsi, je demande comment cela se peut savoir.
Le maître répond : Vous pourrez savoir leurs défauts et infirmités par trois signes : le premier : elles sont invalides et paresseuses à voler, et cela vient de ce qu’elles ont perdu leur roi, duquel elles avaient leur soulas et leur soutien. Le deuxième est d’autant qu’elles sortent à des heures incertaines et hors de saison, et cela, parce qu’elles n’entendent point la voix de leur chef ; la troisième, attendu qu’elles n’ont point d’amour à leur ruche : c’est pourquoi étant rassasiées, elles s’en retournent à leur ruche, sans porter rien dont elles se puissent sustenter à l’avenir. Or, les mouches qui, saines et bien disposées, sont constantes et fortes en leur vol, gardent et observent le temps convenable d’entrer et de sortir, rapportant de la cire pour faire leurs petites logettes, et du miel pour s’en nourrir.
Alors, le serviteur répondit à son maître : Si elles sont donc infirmes, pourquoi souffrez-vous qu’elles vivent encore, puisqu’elles ne profitent de rien ?
Le maître répondit : Je les souffre pour trois raisons, car elles apportent trois commodités, mais non pas de leur vertu. Elles occupent, en premier lieu, leurs ruches, de peur que les chenilles n’y entrent, inquiétant celles qui sont saines et utiles ; en second lieu ; afin que les autres soient fructueuses, se roidissant au travail, voyant la malice et la négligence des autres ; car les bonnes mouches voyant les mauvaises ne travailler que pour leur assouvissement, s’excitent d’autant plus d’être auprès de leur roi et de travailler avec plus de ferveur. Elles profitent aussi, en tant qu’elles défendent les bonnes mutuellement, car il y a un vermisseau qui a coutume de manger les mouches, lequel venant, toutes les mouches bonnes et mauvaises s’unissent avec une haine mortelle qu’elles lui portent, pour le combattre et l’abattre tout à fait. Car autrement, si les mouches mauvaises et malades étaient ôtées et que les bonnes fussent seules, bientôt le vermisseau les auraient vaincues ; et c’est pourquoi, dit le maître, je les souffre. Néanmoins, quand l’automne viendra, j’aurai soin des mouches saines ; je les séparerai des mauvaises ; car si on les mettait maintenant dehors, elles mourraient de froid. Que si elles sont dans leur ruche et n’amassent rien, elles périront de faim, puisqu’elles n’ont pas amassé quand elles pouvaient.
Moi, qui suis Seigneur et Créateur de toutes choses et maître des mouches ; moi, de mon intime charité et par le sang que j’ai répandu, j’ai fondé mes ruches, c’est-à-dire, mon Eglise, en laquelle les chrétiens devaient demeurer et s’assembler par l’unité de la foi. Ces lieux sont leurs cœurs, dans lesquels doit loger la douceur des bonnes pensées et des saintes affections, qui devraient sortir de la considération de mon amour infini à les créer, à les racheter , et à souffrir pour eux, et de ma miséricorde, en les ramenant et les renouvelant dans cette ruche, c’est-à-dire, dans mon Eglise, en laquelle il y a deux sortes de gens, comme il y a deux espèces de mouches.
Les premiers sont les mauvais chrétiens, qui n’amassent rien pour moi, mais tout pour eux ; qui s’en retournent vides et qui ignorent leur chef, ayant quelque stimule de quitter ma douceur et sentent quelques désirs de ma charité.
Mais les bonnes mouches sont les bons chrétiens, qui m’offrent une triple révérence : 1° ils me tiennent toujours pour leur chef et pour leur Seigneur, me présentant le miel de leur douceur, c’est-à-dire, leurs œuvres de charité, qui me sont très-douces et à eux très-utiles. 2° Leurs volontés dépendent de ma volonté ; leur volonté est conforme à la mienne, leurs pensées sont liées à ma passion, et les œuvres n’ont autre fin que mon honneur et gloire. 3° Ils me suivent et m’obéissent en tout et en tous lieux, soit dedans, soit dehors, soit en tribulation, soit en joie ; leur cœur est toujours dans mon cœur ; c’est pourquoi ils ont de moi trois vérités : la première, la voix de l’inspiration et de la vertu, le temps convenable et dû, savoir : la nuit au temps de la nuit, et la lumière au temps de lumière ; voire même ils changent la nuit en lumière, c’est-à-dire, la joie du monde en la joie éternelle, et les plaisirs caducs et périssables en l’éternel bonheur et félicité. Ceux-ci sont en tout raisonnables, car ils se servent des choses présentes pour la nécessité, et non pour la volupté ; ils sont constants en l’adversité, sages dans la prospérité, modérés dans le soin de leurs corps, soigneux et circonspects en tout ce qu’il faut. La deuxième : comme les mouches saines ont entre elles une bonne et mutuelle charité, de même les bons chrétiens ont tous un même cœur, uni au mien, aiment leur prochain comme eux-mêmes, et moi sur toutes choses et par-dessus eux-mêmes. En troisième lieu, je les rends fructueux. Qu’est-ce être fructueux, si ce n’est avoir mon Esprit et en être rempli ? car celui qui n’a point le Saint-Esprit, et qui ne ressent point ses douceurs, est infructueux, tombe, est inutile et va au néant. Or, le Saint-Esprit, Esprit d’amour, enflamme celui dans lequel il demeure par son amour, et lui ouvre et transporte l’esprit. Il extirpe, chasse et ruine la superbe et l’incontinence ; il excite l’esprit à l’honneur de Dieu et au mépris du monde. Les mouches, c’est-à-dire, les âmes infructueuses, ignorent cet Esprit, c’est pourquoi elles fuient l’obéissance et le gouvernement d’autrui, l’utilité et la société charitable. Elles sont vides de toute bonne œuvre ; elles changent les lumières en ténèbres, la consolation en pleurs, la joie en douleurs. Néanmoins, je souffre qu’elles vivent, à raison de trois choses :
1° De peur que les infidèles n’entrent en leur place, car si les méchants hommes étaient ôtés tous ensembles ; il en demeurerait pur, car les bons sont en petit nombre, à cause de quoi les infidèles et les païens, qui sont en grand nombre, les surmonteraient bientôt et molesteraient les bons habitants avec eux.
2° Je les souffre pour la probation des bons, car la malice des méchants éprouve la constance des bons ; car en l’adversité, on voit combien la patience d’un chacun est grande, et en prospérité, on connaît combien on est constant et modéré. Mais d’autant que les justes pèchent souvent et que les vertus les élèvent, c’est pourquoi je permets que les mauvais vivent avec les bons, de peur que les bons ne se réjouissent par trop et se rendent paresseux, et afin qu’ils aient toujours les yeux vers Dieu, car là où le combat est petit, la récompense est petite.
3° Je les patiente pour le secours même des bons, de peur que les païens et les infidèles ne nuisent aux bons, mais les craignent d’autant plus qu’il semble y en avoir un grand nombre. Et comme les bons résistent aux mauvais, poussées et émus de l’amour et de la justice divine, de même les mauvais résistent aux bons pour défendre leur vie et pour penser éviter la fureur d’un Dieu tout-puissant ; et de la sorte, les bons et les mauvais s’aident entre eux, et les mauvais sont supportés pour l’amour des bons, et les bons sont couronnés plus éminemment, à raison de la méchanceté des mauvais.
Les gardiens de ces mouches sont les prélats et princes vigilants de la terre, soit bons ; soit mauvais. Je parle pourtant aux bons gardiens, lesquels, moi, Dieu, leur protecteur et gardien, je les avertis de garder mes mouches. Qu’ils considèrent leur entrée et sortie ; qu’ils voient si elles sont infirmes ou saines. Que s’ils ne les savent connaître, je leur marque trois signes par le moyen desquels ils discerneront si les mouches sont inutiles, paresseuses ou lâches à voler en leur saison, et vides à apporter la douceur des fleurs. Ceux-là sont lâches à voler qui ont plus de soin des choses temporelles que des choses éternelles ; qui craignent plus la mort corporelle que la mort spirituelle ; qui parlent de cette sorte à part soi : Pourquoi prendrais-je de l’inquiétude, puisque je puis être en repos ? Pourquoi me ferais-je mourir, puisque je puis vivre ? Misérables ! ils ne considèrent pas que moi, Roi tout-puissant, ait embrassé les misères et les infirmités qui n’étaient point péché. Je suis aussi très paisible, voire je suis la vraie paix, et néanmoins, j’ai pris pour l’amour d’eux les inquiétudes, dont je les ai affranchis par ma mort. Mais eux sont grandement indisposés en ce temps, puisque leurs affections cherchent les choses terrestres ; leurs paroles ne sont que bouffonneries, leurs œuvres que leur propre intérêt, et leur temps se passe selon les désirs de leur corps et de leurs sentiments. Or ceux-là n’ont point d’amour à leur ruche, qui est l’Eglise, ni n’amassent de la douceur, car ils ne font point de bonnes œuvres par amour, mais seulement par la crainte du supplice. Et bien qu’ils aient quelques bonnes œuvres pieuses, ils ne laissent pas pourtant leur propre volonté ; ils veulent avoir Dieu en telle sorte qu’ils ne laissent jamais le monde, et ne veulent souffrir ni privations ni troubles. Ceux-ci s’encourent à la maison, ne portant que fiente en leurs pieds ; ils volent, mais non pas par les ailes de la véritable et raisonnable charité.
Partant, quand l’automne viendra, c’est-à-dire, le temps de séparation, les mouches inutiles seront séparées des bonnes, qui, pour leur amour-propre, seront éternellement, tourmentées d’une faim perpétuelle et enragées. Pour le mépris qu’elles ont eu de Dieu et le dégoût qu’elles ont ressenti du bien, elles seront affligées d’un froid excessif, sans jamais mourir. Néanmoins, mes mais se doivent donner de garde de la malice des mauvaises mouches, 1° afin que leur puanteur ne vienne à leurs oreilles, car elle est vénéneuse et pestifére ; car le miel étant ôté, elles sont sans douceur, au lieu de laquelle abonde une amertume mortifère ; 2° qu’ils se gardent la prunelle de leur yeux et leurs ailes, car elles sont aiguës comme des aiguilles ; 3° qu’ils gardent leurs corps, et qu’ils ne l’exposent pas à elles tout nu, car elles ont de poignants aiguillons avec lesquels elles percent cruellement.
Qu’est ce que tout ceci signifie ? Les sages le savent expliquer, qui considèrent leurs mœurs et leurs affections. Or, ceux qui ne le savent expliquer, qu’ils craignent le danger, qu’ils fuient leur compagnie et qu’ils ne suivent leur exemple, autrement ils apprendront à leur dommage et expérimenteront ce qu’ils n’ont pas voulu savoir en écoutant.
Après la Sainte Vierge Marie parlait, disant : Béni soyez-vous, mon Fils, qui êtes, qui avez été et qui serez éternellement ! Votre miséricorde est douce et votre justice est grande. Il me semble, mon Fils, parlant par comparaison, que la miséricorde ressemble à une nuée qui monte au ciel avec vous, et qu’un air léger va au-devant de la justice. Or, la nuée apparaissait comme quelque chose d’obscur et de ténébreux, mais qui était hors de la maison, et qui ressentait la douceur de l’air ; il éleva les yeux, et vit l’obscurité épaisse de l’air ; et la considérant, il dit en soi-même : L’obscurité de cette nuée me semble présager la pluie, et soudain, suivant son conseil, il se retira à couvert. Mais les autres, qui étaient aveugles, ou qui peut-être ne s’en souciaient point, faisant peu d’état de la légèreté variable de l’air, ni ne craignant l’obscurité de la nuée, expérimentèrent ce que ces nuées signifiaient. Ces nuées croissant par tout le ciel, vinrent fondre comme un torrent impétueux avec tonnerres horribles et épouvantables feux, de sorte qu’ils perdirent la vie d’effroi et de crainte. Après, toutes choses de l’homme, tant intérieures qu’extérieures, seront consommées par le feu, de sorte que rien n’y demeurera.
Cette nuée, ô mon Fils ! c’est vos paroles, qui semblent obscures et incroyables à plusieurs, d’autant qu’elles n’ont pas été ouïes souvent, ni administrées aux ignorants, ni déclarées par signes. Ma demande précède ces paroles, et votre miséricorde va au-devant d’elles, avec laquelle vous pardonnez à tout le monde, et les alléchez à vous, comme une mère attire ses enfants. Cette miséricorde est douce en patience et souffrance, comme l’air est chaud en amour, car vous attirerez comme le feu à se servir de votre miséricorde ceux qui vous provoquent à colère et indignations, et présentez chose admirable à ceux qui méprisent votre piété et votre clémence.
Donc, que tous ceux qui entendront ces paroles élèvent les yeux, et ils verront en leur intelligence d’où procèdent mes paroles. Qu’ils s’enquièrent si mes paroles publient la miséricorde et l’humilité ; qu’ils soient attentifs si elles prêchent les choses présentes ou futures, la vérité ou la fausseté. Que s’ils les trouvent vraies, qu’ils s’enfuient du mal et se retirent à l’humilité avec l’amour divin, car quand la fureur de la justice viendra, alors l’âme sera séparée du corps de crainte et d’effroi. Le feu enveloppera l’âme qui n’a pas bien vécu, et la brûlera intérieurement et extérieurement sans la consommer. Partant, moi qui suis Reine de miséricorde, je crie aux mondains afin qu’ils élèvent leurs yeux et voient ma miséricorde. Je vous avertis et vous prie comme Mère, et vous conseille comme Dame et Maîtresse, car quand la justice viendra en sa fureur, il sera impossible de résister. Croyez donc fermement ; regardez et éprouvez en vos consciences cette vérité ; changez vos volontés, car alors, celui qui montrera les paroles de charité montrera aussi les œuvres et les signes d’amour.
Après, le Fils de Dieu me parlait, disant : Je vous ai montré ci-dessus que les mouches retiraient trois sortes de biens de leur malice. Je vous dis maintenant que telles mouches devraient être de ceux qui portent la croix (Les religieux de Notre-Dame de la Merci, Trinitaires et Mathurins.), que j’ai mis aux fins du monde. Or, eux, maintenant combattent contre moi, car ils ne se soucient point du salut des âmes, n’ont point de compassion, ni ne travaillent point à convertir les dévoyés à la foi catholique, et à les tirer de l’erreur dans laquelle ils sont plongés, car ils les oppriment de labeurs, les privent de leur liberté, ne les instruisent point en la foi, les frustrent des sacrements , et avec une plus grande douleur, les envoient dans l’enfer comme s’ils étaient encore en leur paganisme. Ils ne combattent point non plus, si ce n’est pour dilater les branches de leur insupportable superbe et augmenter leur insatiable cupidité.
C’est pourquoi le temps viendra qu’on leur cassera les dents ; on leur coupera la main droite, et on arrachera les nerfs de leur pied droit, afin qu’ils vivent et qu’ils connaissent l’état de leurs misères.

