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Livre 1 des Révélations Célestes de Sainte Brigitte de Suède
les Apparitions, extases et locutions sont approuvées par trois papes et par le concile de Bâles,
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Livre 1
Chapitre 1

Comment Notre-Seigneur Jésus-Christ certifie sa très-excellente
incarnation ; en quelle manière il improuve ceux qui profanent et
faussent la foi et le baptême, et en quelle sorte il invite son épouse
bien-aimée à le chérir.

JE suis le créateur du ciel et de la Terre, un en déité avec le Père et le
Saint-Esprit, je suis celui qui parlait aux patriarches et aux prophètes et
celui qu'ils attendaient. C'est pour accomplir leurs désirs, selon ma
promesse, que j'ai pris la chair humaine sans péché ni concupiscence,
entrant dans les entrailles de la Vierge comme un soleil resplendissant
passe par la vitre pure et transparente. En effet, comme le soleil, en
passant par la vitre, ne l'offense pas, de même la virginité de Marie n'a été
ni lésée ni offensée, quand j'ai pris d'elle mon humanité. Or, j'ai pris
l'humanité de telle sorte que je n'ai pas laissé la divinité.
Et bien que je fusse dans le ventre de la Vierge avec l'humanité, je n'étais
pas moindre en déité avec le Père et le Saint-Esprit, conduisant et
emplissant toutes choses, d'autant que, comme la splendeur ne se sépare
jamais du feu, de même ma déité ne s'est jamais séparée de l'humanité, pas
même dans la mort. D'ailleurs, j'ai voulu que mon corps, pur de tout péché,
fût déchiré pour les péchés de tous, depuis la plante des pieds jusqu'au
sommet de la tête, et qu'il fût attaché et cloué sur la croxs. Certes, il est
maintenant immolé tous les jours sur l'autel, afin que l'homme m'aime
davantage, et se ressouvienne plus souvent des
bienfaits et des faveurs dont je l'ai comblé. Mais maintenant, je suis oublié
de tous, négligé, méprisé, et chassé de mon propre royaume comme un roi
à la place duquel le larron pernicieux (le diable) est élevé et honoré. Enfin,
j'ai voulu que mon royaume fût en l'homme, et je devais à bon droit être
son Roi et son Seigneur, puisque je l'avais créé et racheté. Or, maintenant,
il a enfreint et profané la foi qu'il m'avait promise au baptême, violé et
méprisé les lois que je lui avais données ; il aime sa propre volonté et
dédaigne de m'ouïr ; en outre, il exalte le diable, ce pernicieux larron, et il
lui a donné sa foi. Il est vraiment larron, attendu qu'il me ravit, par ses
suggestions mauvaises et par ses fausses promesses, l'âme que j'avais
rachetée de mon sang. Il ne me la ravit pas parce qu'il est plus puissant que
moi, puisque je suis tellement puissant que je puis tout par ma parole, et je
suis si juste que, quand bien même tous les saints me supplieraient, je ne
ferais rein qui serait tant soit peu contraire à ma justice ; mais il me la ravit
d'autant que l'homme, doué du libre arbitre, cède au diable, ayant méprisé
mes commandements : il est donc juste et raisonnable que l'homme
expérimente sa tyrannie. Car le diable a été créé bon apr moi ; mais
tombant par sa mauvaise volonté, il m'est comme serviteur pour la
vengeance des méchants. Or, bien que je sois si méprisé maintenant,
néanmoins, je suis si miséricordieux, que quiconque demandera ma
miséricorde et s'humiliera, je lui pardonnerai tout ce qu'il aura commis, et
l'affranchirai et le délivrerai de ce larron pernicieux ; mais celui qui
persistera à me mépriser, je le visiterai en ma justice, de telle sorte qu'il
temblera de peur à ma voix ; et quiconque l'expérimentera dira : Malheur !
pourquoi a-je donc provoqué la Majesté divine à l'ire et à l'indignation ?

Or, vous, ma fille, que j'ai choisie pour moi, et avec qui je parle de mon
Esprit, aimez-moi de tout votre coeur. non pas comme un fils ou une fille,
ou bien comme les parents aiment leurs enfants, mais plus que tout ce qui
est au monde ; car moi, qui vous ai créée, je n'ai pardonné à aucun de mes
membres pour l'amour de vous, et j'aime tellement votre âme que
j'aimerais mieux encore être crucifié une autre fois, si c'était possible, que
de m'en priver.

Imitez mon humilité ; car moi, qui suis le Roi de gloire et le Roi des
anges, j'ai été revêtu de vieux haillons et attaché nu à la colonne.
J'entendis tous les opprobres, toutes les calomnies qu'on vomissait contre
moi. Préférez ma volonté à la vôtre, car ma Mère, votre Dame, depuis le
commencement de sa vie jusqu'à la fin, n'a jamais fait autre chose que ce
que je voulais. Si vous faites cela, votre coeur sera dans mon coeur et sera
enflammé de mon amour ; et comme ce qui est sec et aride est facilement
enflammé par le feu, de même votre âme sera remplie par moi, et je serai
en vous, de sorte que toutes les choses temporelles vous

seront amères, et toute volupté charnelle vous sera comme un poison.

Vous vous reposerez dans les bras de ma divinité, où il n'y a aucune
volupté charnelle, mais où il y a joie et délectation d'esprit ; car l'âme qui se
remplit de joie intérieurement et extérieurement, ne pense ni ne désire autre
chose que la joie dont elle tressaille. Aimez-moi donc tout seul ; et vous
aurez à foison tout ce que vous voudrez. Eh quoi ! n'est il pas écrit

que l'huile de la veuve ne défaillit point ? que Notre-Seigneur a donné de la
pluie à la terre, selon la parole du Prophète ? Or, je suis le vrai Prophète. Si
vous croyez à mes paroles et les accomplissez, l'huile, la
joie, l'exultation ne vous manqueront jamais.

Chapitre 3

Paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ parle à son épouse touchant la
doctrine de l'amour, et de l'humeur de l'épouse envers son époux. De la
haine des méchants contre Dieu et de la dilection du monde.

JE suis votre Dieu et le Seigneur que vous honorez. Je suis celui qui, par sa puissance,
soutient le ciel et la terre, et qui n'est soutenu par aucun appui ni par aucunes colonnes.
Je suis celui qui, sous les espèces du pain et du vin, vrai Dieu et vrai homme, est immolé
tous les jours. Je suis le même qui vous ai choisie. Honorez mon Père ; aimez-moi ;
obéissez à mon Esprit ; déférez à ma Mère un grand honneur comme a votre Dame.
Honorez tous mes saints ; gardez la foi droite que vous enseignera celui qui a éprouvé
en soi le conflit de la vérité et de la fausseté, et qui a vaincu par mon secours. Gardez
mon humilité craie. Quelle est l'humilité vraie, si ce n'est se manifester tel qu'on est, et
louer Dieu des biens qu'il nous a donnés ?

Mais maintenant, plusieurs me haïssent et réputent mes oeuvres et mes paroles à
douleur et à vanité, et ils embrassent et aiment l'adultère, le diable ; car tout ce qu'ils
font pour moi, ils le font avec murmure et amertume, et ils en confesseraient pas mon
nom, s'ils n'étaient pas confondus par la crainte des hommes. Or, ils aiment si
sincèrement le monde, que le labeur et les paines qu'il leur donne ne les lassent jamais,
et qu'ils sont toujours plus fervents en son amour. Leur service me plaît ni plus ni moins
que si quelqu'un donnait de l'argent à son ennemi pour faire tuer son propre fils.
Ceux-ci font la même chose, car ils donnent une petite aumône, et m'honorent seulement
de leurs lèvres, afin que la prospérité mondaine leur soit favorable, et qu'ils jouissent
des honneurs et des voluptés. De là vient que leur esprit est mort pour le profit et
l'avancement du vrai bien. Or, si vous me voulez aimer de tout votre coeur et ne désirer
rien que moi, je vous attirerai à moi par la charité, comme l'aimant attire le fer ; et je
vous placerai en la force de mon bras, qui est si puissant qu'aucun ne peut l'étendre, si
ferme que quand il est étendu, aucun ne peut le plier ni courbe ; il est encore si doux
qu'il surpasse toutes les choses aromatiques, et n'entre pas en comparaison avec les
délectations du monde ; parce qu'il les surpasse toutes.

Chapitre 4

Paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ parle à son épouse, par
lesquelles il lui dit qu'elle ne doit craindre rien de ce qui lui a été révélé,
ni penser que ce soit du malin esprit. Il dit aussi de quelle manière on
peut connaître le bon et le malin esprit.
 

JE suis votre Créateur et votre Rédempteur. Pourquoi avez-vous eu crainte de mes
paroles, et pourquoi avez-vous réfléchi, pour savoir si elles étaient du bon ou du
mauvais esprit ? Dites-moi, qu'avez-vous trouvé en mes paroles que la conscience ne
vous ai pas dicté de faire ? Où vous ai-je commandé quelque chose contre la raison ?

A cela sainte Brigitte, épouse, répondit : Non ; mais toutes ces choses sont vraiees, et je
me suis malheureusement trompée.

L'Esprit, ou bien l'époux, répondit : Je vous ai commandé trois choses par lesquelles
vous puissiez connaître le bon esprit : 1° je vous ai commandé d'honorer Dieu, qui vous
a créée et qui vous a donné tout ce que vous avez. La raison vous dicte que vous
l'honoriez par-dessus tout. 2° Je vous ai commandé de tenir une fois droite, savoir, que
sans Dieu il n'y aurait rien de fait, et que, sans lui, rien ne peut être fait. 3° Je vous ai
commandé aussi d'aimer la juste et raisonnable continence en toutes choses, car le
monde a été fait pour l'homme afin qu'il en usât à sa nécessité, de sorte aussi que, par
les trois choses contraires à celles-ci, vous pouvez connaître l'esprit immonde, car le
diable vous pousse à la recherche de vogtre propre louange et à vous enorgueillir de ce
qui vous est donné. Il vous pousse aussi à la perfidie et à la déloyauté ; il vous
enflamme aussi d'incontinence dans tous les membres, et embrase le coeur de la
concupiscence de toutes choses. Il déçoit parfois sous prétexte de bien. C'est pourquoi je
vous ai commandé d'examiner tous les jours votre conscience et de la découvrir à ceux
qui sont sages et spirituels. Partant, ne doutez plus que le bon Esprit ne soit avec vous,
quand vous ne désirerez que Dieu et que vous serez tout enflammée de son amour. Je
puis seul faire cela, et il est impossible que le diable d'approche de vous ; même aucun
mal ne peut s'approcher de l'homme sans que je le permette, ou à cause de ses péchés,
ou bien pour quelque occulte jugement connu de moi seul, car il est ma créature, comme
tout le reste, et je l'ai fait bon ; mais il est mauvais apr sa malice, et c'est pourquoi je
suis le Seigneur sur lui. Partant, plusieurs m'imputent à faute, disant que ceux qui me
servent avec grande dévotion, sont fous ou possédés du démon. Ils me font semblable à
l'homme qui, ayant une femme chaste qui se confie à son mari, l'expose à un adultère.
J'en ferais de même, si je permettais qu'un homme juste et qui m'aime, fût donné au
diable. Mais parce que je suis fidèle, le diable ne dominera en rien l'âme qui me sert
fidèlement et dévotement. Or, bien que quelquefois mes amis semblent des fous, cela
n'arrive pas pourtant par l'instigation du diable, ni parce qu'ils me servent avec une
fervente dévotion, mais bien, ou par la faiblesse du cerveau des hommes, ou pour
quelque sujet occulte et secret qui sert à les humilier. Il se peut faire aussi parfois que je
donne puissance au diable sur la chair des hommes justes, pour leurs plus grandes
récompenses, ou bien qu'il obscurcisses leurs consciences ; mais dans les âmes de ceux
qui ont la foi et la dilection envers moi, il n'a ni domination, ni pouvoir.