chapitre 20

Dieu se plaint de trois choses qui se passent maintenant dans le monde. En quelle manière Dieu a choisi dès le commencement trois états : le clergé, la noblesse et le laboureur. De la peine préparée aux ingrats, et de la gloire gratuitement donnée aux hommes.

On voyait une belle et grande compagnie céleste, à laquelle Notre-Seigneur parlait en ces termes : Bien que vous voyiez et sachiez en moi toutes choses, néanmoins je me plains de trois choses devant vous :1° de ce que ces lieux si agréables sont vides au ciels, desquels les mouches inutiles sont déchues, 2° de ce que l’abîme insatiable de l’enfer, à qui les pierres, ni les arbres ne touchent, est toujours ouvert, dans lequel les âmes tombent comme la neige sur terre. Et comme la neige se résout en eau en présence des rayons du soleil, de même les âmes sont privées de toute sorte de biens, accablées et opprimées de toute sorte de maux. 3° Je me plains de ce qu’il y a si peu d’âmes qui considèrent attentivement ces places vides, d’où les anges ont prévariqué et d’où est venue la chute des âmes. C’est pourquoi je m’en plains avec raison, car j’ai élu dès le commencement trois hommes, par lesquels j’entends trois états dans le monde. En premier lieu, j’ai élu le clergé, afin qu’il publiât à tous par sa voix qu’il fallait faire ma volonté, et qu’il montrât cela même par la fidélité des œuvres. En second lieu, j’ai choisi un défenseur, qui défendît mes amis aux dépens de sa vie, et fût disposé à répandre son sang pour l’amour de moi en tout et partout. En troisième lieu, j’ai choisi le roturier, afin qu’il labourât la terre de ses mains, et qu’il repût les corps de son labeur.
Le premier état, qui est le clergé, est maintenant lépreux et muet, car tous ceux qui recherchent l’éclat et la beauté des mœurs, et l’ornement des vertus en lui, s’en retournent mal édifiés ; ils se troublent de l’avoir vu et ont horreur de s’en approcher, à raison de la laideur et horreur de la lèpre de superbe insupportable et d’insatiable cupidité. D’abord, s’ils désirent l’ouïr, ils le trouvent muet pour chanter mes louanges, et babillard à se louer soi-même. Comment donc ouvrira-t-on alors la voie et les chemins pour s’approcher de si grandes suavités, si celui qui devrait procéder est débile ? et si celui que devrait crier est muet, comment entendra-t-on les raisonnables et douces  mélodies du ciel ?
Le deuxième état, qui est le défenseur du peuple, tremble ; son cœur est lâche et vide de vertu, n’a rien en la main , et a toujours peur de perdre l’honneur mondain. Il n’a rien en ses mains, d’autant qu’il ne fait aucune œuvre divine, mais tout ce qu’il fait est pour le monde.
Qui défendra donc mon peuple, si celui qui en est le chef tremble d’effroi ?
Le troisième est comme un âne qui abaisse la tête contre terre, et demeure sans rien faire, joignant les quatre pieds. Vraiment, ce peuple, est comme un âne, qui ne désire que les choses terrestres ; qui néglige les choses célestes et se lie aux choses périssables. Celui-là a comme quatre pieds, de qui la foi est petite,
l’espérance vide, qui ne fait point de bonnes œuvres, et dont la volonté est plongée dans le péché. De là vient qu’ils ont toujours la bouche ouverte à la gourmandise et à la cupidité. Voici, ô mes amis ! comment est-ce qu’on peut, par telles personnes, amoindrir cet insatiable abîme, et comment le paradis pourra être rempli.
Lors, la Sainte Vierge répondit : Béni soyez-vous, mon Fils ! Votre plainte est juste. Moi, ni vos mais n’avons point d’excuse pour défendre le genre humain, si ce n’est une parole que nous vous voulions dire, par laquelle le genre humain pourra être sauvé. Cette parole est : Miséricorde, ô Jésus-Christ, Fils de Dieu ! C’est ce que je vous demande, c’est de quoi vos amis vous supplient.
Le Fils répondit : Vos paroles sont douces à mes oreilles, suaves à ma bouche, et entrent avec amour dans mon cœur. J’ai un clerc et défenseur et un paysan. Le premier m’est agréable comme une épouse, que l’époux très-doux et courtois désire amoureusement de tout son cœur. La voix de celui-ci me sera comme la voix qui résonne mélodieusement dans les bois. Le deuxième sera prêt et disposé à donner sa vie pour l’amour de moi, et ne craindra point d’opprobre du monde ; j’armerai celui-là des armes du Saint-Esprit. Le troisième aura une foi si ferme qu’il parlera en ces termes : Je crois aussi fermement comme si je voyais ce que je crois. J’espère aussi toutes choses que Dieu a promises ; il aura la volonté de bien faire, de profiter au bien, et d’omettre toute sorte de maux.
Je mettrai en la bouche du clerc trois paroles : 1° il dira à celui qui a la foi, qu’il fasse par œuvres ce qu’il croit ; 2° à celui qui espère fermement, qu’il soit établi en toute sorte de biens ; 3° à qui aime parfaitement et amoureusement, qu’il désire voir avec ferveur ce qu’il aime.
Le défenseur, qui est noble, sera comme un lion fort au travail, industrieux pour découvrir les embûches et constant en la persévérance.
Le troisième sera sage comme un serpent, qui demeurera sur sa queue et élèvera sa tête au ciel. Ceux-ci accompliront ma volonté et d’autres les suivront ; et bien que je n’en nomme que trois, néanmoins, j’entends plusieurs.
Après il parlait à son épouse très-aimée, disant : Demeurez stable et constante ; ne vous souciez point du monde ni des opprobres, car je suis votre Dieu et Seigneur, qui ai ouï et enduré toute sorte d’opprobres.