Chapitre 5

Paroles d'un très grand amour adressées à l'épouse de Jésus-Christ, en la
figure admirable d'un camp bien rangé, par lequel l'Église militante est
désignée. Comment, par les prières de la bienheureuse Vierge et des
saints, l'Église de Dieu est encore réédifiée.

JE suis le Créateur de toutes choses. Je suis le Roi de gloire et le Seigneur des anges. Je
me suis fait un noble camp où j'ai mis mes élus. Mes ennemis ont percé le fondement de
ce camp, et ils ont tellement prévalu sur mes amis, qu'ils ont fait sortir la moëlle de leurs
pieds liés et attachés à la colonne. Leur bouche a été froissée avec des pierres, et ils ont
été opprimés de faim et de soif ; et d'ailleurs, ils poursuivent leur Seigneur. Maintenant,
mes amis demandent secours avec gémissement ; la justice crie veangeance, et la
miséricorde néanmoins veut le pardon.

Alors Dieu même dit à l'armée céleste qui est debout devant lui : Que vous semble-t-il de
ceux-ci, qui ont envahi et occupé mon camp ? L'armée céleste répondit unanimement :
Seigneur, en vous est toute justice, et en vous nous voyons toutes choses. Vous êtes Fils
de Dieu, sans principe et sans fin ; tout jugement vous est donné ; vous êtes leur juge. Et
Notre-Seigneur leur dit : Bien que vous sachiez et voyiez tout en moi, néanmoins, pour
l'amour de cette épouse (sainte Brigitte), prononcez un juste jugement. Et eux
répondirent : Telle est la justice et l'équité : que ceux qui ont percé la muraille soient
punis comme des larrons ; que ceux qui persistent en leur malice, soient châtiés comme
ceux qui entrent par assaut ; que les captifs soient affranchis et les faméliques rassasiés.

Alors la Mère de Dieu, la Sainte Vierge Marie, s'étant tue au
commencement, parla en ces termes : Mon Seigneur et mon très cher Fils,
vous avez été en mon ventre vrai Dieu et vrai homme; vous m'avez
sanctifiée par votre bonté, moi qui n'étais qu'un vase de terre. Je vous en
prie, ayez pitié d'eux encore une fois.

Alors Notre-Seigneur répondit à sa Mère : Bénie soit la parole de votre
bouche ! elle s'est élevée vers Dieu comme une odeur très aromatique.
Vous êtes la gloire et la Reine des anges et des saints, attendu que vous
avez en quelque sorte consolé la divinité et réjoui tous les saints. Et parce
que votre volonté a été, dès le commencement de votre jeunesse, unie à la
mienne, je ferai encore une fois ce que vous voulez. Et il dit à l'armée
céleste : D'autant que vous avez généreusement combattu, je serai encore
apaisé à raison de votre charité. Voilà que je réédifierai ce mur pour
l'amour de vos prières. Je sauverai et guérirai ceux qui ont été opprimés par
violence; je les honorerai au centuple au-delà des calomnies qu'ils ont
souffertes. Mais je donnerai paix et miséricorde à ceux qui se feront
violence et qui me demanderont miséricorde ; et ceux qui la mépriseront
sentiront et éprouveront ma justice.

Il dit ensuite à son épouse : Mon épouse, je vous ai choisie et j'ai versé
mon Esprit dans le vôtre, ou bien je vous ai attirée dans le mien. Vous
entendez mes paroles et celles de tous mes saints, qui, bien qu'ils voient
toutes choses en moi, ont néanmoins parlé pour l'amour de vous, afin que
vous compreniez mieux ; car vous, qui êtes encore en la chair, vous ne
pouvez voir toutes choses en moi, comme eux, qui sont des esprits épurés
et dégagés de la matière. Maintenant aussi, je vous dirai ce que ces choses
signifient : le camp dont nous avons parlé ci-dessus est l'Église militante,
que j'ai édifiée de mon sang et de celui de mes saints ; je l'ai liée et
conjointe par mon amour et j'ai mis en elle mes élus et mes amis. La foi en
est le fondement, savoir, de croire que je suis juge juste et miséricordieux.
Or, maintenant, le fondement est creusé, d'autant que tous croient en moi
et publient ma miséricorde, mais presque pas un ne me publie juste juge ni
ne croit que je juge justement. Car le juge serait inique, qui, ému de
miséricorde, renverrait les méchants impunis, afin que les méchants
oppriment de plus en plus les justes. Or, je suis juge juste et
miséricordieux, de sorte que je ne laisse pas le moindre péché impuni ni le
moindre bien sans récompense. Ceux qui pèchent sans crainte, qui nient
que je sois juste, et troublent de la même manière mes amis qui ont troublé
ceux qui sont liés au cep, sont entrés en la sainte Église par le ceux de la
muraille, car mes amis n'ont point de joie ni de consolation, mais on vomit
sur eux mille sorte d'opprovres, et on les tourmente comme des
démoniaques. S'ils parlent de moi avec vérité, on les repousse et on les
accuse de mensonge. Il y en a qui désirent grandement d'ouïr parler ou dire
des choses bonnes, mais il n'y a personne qui les écoute ou qui leur parle
des choses justes. On vomit des blasphèmes contre moi, qui suis Seigneur
et Créateur : ils disent en effet : Nous ne savons pas s'il y a un Dieu ; et, s'il
y en a un, ne nous en soucions point. Ils jettent par terre l'étendard de ma
croix et le foulent aux pieds, disant : Pourquoi a-t-il souffert ? A quoi cela
nous sert-il ? S'il veut satisfaire ici nos appétits et nos désirs, nous en
sommes contents : qu'il garde son royaume et son ciel. Je veux aussi entrer
dans leurs coeurs, mais ils disent : Nous aimons mieux mourir que de
quitter nos volontés. Voyez, ô mon épouse ! de quelle trempe ils sont : je
les ai faits, et avec une parole, je pourrais les effacer et détruire :
néanmoins, regardez comme ils s'enorgueillissent contre moi. Or,
maintenant, à raison des prières de ma Mère et de tous les saints, je suis
encore si miséricordieux et si patient, que je veux leur envoyer les paroles
qui sont sorties de ma bouche, et leur offrir ma miséricorde. S'ils le veulent
recevoir, je serai apaisé et je les aimerai, sinon, je leur ferai ressentir ma
justice, et ils seront confondus publiquement devant les anges et les
hommes, et ils seront jugés de tous comme des larrons. Car comme des
larrons pendus au gibet sont dévorés par les corbeaux, de même ceux-ci
seront dévorés par les démons sans jamais se consommer ; et comme aussi
ceux qui sont punis par le cep de bois ne trouvent aucun repos, de même
ceux-ci seront en tout et partout environnés de douleur et d'amertume. Un
fleuve ardent coulera en leur bouche, et leur ventre ne sera pas rempli et
rassasié, mais de jour en jour ils seront en proie à de nouveaux supplices.
Or, mes amis seront sauvés, et seront consolés par les paroles qui sortent
de ma bouche. Ils verront ma justice et ma miséricorde. Je les revêtirai des
armés de l'amour, et les rendrai tellement forts, que les adversaires de la foi
tomberont à la renverse comme de la boue ; et ils auront honte
éternellement, quand ils verront ma justice, parce qu'ils ont abusé de ma
patience.

Chapitre 6

Paroles de Jésus-Christ à son épouse. Comment son Esprit ne peut être
avec les iniques. De la séparation des mauvais d'avec les bons. De la
mission des bons, et de ceux qui sont armés spirituellement contre le
monde.

Mes ennemis sont comme des bêtes farouches qui ne peuvent jamais rassasier ni
s'apaiser ; leur coeur est tellement vide de charité que la pensée de ma passion n'y entre
jamais. Jamais cette parole n'est sortie une fois de l'intime de leur coeur : Seigneur,
vous nous avez rachetés : louange vous soit pour votre amère passion ! Comment mon
Esprit peut-il être avec eux ? ils n'ont aucun amour envers moi ; ils trahissent librement
les autres afin d'accomplir leurs volontés ; leur coeur est plein de vile vermine,
c'est-à-dire, d'affections du monde ; le diable a mis en leur bouche la fiente du péché :
c'est pourquoi mes paroles ne leur plaisent point. Partant, je les séparerai des mes amis
avec la scie tranchante ; et comme il n'y a pas de mort plus amère que celle qui est faite
avec la scie, de même il n'y aura pas de supplice qu'ils n'expérimentent et n'éprouvent ;
et le diable les sciera par le milieu ; et ils seront séparés de moi parce qu'ils me sont
odieux ; tous ceux aussi qui sont unis avez eux, seront séparés de moi : c'est pourquoi
j'envoie mes amis pour séparer de mes membres les membres du diable, car ils sont
vraiment mes ennemis. Je les envoie donc comme mes soldats à la guerre, car celui qui
afflige sa chair et s'abstient des choses illicites, est en vérité mon soldat. Ils ont pour
lance les paroles que j'ai dites ; pour glaive en leur main la foi ; pour cuirasse sur leur
poitrine l'amour, afin qu'en toute sorte de rencontre, ils m'aiment de même manière. Ils
ont au côté le bouclier de la patience, afin de supporter toutes choses patiemment, car je
les ai ensserrés comme l'or dans le vase, et maintenant ils doivent sortir et marcher par
ma voie. Et moi, je ne pouvais entrer, selon la justice bien ordonnée, en la gloire
majestueuse avec mon humanité sans tribulation ; comment donc y entreront-ils ? Si
leur Seigneur souffrait, est-ce extraordinaire qu'ils souffrent ? Si Notre-Seigneur a
supporté les coups de fouets, ce n'est pas grand chose s'ils endurent les paroles. Qu'ils
ne craignent pas, car je ne les laisse jamais ; car comme il est impossible au diable de
toucher le coeur de Dieu et de le diviser, de même il lui est impossible de séparer de moi
mes amis. Et d'autant qu'ils sont devant moi comme l'or précieux, s'ils sont éprouvés par
un petit feu, je ne les abandonne pas pourtant, mais cela réussit pour une plus grande
récompense.