chapitre 21

La glorieuse Vierge Marie parle à sa fille sainte Brigitte de la manière dont il fallut tirer Notre-Seigneur de la croix ; de l’amertume et douceur en la passion de son Fils. Comment l’âme est désignée par la Vierge, et l’amour de Dieu et du monde, par deux jouvenceaux. Des conditions qu’une âme doit avoir comme une vierge.

MA fille, disait la Sainte Vierge Marie, vous devez penser à cinq choses :
1° tous les membres de mon Fils se refroidirent à la mort, et le sang se congela en eux. 2° Sa passion fut si amère, qu’étant pressé dans son cœur, et percé si immiséricordieusement, que celui qui lui donna le coup de lime ne s’arrêta que quand il eut atteint les côtes de l’autre côté. 3° Méditez et pensez en quelle manière il fût descendu de la croix. Ces deux qui l’ôtaient et le descendaient de la croix, appliquaient trois échelles : l’une aux pieds, la deuxième au bras, la troisième au corps. Le premier monta et le tenait au milieu. Le deuxième, montant par l’autre échelle, arracha un des clous de la main ; après, ayant appliqué son échelle de l’autre part, il arracha l’autre clou de sa main, ces clous qui passaient outre la croix. Celui donc qui soutenait le corps descendait peu à peu, comme il pouvait, pendant que l’autre montait à l’échelle des pieds, et arracha les clous des pieds ; et s’approchant de la terre, un d’eux soutint le corps par la tête.

Or, moi, qui étais sa Mère, je le tenais par le milieu ; et ainsi nous trois, Notre-Dame, Joseph et Nicodème, le portâmes à une pierre que j’avais couverte d’un linge blanc et net, dans lequel nous enveloppâmes le corps ; mais je ne cousis point le linceul : je savais certainement qu’il ne pourrirait point dans la sépulture.

Après, la Marie-Magdelène et les autres saintes femmes vinrent à nous voir ; même les anges y furent un nombre innombrable, faisant service à leur Créateur. Or, quelle fut alors ma tristesse ? il n’y en a pas un qui le puisse dire, car j’étais comme une femme qui enfante, de laquelle tous les membres tremblent après l’enfantement ; laquelle, bien qu’à peine elle puisse respirer à raison de la douleur, néanmoins se réjouit intérieurement autant qu’elle peut, sachant que l’enfant qui lui est né ne se trouvera jamais en semblable misère ; de même, bien que je fusse extrêmement triste à raison de la mort de mon Fils, néanmoins, je me réjouissais, d’autant que je savais que mon Fils ne mourrait jamais plus, mais qu’il vivrait éternellement ; et de la sorte, ma tristesse était mélangée de joie. Vraiment je puis dire que mon Fils étant enseveli, deux cœurs furent dans un sépulcre. Eh quoi ! ne dit-on pas que là où est votre trésor là est votre cœur ? De même mon cœur et ma pensée étaient toujours dans le sépulcre de mon Fils, mon trésor et mon cœur.

Après, la Sainte Vierge Marie ajouta : Je vous parlerai de ceci par manière d’exemple : comment et en quelle posture il avait été mis, et en quelle manière il est maintenant posé. Représentez-vous une vierge épousée à quelqu’un, et que devant elle fussent deux jouvenceaux, l’un, desquels, appelé par la vierge, lui dît : Je vous conseille de ne vous arrêter point à celui que vous avez épousé, car il est rude en ses œuvres, tardif en récompenses, avare en présents. Croyez donc à mes paroles, et je vous en montrerai un autre qui n’est pas rude, mais doux, et en tout, qui vous donnera soudain ce que vous désirerez, qui vous le donnera abondamment, et satisfera amoureusement à tous vos désirs.

La vierge, ayant ouï cela, pensa soudain en elle-même et dit : Vos paroles sont douces à ouïr ; vous êtes grandement attrayant, et beau pour allécher et ravir mon cœur. Il me semble que je dois suivre votre conseil.

Et pendant qu’elle ôtait l’anneau de son doigt pour le donner à ce jouvenceau, elle vit au-dessus un écrit contenant ces trois paroles ; la première était : Quand vous serez arrivée à la cime de l’arbre, donnez-vous garde de prendre une branche sèche pour vous y soutenir de peur de tomber. La deuxième : Donnez-vous garde de prendre conseil de vos ennemis. La troisième : Ne mettez point votre cœur entre les dents des lions.

Or, la vierge, considérant ceci, retira la main et retint l’anneau, pensant que peut-être ces trois choses lui marquaient que celui qui la désirait prendre en épouse n’était pas fidèle. Il me semble que c’est un flatteur qui est plein de haines et qui me tuera.

Et pensant à cela, derechef elle leva les yeux et vit une autre écriture qui contenait aussi trois paroles ; la première était : Donnez à celui qui vous a donné. La deuxième : Donnez sang pour sang. La troisième : N’aliénez pas au possesseur ce qui lui appartient.

Ayant vu et considéré ces choses, elle pensa derechef en elle-même que les trois premiers mots lui enseignent comment elle doit fuir la mort, les trois suivants, comment elle peut obtenir la vie. Il est donc juste de suivre plutôt les paroles de vie. Lors, cette vierge, se servant du sage conseil, appela à elle son serviteur, qu’elle avait auparavant épousé, et s’approchant d’elle, le cajoleur et trompeur se retira d’eux.

Telle est l’âme de celle qui a épousé Dieu. Ces deux jouvenceaux, qui étaient devant elle, sont l’amour de Dieu et l’amour du monde, car les amis du monde s’approchaient plus près d’elle jusques à maintenant, et lui parlaient des richesses, vanités et honneurs du monde, à quoi elle eût consenti et leur eût donné l’anneau de ses affections. Mais par la grâce de mon Fils survenant en ce fait, l’âme a vu l’écriture, c’est-à-dire, elle a ouï les paroles de miséricorde dans lesquelles elle a vu trois choses : 1° qu’elle se donnât de garde que, voulant monter plus haut, et s’appuyant aux choses périssables, une chute plus grande ne l’attendit. 2° Elle entendit qu’il n’y avait rien au monde que sollicitude et douleur. 3° Elle comprit que la rétribution du diable était mauvaise.

Après, elle vit une autre écriture pleine de consolation, qui lui disait qu’en premier lieu, elle donnât tout à Dieu, de qui elle avait tout reçu. En second lieu, qu’elle rendît service à celui qui avait répandu son sang pour elle. En troisième lieu, qu’elle n’aliénât point son âme de son Dieu, qui l’avait créée du néant et rachetée par son sang.

Ces choses étant ouïes et considérées attentivement, les serviteurs de Dieu s’approchèrent de lui et lui agréèrent, et les serviteurs du monde s’enfuirent. Mais maintenant, son âme est comme une vierge qui est nouvellement sortie des bras de son époux, qui est obligée d’avoir trois choses : 1° de belles robes, de peur qu’elle ne soit méprisée des serviteurs du roi, s’ils voyaient quelque déformité en ses vêtements. 2° Elle doit être morigénée selon les volontés de son époux, de peur que, s’il se trouvait quelque chose de moins honnête aux mœurs de l’épouse, l’époux en fût déshonoré. 3° Elle doit être très-pure, afin que l’époux ne trouve en elle aucune souillure qui la puisse faire répudier ou mépriser. Après, qu’elle ait des docteurs auprès du lit de son époux, de peur qu’elle ne s’écarte ou qu’elle n’erre. Mais celui qui conduit doit avoir deux qualités : 1° qu’il soit vu de celui qu’il conduit ; 2° qu’on entende ce qu’il enseigne, et la fin qu’il prétend en sa doctrine. Or, celui qui suit le conducteur doit avoir trois choses : 1° qu’il ne soit paresseux et lâche à suivre ; 2° qu’il ne se cache du conducteur ; 3° qu’il considère attentivement les pas de son conducteur, et qu’il le suive soigneusement. Donc, afin que cette âme parvienne au lit de son époux, il est nécessaire qu’elle soit conduite par un directeur qui la conduise heureusement à Dieu, son époux.