Chapitre 7

Paroles de la glorieuse Vierge Marie à sa fille sainte Brigitte, qui lui
enseignent la manière d'être vêtue. Quels sont les vêtements et ornements
dont une vierge doit être revêtue et parée.

Je suis Marie, qui ai enfanté le vrai Dieu et le vrai homme, le Fils de Dieu. Je suis la
Reine des anges. Mon Fils vous aime de tout son coeur, c'est pourquoi aimez-le aussi.
Vous devez être ornée et revêtue de vêtements honnêtes ; je vous montrerai quels et
comment ils doivent être ; car comme vous avez eu premièrement une chemise, puis uen
tunique, des souliers, un manteau, et un collier sur votre poitrine, de même maintenant,
spirituellement, vous devez avoir la chemise de contrition : car comme elle est plus
proche de la chair, de même la contrition et la confession est la première voie pour aller
à Dieu, voie par lquelle l'âme qui se réjouissait dans le péché est purifiée, et la chair
sale et sordide est revêtue. Les deux souliers sont les deux affections, savoir : la volonté
de s'amender des fautes commises, et la volonté de faire le bien et de s'abstenir du mal.
Votre tunique est l'espérance, avec laquelle vous aspirez à Dieu : car comme la tunique
a deux manches, de même que la justice et la miséricorde se trouvent en votre espérance,
afin que vous espériez en Dieu de telle sorte que vous ne négligiez pas sa justice. Et
pensez tellement à sa justice et à son jugement que vous n'oubliiez sa miséricorde, car il
ne se fait aucune justice sans miséricorde, ni aucune miséricorde sans justice. Le
manteau est la foi : en effet, comme le manteau couvre tout, de même l'homme, par la
foi, peut comprendre et atteindre toutes choses. Ce manteau doit être parsemé des signes
de l'amour de votre cher époux, savoir : comment il vous a créée, comme il vous a
rachetée, comment il vous a nourrie et vous a introduite en son esprit, et vous a ouvert
les yeux de l'esprit. Le collier est la considéraition de la Passion, qui doit être
incessamment en votre poitrine : comme mon Fils a été conspué et flagellé ; comment il
a été ensanglanté ; comment, ayant tous les nerfs percés, il était debout sur la croix ;
comment tout son corps trembla dans sa mort, à cause de sa douleur immense ;
comment il mit son esprit entre les mains de son Père. Que ce collier soit toujours
suspendu sur votre poitrine. Que sa couronne soit sur votre tête, c'est-à-dire, aimez tant
la chasteté que vous aimiez mieux endurer les coups de verges que vous salir désormais.
Et de là, soyez en tout pudique et honnête ; ne pensez à rien ; ne désirez rien que votre
Dieu, votre Créateur : quand vous le posséderez, vous posséderez tout ; et ainsi parée et
enrichie, vous attendrez l'arrivée de votre cher Époux.

Chapitre 8

Paroles de la Reine du ciel à sa fille bien-aimée sainte Brigitte, par
lesquelles elle lui enseigne de quelle manière elle doit aimer et louer le
Fils et la Mère.

Je suis la Reine du ciel. Il faut chercher avec soin la manière dont vous me
devez luer. Ayez pour certain que toute la louange de mon Fils est ma
louange, et que qui l'honore m'honore. En fait, nous nous sommes
réciproquement aimés avec tant de ferveur que nous avons été tous deux
comme un seul coeur ; et il m'a si spécialement honorée, moi qui n'étais
qu'un vase de terre, qu'il m'a exaltée par-dessus les anges. C'est donc de
cette manière que vous devez me louer :

Béni soyez-vous, ô Dieu ! Créateur de toutes choses, qui avez daigné
descendre dans le sein de la Vierge Marie sans incommodité, et qui avez
daigné prendre d'elle une chair humaine sans péché ! Béni soyez-vous, ô
Dieu ! qui êtes venu à la Vierge sainte, qui êtes né d'elle sans péché,
remplissant des tressaillements d'une joie ineffable son âme et tous ses
membres ! Béni soyez-vous, ô Dieu ! qui avez réjoui la Vierge Marie, votre
Mère, après l'Ascension, lui donnant tant d'admirables consolations, et qui
l'avez elle-même visitée en la consolant divinement ! Béni soyez-vous, ô
Dieu ! qui avez emporté au ciel le corps et l'âme de la Vierge Marie, votre
Mère, et qui l'avez honorablement placée auprès de la divinité, au-dessus
de tous les anges. Faites-moi miséricorde à raison de ses prières
amoureuses.

Chapitre 9

Paroles de la Reine du ciel à sa fille bien-aimée, qui traitent du doux
amour que le Fils avait envers la Vierge Mère. Comment, d'un mariage
très chaste, la Mère de Dieu fut conçue et sanctifiée dès le sein de sa
mère. Comment elle a été enlevée en corps et en âme dans le ciel. Des
vertus de son nom. Des anges, bons ou mauvais, députés pour l'homme.

Je suis la Reine du ciel. Aimez mon Fils, attendu qu'il est très honnête ; et
quand vous le possèderez, vous aurez toute honnêteté. Il est aussi très
désirable ; et quand vous l'aurez, vous aurez tout ce qui est désirable.
Aimez-le aussi, car il est très vertueux ; et quand vous l'aurez, vous aurez
toutes les vertus. Je veux vous dire de combien de délices il a aimé mon
corps et mon âme, combien aussi il a honoré mon nom.

Mon Fils m'a plutôt aimée que je ne l'ai aimé, car il est mon Créateur ; il a
fait et uni avec tant de chasteté le mariage de mon père et de ma mère,
qu'ils ne voulaient jamais avoir affaire ensemble que pour avoir des
enfants. Et lorsqu'il leur fut annoncé par l'ange qu'ils enfanteraient une
Vierge d'où procéderait le salut du monde, ils eussent mieux aimé mourir
que de se connaître par amour charnel. Et certes, la volupté charnelle était
éteinte en eux. Néanmoins, je vous certifie qu'ils se connurent en la chair,
non par concupiscence voluptueuse, mais contre toute sorte de volupté,
par la charité divine, par la parole de l'ange qui l'annonçait ainsi, et par la
dilection divine ; et ainsi, c'est par la charité divine que ma chair a été faite.

Or, mon corps ayant été fait, Dieu, créant mon âme, la mit dans mon
corps, et soudain mon âme et mon corps ont été sanctifiés, âme que les
anges gardaient et conservaient jour et nuit dès qu'elle fut créée ; et lorsque
mon âme était sanctifiée et était unie à mon corps, ma mère ressentait tant
de joie qu'il serait impossible de le dire. Après avoir accompli le cours de
ma vie, il éleva premièrement mon âme, qui dominait le corps, vers la
Divinité, si excellemment au-dessus des autres, et puis mon corps, qu'il n'y
a corps d'aucune créature qui soit si près de Dieu que le mien. Voyez
combien mon Fils a aimé mon corps et mon âme.

Mais il y en a qui sont d'un malin esprit, qui nient que j'ai été enlevée vers
la Divinité en corps et en âme. Voyez aussi combien mon Fils a honoré
mon nom : mon nom est MARIE, comme on le lit dans l'Evangile. Lorsque
les anges entendent prononcer ce nom, ils se réjouissent en eux-mêmes, et
rendent grâces à Dieu, qui leur a fait une telle grâce et une telle faveur, que,
par moi et avec moi, il voient l'humanité de mon Fils glorifiée en la
Divinité. Ceux qui sont dans le purgatoire s'en réjouissent outre mesure,
comme un malade gisant dans son lit, s'il entend quelque parole de
soulagement et qui lui plaise, tressaille soudain d'un contentement
indicible. Les bons anges aussi, entendant prononcer le nom de Marie, se
rapprochent soudain des hommes justes qu'ils gardent, et de l'avancement
desquels ils se réjouissent merveilleusement : car à tous les hommes sont
donnés de bons anges pour leur garde, et de mauvais anges pour les
éprouver, non pas de telle sorte que les anges soient séparés de Dieu, mais
ils servent l'âme de telle manière qu'ils ne laissent pas Dieu. Ils sont
incessamment devant lui, et néanmoins, ils enflamment et incitent l'âme à
bien faire.

Tous les diables aussi craignent le nom de Marie et le révèrent, car
l'entendant prononcer, ils lâchent soudain l'âme qu'ils tenaient sous leurs
griffes. Comme un oiseau de rapine qui tient une proie en ses griffes et en
son bec, s'il entend quelque son lâche sa proie, et voyant qu'il n'y a rien en
effet qui l'empêche, y retourne soudain, de même ces diables, ayant ouï
mon nom, laissent l'âme, épouvantés, mais y reviennent comme un trait
poussé vivement d'un arc bien tendu, à moins que quelque amendement ne
s'ensuive. Ca raussi, il n'y a pas un chrétien, si froid qu'il soit en l'amour de
Dieu, à moins toutefois qu'il ne soit condamné, qui, s'il veut invoquer ce
nom avec l'intention de ne vouloir jamais plus retourner à ses fautes
accoutumées, ne soit délaissé par le diable ; et le diable ne reviendra jamais
plus vers lui, à moins qu'il ne reprenne la volonté de pécher mortellement.
Néanmoins, il lui est permis de le troubler quelquefois, pour la plus grande
récompense et la plus grande gloire du chrétien ainsi éprouvé, mais non de
le posséder.

Chapitre 10

Paroles de la Vierge Marie à sa fille, lui enseignant une doctrine utile,
comment elle doit vivre, et racontant plusieurs miracles de la Passion de
Jésus-Christ.