Chapitre 22

La glorieuse Vierge Marie enseigne à sa fille sainte Brigitte tout ce qui touche la sapience spirituelle et temporelle, quelle d’icelles on doit suivre, et en quelle manière la sapience spirituelle, après quelques labeurs, conduit l’homme aux consolations éternelles, et la temporelle à la damnation perpétuelle.

IL est écrit, disait la vierge Marie, que celui qui veut être sage doit apprendre la sagesse de l’homme sage : d’où vient que, comme par exemple, je vous dis qu’il y avait quelqu’un qui, voulant apprendre la sagesse, vit deux maîtres devant soi, auxquels il dit : J’apprendrais franchement la sagesse, si je savais où elle me conduirait, quelle utilité j’en retirerais, et à quelle fin elle me conduirait.

Un des maîtres lui répondit : Si vous voulez suivre ma sapience, elle vous conduira en une haute montagne ; mais par la voie, on trouve des pierres si dures sous les pieds, qu’elle en est difficile et l’ascendant inaccessible. Si vous travaillez à acquérir cette sapience, vous serez tout plein de ténèbres extérieurement, mais intérieurement vous serez tout illuminé. Si vous la gardez, assurément vous aurez ce que vous demandez. Elle tourne comme un cercle ; elle vous attirera ; voire elle vous allèchera de plus en plus par ses douces forces, jusqu’à ce que vous tressailliez de joie.

Le second maître dit : Si vous suivez ma sapience, elle vous conduira en une vallée florissante, agréable en toute sorte de fruits ; la voie est douce et ne meurtrit point les pieds ; il y a seulement un peu de labeur au descendant. Si vous persistez en cette sagesse, vous aurez tout ce qui est éclatant extérieurement. Mais quand vous en voudrez jouir, elle s’enfuira ; vous aurez aussi ce qui dure si peu et finit soudain, et quand vous aurez lu le livre qui traite de cette, sapience, le livre et la lecture se perdront, et vous demeurerez vide et privé de tous les deux.

Ce qu’ayant ouï, il pensait attentivement à part soi ces deux merveilles. Si je monte, mes pieds se débiliteront et mon dos s’affaissera ; et, si j’obtiens, ce qui est obscur par dehors, que me profitera-t-il ? Que si je me peine à acquérir ce qui n’a point de fin, quelle consolation en aurai-je ? L autre maître me promit aussi tout ce qui était éclatant par dehors, mais qui ne demeurerait point en moi, mais que la sapience avec la lecture se perdrait. Mais quelle utilité aurai-je en ceci, s’il n’y a point de stabilité ?
Or, tandis qu’il roulait de la sorte tout ceci en son esprit, soudain à l’improviste un homme entre deux maîtres vint, qui parla en ces termes : Bien que la montagne soit haute, difficile et inaccessible, ce semble, à monter, néanmoins, au coupeau de la montagne, il y a une nuée lumineuse, d’où vous aurez un grand réfrigère et soulagement. Que si ce qu’on vous promet est noir et obscur à l’extérieur, il se peut rompre, casser et dissiper, et aussi avoir l’or qui est caché au-dedans, et le posséder éternellement avec joie. Ces deux maîtres ont deux diverses sagesses : L’une est spirituelle et l’autre charnelle. La spirituelle consiste à laisser à Dieu sa propre volonté, à soupirer et aspirer de tous ses désirs et par de bonnes œuvres au ciel, car en vérité, on ne peut pas appeler sagesse les paroles qui ne conviennent ni ne répondent aux œuvres ; cette sagesse conduit à la vie vivante et bienheureuse ; mais cette sagesse est inaccessible et il est difficile d’y parvenir. Certes, il est dur, et difficile de résister à ses affections ; il est inaccessible de fouler aux pieds les plaisirs et de n’aimer point les honneurs du monde.

Or, bien que cela soit ainsi difficile, néanmoins, à qui considère mûrement que le temps est bref, que le monde finira, et à qui affermira constamment son cœur en Dieu, la nuée apparaîtra au sommet de la montagne, c’est-à-dire, il jouira des consolations du Saint-Esprit. Enfin celui-là sera digne de consolation qui, ne cherche autre consolateur que Dieu ; car comment les élus de Dieu entreprendraient-ils des choses si dures et si difficiles, si l’Esprit de Dieu n’eût coopéré à la volonté de l’homme comme à un bon instrument ? Or, leur bonne volonté leur a attiré cet Esprit. La charité et l’amour divin qu’ils avaient envers Dieu les avaient alléchés à cet Esprit, attendu qu’ils travaillent d’une bonne volonté et affection, jusqu’à ce qu’ils fussent forts par les œuvres. Or, ayant joui des consolations de l’Esprit et acquis soudain l’or de la divine délectation et amour, non-seulement ils souffraient force contrariétés, mais en les souffrant, et considérant les excellentes récompenses qui les attendaient, ils y prenaient un grand plaisir. Cette délectation semble fort amère aux amateurs du monde et ténébreuse aux aveugles ; mais à ceux qui aiment Dieu, elle est plus lumineuse que le soleil, plus éclatante que l’or, d’autant qu’ils dissipent les ténèbres des vices, et montent à ‘la montagne de pénitence, contemplant les nuées de consolation, lesquelles ne finissent jamais, mais commencent ici et s’augmentent toujours jusqu’à ce qu’elles soient animées à leur entière perfection. Or, la sagesse du monde conduit à la vallée de misère, qui rit et semble florissante en l’abondance des choses pleines d’aménités en honneurs, agréables en voluptés. Cette sagesse finit soudain et n’apporte aucune, autre utilité, si ce n’est une vue et une ouïe vaines.

Partant, ma fille, cherchez la sagesse de l’homme sage, c’est-à-dire, de mon Fils, car il est la sagesse, et la source inépuisable d’où dépend toute sagesse ; il est ce cercle qui ne finit jamais. Je crie à vous comme une mère à son fils, disant : Aimez la sagesse, qui est au-dedans comme un or méprisé au dehors ; intérieurement, fervente d’amour ; extérieurement, laborieuse en travaux, fructueuse en œuvres, bien que pesante. L’Esprit de Dieu en est le consolateur. Approchez-vous, et efforcez-vous comme un homme qui veut entrer avec la presse ; ne reculez pas, accoutumez-vous d’aller de plus en plus jusqu’à ce que vous soyez arrivé au sommet de la montagne, car il n’y a rien de si difficile qui ne soit rendu facile par la constante, raisonnable et non interrompue continuation ; il n’y a rien de si honnête au commencement de l’entreprise, qui, par l’imparfaite conformation ne soit couvert de ténèbres.
 

Approchez-vous donc de la sapience spirituelle : celle-ci vous conduira aux peines corporelles, au mépris du monde ; aux petites tribulations et aux consolations perpétuelles. Or, la sapience du monde est fallacieuse et pleine de pièges : elle conduit à entasser des ruches temporelles aux honneurs présents, mais enfin, elle conduit à de très-grands malheurs, si on ne s’en donne soigneusement garde.

Chapitre 23

La Sainte Vierge Marie déclare son humilité à sa fille sainte Brigitte. Comme l’humilité est désignée par le manteau. Des conditions de la vraie humilité et de ses fruits admirables.

PLUSIEURS s’étonnent et admirent pourquoi je parle avec vous : en vérité je le fais afin de manifester mon humilité ; car comme le cœur ne se réjouit point d’un membre pourri qu’il ne soit remis en sa première santé, de même je ne me réjouis point d’un homme pécheur quel qu’il soit, s’il ne retourne à moi de tout son cœur et avec un vrai amendement, et soudain alors je serai prête à le recevoir favorablement. Je ne m’arrête pas à considérer combien il a péché, mais avec quel amour, volonté et intention il retourne. Je suis appelée de tous Mère de miséricorde. Vraiment, ô ma fille ! la miséricorde de mon Fils m’a rendue miséricordieuse ; et moi, ayant vu ses miséricordes, j’ai été compatissante. Partant, celui -là sera misérable qui ne s’approche de la miséricorde, le pouvant faire.

Partant donc, ô ma fille ! venez, et cachez-vous sous mon manteau : il est contemptible au dehors, mais au-dedans, il est grandement utile, à raison de trois choses : 1° d’autant qu’il met à l’abri des vents et des tempêtes orageuses ; 2° il défend de l’inclémence du temps et de la rigueur du froid ; 3° il nous met à couvert des nuées et des pluies. Ce manteau n’est autre que mon humilité : elle semble fort contemptible aux amateurs du monde, et superstitieuse à imiter ; car qu’y a-t-il de si contemptible qu’être appelé insensé, que ne se mettre en colère quand on est offensé, et ne rendre parole pour parole ? Qu’y a-t-il de si méprisable que de laisser tout et avoir besoin de tout ? Qu’y a-t-il de si douloureux et de si cuisant parmi les mondains que de dissimuler les injures reçues, se croire, se sentir et se tenir le plus humble et le plus indigne de tous ? Telle, ô ma fille ! était mon humilité, telle ma joie, telle était ma volonté de plaire à mon Fils seulement.