Je suis la Reine du ciel, Mère de Dieu. Je vous ai dit que vous deviez avoir
un collier en votre poitrine ; or, maintenant je vous le dévoilerai mieux.
Quand, dès le commencement de mon enfance, j'eus compris que Dieu
existait, j'ai toujours été soigneuse et craintive de mon salut et de mon
observance. Mais quand je sus que Dieu était mon créateur et le juge de
toutes mes actions, je l'ai aimé intimement ; j'ai craint à toute heure de
l'offenser par mes paroles, par mes actions. Après, quand je sus qu'il avait
donné la loi et ses commandements au peuple, et avait fait avec eux tant de
merveilles, je résolus fermement en mon âme de n'aimer que lui ; et les
choses mondaines m'étaient grandement amères. Après cela, sachant aussi
que Dieu rachèterait le monde et qu'il naîtrait d'une Vierge, j'ai été touchée
et blessée d'un si grand amour pour lui, que je ne pensais qu'à lui et ne
voulais que lui. Je m'éloignai autant que je pus des discours familiers et de
la présence de mes parents et de mes amis ; je donnai aux pauvres tout ce
que je pouvais avoir, et je ne me réservai que le simple vêtement et quelque
peu pour vivre. Rien ne me plaisait que Dieu. Je désirais incessamment
dans mon coeur de vivre jusqu'au jour de sa naissance, afin de mériter
d'être faite servante de la Mère de Dieu, quoique je m'en estimasse indigne.
Je fis voeu dans mon coeur de garder la virginité, si Dieu l'avait pour
agréable, et de ne rien posséder au monde. Or, si Dieu en voulait
déterminer autrement, je désirais que sa volonté fût faite, et non la mienne,
car je croyais qu'il ne pouvait ni ne voulait rien qui ne me fût utile, c'est
pourquoi je lui commis ma volonté. Or le temps approchant qu'on
présentait au temple les vierges selon l'ordonnance de la loi, je fus
présentée avec les autres, à cause de l'obéissance de mes parents, pensant
en moi-même que rien n'était impossible à Dieu ; et parce qu'il savait que je
ne désirais rien et ne voulais rien que lui, il pouvait me conserver dans la
virginité, si cela lui plaisait; autrement, que sa volonté fût faite. Or, ayant
ouï au temple tout ce qui était commandé, étant retournée à la maison, je
brûlais plus qu'auparavant de l'amour de Dieu, et j'étais de jour en jour
enflammée de nouveaux feux et de nouveaux désirs amoureux. Partant, je
m'éloignais plus que de coutume de tous, et je demeurais seule nuit et jour,
craignant grandement que ma bouche ne dît, que mon oreille n'entendît
quelque chose qui fût contre l'amour de Dieu, ou que mes yeux ne vissent
quelque chose délectable. Je craignais aussi et j'eus soin que mon silence
ne tût ce que je devais dire; et comme j'étais troublée de la sorte en mon
coeur et mettais toutes mes espérances en Dieu, il me vint soudain en
mémoire de penser à la grande puissance de Dieu ; comment les anges et
toutes les choses créées le servent ; combien sa gloire est ineffable et
infinie. Et admirant ceci, je vis trois merveilles : car j'ai vu un astre, mais
non pas comme celui qui brille au ciel. J'ai vu une lumière, mais non pas
comme celle qui brille dans le monde. J'ai senti une odeur, non pas comme
celle des herbes ou de quelque substance aromatique, mais très suave et
ineffable, odeur dont je fus remplie ; et je tressaillais d'une grande joie. De
là, j'entendis une grande voix, mais non de la bouche des hommes ; et
l'ayant entendue, j'ai craint que ce ne fût une illusion. Et soudain m'apparut
un ange comme un homme très beau, mais non pas revêtu de chair, qui me
dit : Je vous salue, pleine de grâce, etc. Et ayant ouï cela, je cherchais ce
que cela signifiait, ou pourquoi il me saluait de la sorte, car j'étais
persuadée que j'étais indigne d'une telle chose et de quelque bien que ce
fût, et je n'ignorais pas toutefois qu'il n'y avait rien d'impossible à Dieu,
qu'il pouvait faire ce qu'il voulait.

Alors l'ange me dit pour la seconde fois : Ce qui naîtra de vous est saint, et
s'appellera Fils de Dieu (cf. Lc 2) ; et comme il lui plaît, ainsi il sera fait. Je
ne m'en croyais pas digne, et je ne demandais pas à l'ange pourquoi ou
quand ce mystère s'accomplirait, mais je m'enquis de la manière dont il se
ferait, car je suis indigne d'être Mère de Dieu et je ne connais point
d'homme ; et comme je l'ai dit, l'ange me répondit qu'il n'y avait rien
d'impossible à Dieu, et que tout ce qu'il veut faire est fait. Ayant ouï la
parole de l'ange, j'eus un grand désir et un grand amour d'être Mère de
Dieu, et mon âme parlait par un excès d'incomparable amour. Et voici que
je prononce ces paroles : que votre volonté soit faite en moi.

A ces mots, le Fils de Dieu fut soudain conçu dans mon sein; mon âme fut
dans une joie ineffable, et tous les membres de mon corps tressaillirent. Et
l'ayant dans mon sein, je le portais sans douleur, sans pesanteur, sans
incommodité ; je m'humiliais en tout, sachant que celui que je portais était
tout-puissant.

Or, quand je l'ai enfanté, je l'ai enfanté sans douleur et sans péché, comme
je l'avais conçu, mais avec une si grande joie d'esprit et de corps, que mes
pieds ne sentaient point la terre où ils étaient. Et comme il est entré en tous
mes membres avec la joie universelle de mon âme, de même il est sorti
sans lésion de ma virginité, mes membres et mon âme tressaillant d'une
joie ineffable. Considérant et regardant sa beauté, mon âme était inondée
de joie, sachant que j'étais indigne d'un tel Fils.

Or, quand je considérais sur ses mains et sur ses pieds la place des clous, et
que j'avais ouï que, selon les prophètes, on le crucifierait, alors mes yeux
fondaient en larmes, et la tristesse déchirait mon coeur. Et quand mon Fils
me regardait ainsi éplorée et larmoyante, il s'attristait jusqu'à la mort. Mais
quand je considérais la puissance de la Divinité, j'étais de nouveau
consolée, sachant qu'elle le voulait ainsi, et qu'il était expédient que cela
arrivât; et alors, je conformais ma volonté à sa volonté, et de cette manière,
ma joie était toujours mêlée de douleur.