Véritablement, cette humilité profite à trois choses à tous ceux qui m’imitent : 1° Elle profite pour défendre des tempêtes et des orages, des opprobres des hommes et de leurs mépris ; car comme le vent fort et impétueux pousse l’homme à la part qu’il veut et le rend froid, de même les opprobres abattent facilement l’homme impatient et qui ne considère les événements du monde, et relâchent en lui la ferveur de l’amour. Mais quiconque aspire à mon humilité, qu’il considère comment moi, qui suis Dame de tout le monde, j’écoute tout, et qu’ainsi, il cherche ma louange et non la sienne. Qu’il considère que les paroles ne sont que vent, et que soudain, après les avoir écoutées humblement, il en aura la consolation. Car pourquoi pensez-vous que les mondains sont si impatients à souffrir les paroles et les opprobres, si ce n’est parce qu’ils recherchent plus leur louange propre que celle de Dieu, et qu’il n’y a en eux aucune humilité ? Car ils ont la bouche et l’œil à leurs péchés. Donc, bien que la justice écrite dise qu’il ne faut ouïr ni souffrir sans sujet les paroles […]

livre 2 chapitre 24  Manquant
319-321
chap.25:   Manquant
321-326

327-338

= li 2 chap 26 p 327 338 ? à vérif:

édition par Valérie Pajerski et JesusMarie.com

Liv II p.327-338
Chapitre 26

-neur, dit qu’il est encore indigne d’obtenir le ciel : comment donc en sont dignes ceux-là qui vivent selon les appétits de leur volonté ?

Partant, considérez incessamment la passion de mon Fils et de ses saints, car ils n’ont pas tant pâti sans sujet, mais bien pour donner exemple de bien vivre aux autres, et afin de montrer avec quelle sévérité mon Fils exigera le compte des péchés, car il ne veut qu’aucun péché, pas même le plus petit, soit sans amendement.

Après, le Fils, étant arrivé, parla à l'épouse, disant : Je vous ai dit tout ce qu'il fallait en nos maisons. Entre autres choses,

vous devez avoir trois sortes d'habits : le premier, c'est un vêtement

de lin, qui croît de la terre; le deuxième de peaux, qui viennent des

animaux ; Le troisième de soie, qui se fait des vers. Le vêtement de lin porte deux biens : 1 - il est mou et doux à la peau ; 2 - il ne perd jamais sa couleur, mais plus il est lavé, plus il est blanc. Le deuxième vêtement de peaux a aussi deux autres biens : il couvre les hontes et tient chaud contre le froid. Le troisième vêtement de soie a aussi deux utilités : 1 - il est grandement beau et délicat; 2 - il est grandement cher. L'habillement de lin, qui est propre pour couvrir un corps nu, marque la paix et la concorde. L'âme pieuse et dévote doit avoir cette paix avec son Dieu, ne voulant que ce qu'il veut et en manière qu'il le veut ; ne le fâchant point par ses péchés, d'autant qu'entre Dieu et l'âme, il n'y a point de paix, si elle ne laisse le péché et retient sa concupiscence. Elle doit aussi avoir la paix avec son prochain, ne lui nuisant point, le secourant et le souffrant s'il a péché contre lui ; car qu'y a-t-il de si malheureux que le péché ? L'âme qui désire de pécher n'est jamais remplie ni contente du péché ;

elle le désire incessamment et elle n'a jamais de repos.

Qu’y a-t-il de plus amer et qui pique plus cruellement l'âme qui se courrouce contre son prochain, et lui envie ses avancements et ses perfections ? De ce fait l'âme doit avoir la paix avec Dieu et son prochain, car il n'y a pas de plus grand repos au monde que cesser de pécher, et n'être sollicité ni embrouillé dans le monde. Il n'y a aussi rien de si doux que le séjour du bien, l'avancement de son prochain, et que de lui désirer ce qu'on désire pour soi-même.

Ce vêtement aussi de lin, qui doit adhérer à la peau, signifie que, dans le cœur où Dieu veut reposer, la paix, entre autres vertus, y doit être plus proche et la plus signalée, car cette vertu introduit Dieu dans le coeur et l'y conserve et retient. Cette paix et la patience sortent de la considération de son infirmité, comme le lin vient de la terre, car l'homme, qui est de la terre doit considérer son infirmité, en tant que soudain il est offensé, il se courrouce, il se plaint dès l'instant, et dit qu'il est lésé. S'il pensait comme il faut à soi, il n'aurait garde de faire à autrui ce qu'il ne peut supporter lui-même, car son prochain est aussi infirme que lui ; comme il ne veut pâtir telles peines, ni lui aussi. Lors la paix ne perd point sa couleur, c'est-à-dire, sa stabilité, mais elle devient plus constante, car la considération de l'infirmité de son prochain avec la sienne, fait que l'homme souffre patiemment les injures. Or, si, par impatience, la paix est souillée et noircie quelque peu, elle est d'autant plus blanche devant Dieu qu'elle est soudain lavée par la pénitence. Elle est aussi d'autant plus gaie et plus forte à souffrir, qu'elle est plus éprouvée et souvent lavée, parce qu'elle se réjouit de l'espérance des récompenses que l'âme attend, à raison de la paix, et d'autant plus elle est sur ses gardes qu'elle ne tombe par impatience.

Le deuxième vêtement, savoir, celui de peaux, marque les oeuvres de miséricorde ; et de fait, ces vêtements sont de peaux des animaux morts. Qui sont ces animaux morts, sinon mes saints, qui sont fort simples ? L'âme doit être couverte de leurs peaux, c'est-à-dire, elle doit imiter et faire les oeuvres de miséricorde qu'ils font. Ces vêtements servent à deux choses, 1 - à couvrir la nudité de l'âme pécheresse, et à la purifier des souillures, afin qu'elle apparaisse pure devant moi ; 2 - ils défendent du froid : quel est le froid de l'âme, sinon l'opiniâtreté au péché et l'endurcissement aux sentiments de mon amour ? Les oeuvres de miséricorde chassent puissamment ce froid, attendu qu'elles revêtent l'âme, afin qu'elle ne périsse de froid. Par elle Dieu visite l'âme, et elle s'approche d'autant plus de Dieu.

Le troisième vêtement de soie, qui est fait de vers, qui coûte beaucoup à l'acheteur, marque l'abstinence, car elle est belle devant Dieu, devant les anges et les hommes. Elle coûte aussi beaucoup à celui qui l'achète, car hélas ! il est dur et difficile à l'homme de retenir et réfréner sa langue de trop vainement parler. Il lui est amer de

mortifier les concupiscences de la chair, de se priver des superfluités

et de quitter ses plaisirs ; il lui est aussi difficile de rompre et

contrevenir à ses volontés. Mais bien qu'il soit dur, amer et difficile, il est néanmoins en toute manière utile et excellent de le faire.

Partant, mon épouse, par laquelle j'entends tous les fidèles, amassons

et entassons en notre deuxième maison la paix avec Dieu et avec le

prochain, compatissant et aidant aux misérables par les oeuvres de

miséricorde. L’abstinence des concupiscences, comme elle est plus chère que les autres, est aussi plus belle que toutes, attendu que, sans elle, les autres ne semblent point avoir leur éclat et leur beauté. Cette abstinence doit être prise des vers, c’est-à-dire, de la considération des excès contre Dieu, de la considération de mon humilité et abstinence, moi qui ai été semblable au vermisseau pour l’amour de l’homme, qu’il voie en son âme comment et combien de fois il a péché contre moi, et en quelle manière il s’est amendé, et il connaîtra clairement qu’il n’y a abstinence ni labeurs qui puissent satisfaire à ses offenses. Qu’il considère mûrement mes peines, mes labeurs et ceux de mes saints, pourquoi ils ont tant souffert, et il entendra vraiment que, si j’ai exigé tant de rigueur de moi et de mes saints, qui m’obéissaient parfaitement, sera grande la vengeance que je prendrai de ceux qui ne m’obéissent point.

Donc, que l’âme qui est bonne embrasse courageusement et franchement l’abstinence ; qu’elle se souvienne combien ses péchés sont malicieux, et qu’ils rongent son âme de vers ; et de la sorte, de vermisseaux vils et abjects, elle en fera une soie précieuse, de laquelle tous ses membres seront revêtus par cette abstinence et considération, de laquelle Dieu et toute la milice céleste se réjouissent, et pour l’amour de laquelle elle jouira de la gloire et de la joie éternelles, et sans l’aide de laquelle elle aurait eu les pleurs éternels.

Chapitre 27

Jésus-Christ parle à son épouse des instruments qu’il faut mettre en la troisième maison. Comment, par ces instruments, sont désignées les bonnes pensées d’un sens bien réglé. Et une bonne confession ; de leur entière déclaration, et de la clôture générale de ces maisons.
 
 

Le Fils de Dieu, engendré avant le temps, parlait à son épouse, disant : Je vous ai avertie qu’en la troisième maison devraient être les instruments, en triple différence qu’aux premiers, il fallait mettre les liqueurs ; en la deuxième, les instruments avec lesquels on préparait la terre, comme le râteau la cognée, etc. Qui se peuvent réparer, quand ils sont rompus, en la troisième partie du logis, les chevaux, les ânes, etc. Dont on se sert pour porter les choses animées et inanimées. En la première maison, en laquelle sont les liqueurs, il faut qu’il y ait deux sortes d’instruments : les premiers dans lesquels on verse les liqueurs fort liquides et douces, comme l’eau, le vin, l’huile, etc. Dans les autres, on met les liqueurs amères, épaisses, comme la moutarde, etc.

Ne sauriez-vous pas entendre ce que tout cela signifie ? Les liqueurs signifient en vérité les pensées bonnes et mauvaises de l’âme, car la bonne pensée est comme l’huile douce et comme le vin plaisant et délectable. La mauvaise pensée est amère comme la moutarde, car elle rend l’âme amère et la trouble. Et comme l’homme a quelquefois besoin des liqueurs épaisses, lesquelles, bien qu’elles ne profitent pour soutenir le corps, servent néanmoins à purger le cerveau et le corps et pour la santé, de même aussi les mauvaises pensées, bien

qu’elles n’engraissent et ne rassasient l’âme comme l’huile des bonnes pensées, néanmoins, profitent pour purifier l’âme, comme la moutarde purge le cerveau ; car si les mauvaises pensées ne nous arrivaient souvent, l’homme serait alors, non homme, mais un ange, et penserait que toutes choses viendraient de lui, voire que la force que je lui ai donnée serait de lui-même. Il est donc nécessaire que mon infinie miséricorde permette quelquefois qu’il soit assailli des mauvaises pensées, qui, si l’homme n’y consent, lui servent pour purifier son âme et pour conserver ses vertus. Et bien qu’elles soient amères comme la moutarde, néanmoins, elles guérissent grandement l’âme et la conduisent à la vie éternelle, santé qu’on ne peut acquérir sans amertume.

Qu’on prépare donc les vases de l’âme, où l’on met les bonnes pensées. Qu’on les tienne diligemment. Il est même utile que les mauvaises pensées nous assaillent pour nous éprouver et pour nous faire mériter davantage ; que l’âme néanmoins se prenne garde diligemment de n’y consentir ou de s’y délecter autrement. La douleur et l’avancement de l’âme s’épandront et se perdront, et la seule amertume de l’âme demeurera.

En la deuxième maison, il faut avoir aussi des instruments de deux sortes : les premiers sont extérieurs, par lesquels on prépare et cultive la terre pour la semer, et on arrache les épines, comme sont le soc, etc. ; les autres, qui servent au dedans et au dehors, comme la coignée, etc. ; les instruments avec lesquels on cultive la terre, signifient les sens de l’homme qui ont été ordonnés à l’utilité du prochain, comme le soc pour cultiver la terre, car les hommes mauvais sont comme la terre maudite, attendu qu’il ne pensent qu’aux choses terrestres, car il sont arides en componction et contrition de leurs péchés, d’autant qu’ils ne pensent à la gravité d’iceux, mais croient que c’est peu de chose. Ils sont froids en l’amour divin, car ils ne cherchent qu’à accomplir leurs volontés et leurs sales appétits. Ils sont pesants et fainéants pour faire le bien, et agiles pour les ambitions et les honneurs du monde.

Partant, l’homme de bien doit se perfectionner, et perfectionner les autres, commençant par les sens extérieurs, comme le laboureur cultive la terre par le soc. Il les doit cultiver par sa bouche, leur disant des paroles utiles à l’âme, les formant et instruisant à la vraie vie ; après, il doit tâcher de faire ce qu’il dit autant que faire se pourra, afin que le prochain soit instruit par parole et excité à bien faire par l’exemple. D’abondant, qu’il compasse et compose à la modestie le reste des sens, tant les siens que ceux de son prochain, afin que les yeux simples et modestes ne se portent à voir des choses impudiques, et que le prochain garde en tous ses membres une sainte modestie. Qu’il mortifie ses oreilles, afin qu’il n’écoute des choses ineptes, et qu’il excite les pieds de ses affections pour se porter joyeusement aux œuvres de charité. Cette terre de nos sens étant de la sorte cultivée, je lui donnerai la terre de ma grâce par le labeur de celui qui la cultive ; et celui qui travaille se réjouira des fruits de la terre, qui auparavant était aride et stérile, quand il la verra plantureusement germer.

Mais quant aux instruments qui sont nécessaires pour préparer ce qui est intérieur a la maison, comme sont la coignée, etc. ils signifient la droite discrétion, pure intention, et divine discussion, que nous devons  avoir aux oeuvres de Dieu, car l’homme ne doit rien faire pour acquérir les honneurs et pour la louange des hommes, mais pousse d’amour, il doit agir pour posséder une éternelle récompense.

Partant, que l’homme examine diligemment et exactement ses œuvres, avec quelle intention, pour quelle fin et pour quelle récompense il les a faites. Que s’il trouve en ses œuvres quelque vanité, qu’il l’ôte soudain avec la coignée de discrétion, afin que, comme au dehors il cultive son prochain, qui est comme étranger de la maison, c’est-à-dire, hors la compagnie de mes amis, à raison de ses péchés, que de même au-dedans, il fructifie à soi-même par la charité divine ; car comme l’œuvre d’un rustique qui n’avait point des instruments propres pour réparer et rétablir ce qui était ruine, se perdit bientôt, de même, si l’homme n’examine ses œuvres et ne considère comme il les faut soulager, si elles sont lourdes et laborieuses ; en quelle manière il faut rétablir, si elles sont en ruine, ne parviendra jamais a la perfection. Partant, il faut, non-seulement labourer efficacement a l’extérieur, mais il faut encore soigneusement considérer comment et avec quelle intention on agit et on travaille.

En la troisième maison, on doit avoir des instruments animés pour porter ce qui est mort et vivant, comme sont les chevaux, etc. Les instruments signifient la vraie confession, car c'est elle qui fait aller les vivants et les morts.

Que signifie vivant, sinon l'âme que ma Divinité a créée et qui vit

éternellement ? car par la confession, elle s'approche de plus en plus

de Dieu ; car comme l'animal qui est plus souvent et mieux nourri, est

plus fort pour porter et plus beau à regarder, il en est de même de la

confession : plus elle est fréquente et plus elle est exacte, tant des

grandes que des petites fautes ; elle plaît d'autant plus à Dieu qu'elle introduit l'âme dans le coeur de Dieu. Or, qu'est-ce que signifie morte que la confession fait vivre, si ce n'est les bonnes oeuvres mortes par le péché mortel? Car les bonnes oeuvres, mourant pour le mérite de la gloire, par le péché mortel, sont mortes devant Dieu; car aucun bien ne peut plaire à Dieu que premièrement, le péché ne soit corrigé et amendé, ou par une parfaite volonté, ou par effet; car des deux liqueurs, l’une suave, l’autre puante, ne conviennent point en un vase. Or, si quelqu’un a mortifié ses bonnes oeuvres par les péchés mortels; s’il a une vraie contrition des fautes commises avec un ferme propos de s’en amender et de s’en garder à l’avenir, soudain elles revivent par la confession et par la vertu de l’humilité, qui avaient été auparavant mortifiées, et lui et elles profitent pour la vie éternelle. Si l’homme meurt snas contrition ou sans une vraie confession, ses bonnes oeuvres, qui ne peuvent mourir en elles ou se perdre, néanmoins, à cause du péché mortel, ne méritent la gloire céleste, elles servent pour lui soulager la peine ou pour le salut des autres si toutefois il a fait ces mêmes œuvres en pureté d’intention pour l’honneur se Dieu, que s’il a fait ces bonnes œuvres pour acquérir la gloire du monde et pour son propre intérêt ; lors, l’auteur de ces œuvres mourant, elles meurent, car il a reçu sa récompense du monde, pour l’amour duquel il a travaillé.

Partant, ô mon épouse, par le nom de laquelle j'entends tous mes amis

bons et fidèles, amassons et entassons en nos maisons les choses dont

Notre-Seigneur Dieu se veut spirituellement délecter en l'âme sainte.

En la première maison, amassons, 1 - le pain d'une sincère volonté, ne

voulant que ce que Dieu veut ; 2 - le breuvage de la divine

préméditation, ne faisant rien sans y penser et voir l'honneur

de Dieu ; 3 - la viande de la divine sagesse, considérant toujours ce qui nous doit arriver, et comment il faut ranger et ordonner les choses

présentes.

Nous devons amasser en la seconde maison, 1 - la paix avec Dieu,

délaissant le péché, et la paix avec le prochain, fuyant toutes noises

et dissensions ; 2 - les oeuvres de miséricorde, par lesquelles nous

sommes utiles au prochain ; 3- l'abstinence parfaite, par laquelle nous

retenions, et contenions tout de qui veut troubler notre paix.

En la troisième maison, nous devons amasser : 1 - de bonnes et

raisonnables pensées, pour enrichir et ennoblir notre maison

intérieurement ; 2 - les sens bien composés et mortifiés, pour édifier

extérieurement nos amis ; 3 - une vraie et bonne confession, par

laquelle, si nous sommes morts, nous puissions revivre.

Mais bien qu'ils aient des maisons, néanmoins il ne savent garder en

elles ce qu'ils ont amassé, si ce n'est qu'ils aient des portes, qui ne

peuvent être suspendues sans gonds ni être fermées sans serrures.

Partant donc, afin que ce qu'on a amassé soit assuré, il faut avoir en la maison une porte, qui est l'espérance ferme et assurée, qui ne soit

débilitée par les adversités, espérance qui doit rouler sur ces deux

points, savoir : qu'elle ne désespère de pouvoir acquérir la gloire ni d'éviter les supplices de l'enfer, mais qu'en toute adversité, se confiant toujours en la miséricorde divine, il espère des choses meilleures. La serrure de cette porte est la charité divine, par laquelle la porte doit être gardée, afin que l'ennemi n'entre en la maison, car que profite-t-il d'avoir une porte sans serrure ? quoi ? d'avoir l'espérance sans charité, car si quelqu'un espère les choses présentes et éternelles, et désespère de la miséricorde divine, il ne craint ni n'aime Dieu ; il a une porte, mais sans serrure, et par laquelle l'ennemi entre quand il veut, massacre et tue. Or, l'espérance juste et droite est que celui qui espère, fasse aussi le bien qu'il pourra, sans lequel il ne peut jouir des choses célestes, s'il a su et pu faire le bien et ne l'a pas fait. Si quelqu'un a excédé ou qu'il ait manqué à faire le bien qu'il pouvait, qu'il ait une bonne volonté de faire le bien qu'il pourra, et quand il ne pourra le faire, qu'il espère fermement qu'il pourra s'approcher de Dieu par la bonne volonté et charité divine.

Que la porte donc, c'est-à-dire, la charité divine, soit munie de

charité, afin que, comme la serrure a au-dedans plusieurs ressorts afin

que l'ennemi ne l'ouvre, de même en la charité on ait un grand soin que

Dieu ne soit offensé et qu'on ait une crainte filiale et amoureuse de ne s'éloigner de Dieu. Qu'on ait aussi une ferveur enflammée comment on

aimera Dieu, et un grand soin comment on l'imitera. Qu'on ait une

douleur qu'on ne puisse faire autant de bien qu'on voudrait et qu'on

sait y être obligé. Qu'on ait aussi l'humilité, par laquelle l'homme

répute pour néant ce qu'il fait considérant ses péchés. Que la serrure

soit munie des ressorts, de peur que le diable n'ouvre facilement la

serrure de la charité, où Dieu verse son amour. Or, la clé, par laquelle on ferme et on ouvre la serrure, doit être le désir en un seul Dieu, qui doit être avec la charité et l'oeuvre divine, de sorte que l'homme ne veuille rien que Dieu, bien qu'il fût en sa puissance d'en avoir, et cela, à raison d'un très grand amour de Dieu, car le désir enferme Dieu dans nos coeurs, et nos coeurs en Dieu, d'autant qu'il n'y a qu'une seule volonté en tous deux.

Or, l'épouse et l'époux doivent seulement apporter cette clé, savoir,

Dieu et l'âme, afin que toutes les fois et quantes que Dieu voudra

entrer dans nos coeurs et se réjouir dans les biens et les vertus de

l'âme, il en ait un libre accès par la clé de ses fermes et constants

désirs ; tout autant de fois aussi que l'âme voudra entrer dans le cœur

de Dieu, elle le puisse faire franchement, car elle ne désire que Dieu.

Cette clé se garde aussi par la vigilance de l’ame, et par le soin de l’humilite, qui rapporte a Dieu tout le bien qu’elle a. Cette cle garde aussi par la puissance de Dieu et par la charité divine, afin que l'âme ne soit supplantée par le diable.

Voyez, ô mon épouse ! quel est l'amour que Dieu porte à l'âme. Demeurez donc ferme et faites ma volonté.

Livre II, 27
Révélations Célestes de Saintes Brigitte. Liv. II.—XXVIIII
Pages : 339.340.341.342.343.344.345.346.347.348

XXVIII.
Edition par Valérie Pajerski et JesusMarie.com

Jésus-Christ parle à son épouse de son immutabilité ; de la
perfection de ses paroles, bien que l’effet ne s’ensuive dès
l’instant. Comment il faut commettre notre volonté en tout et
partout à la volonté divine.

Le Fils de Dieu éternel parlait à son épouse, disant : Pourquoi vous
troublez-vous de ce que ce faussaire a dit que mes paroles étaient
fausses ? Eh quoi ! Suis-je pire par ses blâmes ou meilleur par ses
louanges ? Certainement, je suis immuable ; je ne puis être diminué,
ni être augmenté, ni n’ai besoin de louanges. Mais l’homme, en me
louant, profite de ma louange à soi-même, et non à moi ; et il n’est
jamais sorti et il ne peut sortir de ma bouche aucune fausseté, car
je suis la vérité même ; car tout ce que j’ai dit par mes prophètes,
ou bien par quelques-uns de mes amis, soit spirituellement ou
corporellement, s’accomplira comme je l’ai entendu ; et ce que j’ai
dit n’est pas faux, d’autant que j’ai dit une chose une fois, une
autre une autrefois, l’une clairement, l’autre obscurément ; car en
preuve de la constance de ma foi et de la sollicitude de mes amis,
j’ai manifesté plusieurs choses, qui, selon les divers effets de mon
esprit, peuvent être entendues diversement, bien et mal par les bons
et par les mauvais, comme l’on converse en une diversité d’états.
Car comme en ma Déité j’ai pris mon humanité en une personne, de
même quelquefois je parlais de la part de mon humanité en tant
qu’elle était sujette à la Divinité, quelquefois de la part de la
Déité, en tant qu’elle avait créé l’humanité comme il paraît par
l’Evangile. Et ainsi, bien que mes paroles semblent diverses à ceux
qui les calomnient et qui les ignorent, néanmoins, elles sont vraies
et sont selon la vérité. Ce n’est pas non plus sans raison que j’ai
baillé quelques choses fort obscurément, car ma justice l’exigeait
de la sorte, afin que mon conseil fût aucunement caché aux mauvais,
et qu’un chacun des bons attendit avec ferveur ma grâce, et que,
pour son attente, il en reçut le prix, de peur que mes conseils
eussent été déclarés, et qu’insinués en quelque certain temps, tous
ne se désistassent de leur attente et poursuite amoureuse à raison
de la largeur du temps.

J’ai promis aussi plusieurs choses que j’ai retirées en ce temps, à
cause de l’ingratitude, car s’ils se fussent désistés de leur
malice, certainement j’aurais exécuté ce que je leur avais promis.
Partant, vous ne devez vous troubler si les méchants accusent de
fausseté mes paroles, car tout ce qui est impossible à l’homme m’est
possible.

Mes amis admirent aussi pourquoi, après les paroles, les oeuvres ne
suivent point, car ceci n’est pas sans raison. Mais quoi ! Moïse
n’a-t-il pas été envoyé à Pharaon ? et soudain toutefois, les signes
n’ont pas été faits. Pourquoi ? car si soudain les signes fussent
venus et les œuvres eussent été faites, l’obstination et
l’endurcissement de Pharaon n’eussent pas été manifestes, ni la
puissance divine, ni les merveilles déclarées ; néanmoins, Pharaon,
à raison de sa malice, eût été damné, bien que Moïse n’y eût été,
bien que endurcissement n’eût été si manifeste. Il s’en fait de même
maintenant.

Partant, demeurez constante, car bien que le soc soit traîné par les
bœufs, néanmoins, il est gouverné selon la volonté du laboureur : de
même, bien que vous ayez et sachiez mes paroles, néanmoins, elles ne
vont et ne viennent pas selon votre volonté, mais selon la mienne,
car je sais quelle est la terre qui est disposée et comment il la
faut cultiver.
Or, vous, commettez mes volontés à moi, et dites : Que votre volonté
soit faite.
 

XXIX.

Saint Jean-Baptiste avertit l’épouse de Jésus, sainte Brigitte,
comment sont désignés et signifiés en figure, Dieu par les poussins,
le corps par le nid du monde, les délectations par les animaux
farouches, la superbe par les oiseaux de rapine, et la joie du monde
par les lacets.

Saint Jean-Baptiste parlait à l’épouse de Jésus-Christ, disant :
Notre-Seigneur Jésus vous a appelée des ténèbres à la lumière, des
immondices à la pureté, des angoisses aux latitudes d’amour ? Qui
pourrait donc expliquer ou satisfaire aux obligations que vous lui
avez de l’en remercier. Véritablement, faites tout autant que vous
pourrez.

Il y a un oiseau qui se nomme une pie, qui aime grandement ses
petits, d’autant que les œufs dont ses petits sont éclos, ont été en
son ventre. Cet oiseau fait son nid des choses vieilles et rompues,
à raison de trois choses : 1- pour le repos ; 2-pour se mettre à
couvert de la pluie et des extrêmes chaleurs ; 3-pour y pour y
nourrir ses poussins, qui ont été produits des œufs ; car cet
oiseau, pour l’amour qu’il porte à ses petits, couve les œufs et
fomente les poussins. Or, quand ils sont nés et grandelets, la mère
les allèche à voler en trois manières : 1-par l’administration de la
viande dont elle se nourrit ; 2- par la fréquente voix ; 3- par
l’exemple de son vol. Mais les poussins, qui aiment leur mère,
accoutumés à la viande de leur mère, s’élèvent peu à peu, suivant
leur mère sur le nid ; puis après, selon que les forces
s’augmentent, ils vont plus avant, jusqu’à ce que l’usage et l’art
les aient rendus parfaits à voler.

Cet oiseau nous représente Dieu, qui est de toute éternité et ne
change point, et de lui dépendent toutes les âmes raisonnables,
comme d’un ventre. A chaque âme est préparé un nid des choses les
plus usées, d’autant que le corps terrestre est uni à l’âme, dans
lequel Dieu nourrit l’âme de la viande des bonnes affections, le
défend des oreilles des mauvaises pensées, et la met à repos et à
couvert de la pluie des mauvaises actions. Or, chaque âme est jointe
au corps, afin qu’elle le régisse et qu’elle ne soit point régie de
lui, qu’elle l’excite au labeur et qu’elle en ait soin
raisonnablement. Donc, Dieu, comme une bonne mère, enseigne l’âme à
profiter et à avancer dans les choses meilleures ; il l’enseigne à
sortir de ce qui est étroit, pour se dilater à ce qu’il faut faire
et avoir horreur de ce qu’il faut fuir. Premièrement, pour la
viande, lui donnant des lumières, raison et intelligence selon la
capacité d’un chacun, leur montrant ce qui est commandé et ce qui
est défendu, ce qu’il faut faire et ce qu’il faut fuir. Mais comme
la mère enseigne et élève ses poussins sur le nid, de même l’homme
apprend, en premier lieu, à considérer les choses célestes ; à
penser aussi combien serré et vil est le nid du corps, combien
éclatantes et lumineuses sont les choses célestes, et combien est
plaisant et détestable ce qui est éternel. Dieu aussi conduit l’âme
par sa voix, quand il dit : Celui qui me suit aura la vie ; celui
qui m’aime ne mourra point. Cette voix conduit au ciel ; qui ne
l’oit, ou il est sourd ou ingrat à la dilection de la mère. En
troisième lieu, Dieu conduit et attire l’âme par le vol,
c’est-à-dire, par l’exemple de son humilité. L’humanité glorieuse de
Jésus-Christ a eu comme deux ailes : 1- d’autant qu’en elle était
toute pureté ; 2- parce qu’elle a fait toute sorte de biens.
L’humanité de Jésus volait au monde avec ces deux ailes.

Que l’âme donc suive le vol de ces deux ailes autant qu’elle pourra.
Que si elle ne le peut par œuvre, pour le moins qu’elle le fasse par
amour et désir. Quand les poussins volent, ils se doivent donner de
garde de trois choses : 1- des animaux farouches, et qu’ils
n’habitent après d’eux, car ils ne pourraient résister à leur force
; 2- des oiseaux de rapine, car les poussins n’ont pas l’aile forte
pour voler vite comme ceux-là : il sera donc plus assuré pour eux de
demeurer cachés ; 3- qu’ils ne désirent jamais la proie où est le
lacet.

Ces animaux dont je viens de parler ne sont autres qui les
délectations et les cupidités du monde. Que l’âme se donne de garde
d’icelles, car elles semblent douces au sentiment, bonnes à la
possession et belles à la vue. Mais hélas ! Quand on les pense
tenir, elles s’enfuient vitement. Quand on les pense tenir, elles
s’enfuient vitement. Quand on y pense prendre plaisir, elles mordent
sans miséricorde. En deuxième lieu, qu’elle se garde des oiseaux de
rapine, qui ne sont autres que la superbe et l’ambition, car elles
désirent incessamment de monter de plus en plus, de précéder les
autres et de les avoir en haine.

Or, que l’âme, ce poussin, se donne bien de garde de ces deux vices,
et qu’elle désire insatiablement de demeurer dans les cachots d’une
humilité inconnue et profonde. Qu’elle ne soit orgueilleuse des
grâces que Dieu lui a données ; qu’elle ne méprise point ses
inférieures, et qu’elle ne pense être meilleure que ceux qui ont une
moindre grâce qu’elle. En troisième lieu, qu’elle se donne bien de
garde de la proie en laquelle le lacet est attaché. Cette proie qui
déçoit n’est autre chose que la joie du monde, car la joie semble
bonne à la bouche, délectable au corps, mais en ces choses-là mêmes,
les pointes mordantes du lacet y sont cachées. Certes, un ris
immodéré apporte une joie déréglée. La volupté du corps nous conduit
à l’inconstance de l’âme, dont s’ensuit la tristesse pressante, ou
en la mort et devant elle , ou quand on est en adversité.

Hâtez-vous donc, ma fille, de sortir souvent de votre nid par les
désirs et les soupirs des choses célestes. Donnez-vous de garde des
oiseaux de rapine, oiseaux d’ambitions, de cupidité et d’orgueil ;
donnez-vous de garde de la proie d’une joie vaine et pétulante.

Après, la sainte Mère de Dieu parla à cette épouse: Gardez-vous,
dit-elle, de l’oiseau qui est teint de poix, car tous ceux qui le
touchent se souillent. Cet oiseau n’est autre que l’amitié immodérée
du monde, qui est inconstante comme l’air, sale et vile en la
poursuite des honneurs, et abominable en ses compagnies. Ne vous
souciez point des honneurs mondains ; ne considérez point les
faveurs passagères ; ne regardez point si on vous loue ou si on vous
blâme, car de tout cela proviennent l’inconstante de l’esprit et le
refroidissement de l’amour divin. Soyez donc constante et ferme.
Confiez-vous que Dieu, qui a commencé de vous tirer du nid, vous
repaîtra jusqu'à la mort. Après la mort, vous n’aurez point faim. Il
vous préservera des peines ; il vous défendra tant que vous vivrez,
et après la mort, vous ne craindrez rien.
 
 
 

XXX.

Ce chapitre est une prière que la Mère de Dieu fait à son Fils pour
l’épouse sainte Brigitte et pour un autre saint. Comment la prière
de la Mère de Dieu est acceptée par le Fils, et de la vraie ou
fausse sainteté de l’homme pendant qu’il vit.
 

La Vierge Marie parlait à son Fils, disant : Mon Fils, donnez à
votre nouvelle épouse cette faveur, que votre corps soit enraciné
dans son cœur, afin qu’elle soit changée en vous et soit remplie de
vos indicibles plaisirs. Ce saint ( saint Prinuphe, évêque, comme il
paraît par le chapitre 108), tant qu’il a vécu, a été constant en la
foi comme une montagne, laquelle l’adversité n’ébranle ni la
prospérité n’allèche ; il a été flexible comme l’air à condescendre
à vos volontés car il se portait où le poussait l’impétuosité de
votre Esprit. Il fut d’ailleurs ardent en charité, comme le feu
échauffant les froids et consumant les méchants. Or, maintenant, son
âme est en la gloire avec vous ; mais son vaisseau, le corps, qui a
servi d’instrument aux bonnes œuvres, n’est pas selon la décence
qu’il faut : il gît en un lieu trop vil. Partant, O mon Fils !
Donnez à son corps un honneur plus grand et un bien plus honorable,
puisqu’il vous a honoré selon son pouvoir ; réhaussez-le, puisqu’il
vous a loué autant qu’il a pu.

Le Fils répondit à sa Mère la Sainte Vierge : Bénie soyez-vous, vous
qui ne laissez en arrière rien qui touche à vos amis ! Il n’est pas
décent, ma Mère, qu’une si bonne viande soit parmi les loups. Il
n’est pas raisonnable que celui qui est un saphir en pureté,
conservant en son entier ce qui est saint et rétablissant ce qui est
infirme, gise maintenant parmi la boue et la fange. Il est aussi
convenable que cette lumière soit illuminée pour illuminer les
aveugles. Car de fait, cet homme, comme il a été constant en la foi
et fervent en l’amour, ainsi a-t-il été continent et conforme à mes
volontés. C’est pourquoi il m’a plu comme une viande très bonne, qui
a été cuite dans le feu de toute sorte de patience et de tribulation
; il m’est fils doux et bon en volonté, et meilleur en l’effort des
bonnes œuvres et à avancer généreusement dans la sainte perfection,
et très-bon et très-doux en sa louable fin et consommation de sa
vie. Partant, il n’est pas à propos qu’une telle viande soit si
hautement prisée et exaltée devant les loups, la cupidité desquels
ne peut être rassasiée, la délectation et sensualité desquels fuient
la vertu des herbes, et sont sitibondes et faméliques après les
charognes pourries, et desquels la voix rusée, douce et emmiellée,
nuit à tout le monde.

Il a été aussi comme un saphir enchâssé dans l’anneau par la fin et
par l’éclat de sa vie, par laquelle il s’est montre époux de son
Église, ami de son Seigneur, conservateur d’une foi sainte et
contempteur du monde. Partant, ma très chère Mère, il n’est pas
décent que celui qui avait tant d’amour au bien, soit touché des
immondes, comme un époux du monde, et que les amateurs du monde
s’approchent de celui qui a tant aimé l’humilité.

Il a été encore, en troisième lieu, comme une lumière mise sur le
chandelier par l’exécution et l’observance de mes commandements, et
par la doctrine de sa bonne vie ; par elle, il a affermi les autres,
afin qu’ils ne tombassent ; par elle, il a relevé ceux qui étaient
tombés; par elle, il a excité la postérité à venir à moi. Ceux qui
sont aveugles en leurs amours ne peuvent dignement discerner cette
lumière ; les chassieux de superbe ne les peuvent toucher de leurs
mains galeuses, car cette lumière est trop odieuse aux ambitieux,
désireux et amateurs de leurs volontés. Partant, avant que cette
lumière soit élevée, il est juste et raisonnable que ceux qui sont
aveugles soient éclairés.

Quand a cet homme, que les hommes de la terre appellent saint, il y
a trois choses qui ne le montrent point saint : 1- d’autant qu’avant
sa mort, il n’imitait point la vie des saints ; 2- parce qu’il n’a
pas eu une joyeuse volonté d’endurer le martyre pour l’amour de moi
; 3- attendu qu’il n’a pas eu une charité fervente et bien ordonnée
comme mes saints l’ont eue. Il y a aussi trois choses qui le font
réputer saint du peuple : 1- le mensonge fallacieux et plaisant ; 2-
la facile croyance des fous ; 3- la cupidité et la tiédeur des
prélats et des examinateurs. Or, si cet homme est en enfer ou non,
il ne vous est pas encore licite de le savoir, mais vous saurez
quand il sera temps d’en parler.
 

Fin du tome premier.

chap.29:         Manquent
341-345
chap.30:
345-348
 
 
 

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