Le temps de la passion de mon Fils étant proche, ses ennemis le ravirent à
tous, le frappant sur ses joues et sur son cou ; et ayant craché sur lui, ils
s'en moquèrent. Ayant ensuite été conduit vers la colonne, il se dépouilla
lui-même de ses habits, approcha lui-même de la colonne ses mains, que
ses ennemis lièrent sans miséricorde. Or, étant lié, il n'avait rien pour se
couvrir : mais comme il était né nu, il endurait et souffrait ainsi la honte de
sa nudité. Ses amis, ayant pris la fuite, ses ennemis, les levant ensemble,
l'environnaient de toutes parts, flagellaient son corps pur de toute souillure
et de tout péché. Donc, au premier coup, moi qui étais la plus rapprochée
de lui, je tombai comme morte ; et ayant repris mon esprit, je vis son corps
fouetté et déchiré jusqu'aux os, de sorte que ses côtes paraissaient ; et, ce
qui était plus amer, quand on retirait les fouets, on sillonnait et on déchirait
sa chair. Et lorsque mon Fils, empourpré de sang et tout déchiré, demeurait
ainsi debout, qu'on ne trouvait rien de sain en lui, qu'on ne le flagellait plus,
quelqu'un dit alors avec émotion : Eh quoi ! le ferez-vous mourir ainsi sans
être jugé ? Et il coupa soudain ses liens. Après, mon Fils se revêtit de ses
habits, et alors je vis la place où étaient ses pieds toute pleine de sang et de
vestige de mon Fils ! Je connaissais sa trace, car où il passait, la terre était
teinte de sang ; et ses ennemis ne souffraient pas qu'il s'habillôt, mais ils le
poussaient, et le forçaient d'avancer.

Or, quand on le conduisit comme un larron, mon Fils essuya le sang de ses
yeux ; et quand on l'eut jugé, on lui fit porter la croix ; et quand il l'eut
portée quelque temps, quelqu'un vint, la prit et la porta. Cependant, mon
Fils s'en allant au lieu de sa passion, les uns le frappaient au cou, les autres
à la face ; il fut si fortement et si puissamment battu, que, bien que je visse
pas celui qui le frappait, j'entendais pourtant les coups. Et étant arrivé au
lieu de sa passion, je vis là tous les instruments préparés pour le faire
mourir ; et mon Fils, venant là, se dépouilla lui-même de ses vêtements,
lors même que les ministres disaient entre eux : Ses vêtements sont à nous
: il ne les recouvrera pas, il est condamné à mort.

Or, mon Fils étant là, nu comme il était né, alors on accourut, lui apportant
un voile qui couvrit sa nudité et lui procura une grande joie intérieure.
Après, les bourreaux durs et cruels le prirent et l'étendirent sur la croix,
attachant premièrement sa main droite au poteau, qui était percé pour y
mettre un clou. Et ils perçaient sa main dans la partie où l'os était plus
solide et plus fort ; et puis, tirant avec une corde l'autre main au trou, ils le
crucifièrent. On crucifia ensuite le pied droit et le pied gauche avec deux
clous, de sorte que tous les nerfs et toutes les veines étaient tendus et
rompus. Cela étant fait, ils lui mirent au front une couronne d'épines, qui
perça si profondément la tête de mon Fils, que ses yeux étaient pleins de
sang, ses oreilles bouchées par le sang, et sa barbe en était toute couverte !

Et étant de la sorte empourpré de son sang et ainsi percé, ayant pitié de
moi, qui étais affligée et gémissante, il jeta ses yeux sur saint Jean, fils de
ma soeur, et me recommanda à lui. En ce temps-là, j'ouïs les uns qui
disaient que mon Fils était un larron, les autres, qu'il était un menteur, et
d'autres, qu'il n'y avait aucun homme plus digne de mort que mon Fils.
Toutes ces paroles renouvelaient grandement ma douleur. Mais lorsqu'on
plantait le premier clou comme j'ai dit, au premier coup je tombai comme
morte, les yeux obscurcis, les mains tremblantes, les pieds chancelants, et
je ne le regardai point qu'il ne fût entièrement crucifié, ne pouvant
supporter l'excès de ma douleur.

Or, me levant, je vis mon Fils misérablement pendu à la croix ; et moi, sa
Mère, toute frémissante de crainte, je pouvais à peine demeurer debout, à
cause de la douleur. Mon Fils, me voyant, et ses amis pleurant sans
consolation, dit d'une voix pleurante et haute : Mon Père, pourquoi
m'avez-vous délaissé ? Comme s'il disait : Il n'y a que vous qui ayez pitié
de moi, ô mon Père ! Alors je vis ses yeux à demi morts, ses joues
trempées, son visage triste, sa bouche ouverte, sa langue empourprée de
sang, et son ventre collé au dos, toute l'humeur étant consommée, comme
s'il n'avait point d'entrailles. Je vis son corps pâle et languissant, à cause du
sang qu'il avait répandu, ses mains et ses pieds roidis et étendus, selon les
dimensions de la croix, sa barbe et ses cheveux tout trempés dans son
sang.

Mon Fils donc demeurant de la sorte déchiré et livide, seul, son coeur était
vivant, attendu qu'il était d'une très bonne et forte nature, car il avait pris de
ma chair un corps pur, sain et d'une bonne complexion. Sa peau était si
tendre et si délicate que, dès qu'elle était tant soit peu fouettée, le sang en
ruisselait. Son sang était si vif qu'on pouvait voir à travers sa peau. Et
comme il était d'une bonne nature, la vie combattait avec la mort dans un
corps déchiré. Quand la douleur montait des membres et des nerfs percés
du corps, au coeur, ce qu'il y avait en lui de plus sensible et de plus pur,
son coeur éprouvait d'incroyables souffrances ; et quand quelquefois la
douleur descendait du coeur dans ses membres en lambeaux, alors il
prolongeait sa mort avec amertume. Mais quand mon Fils, environné,
assailli de douleurs, regardait ses amis larmoyants, qui eussent mieux aimé
supporter cette peine avec secours, ou brûler éternellement en enfer, que
de le voir ainsi tourmenté, la douleur que lui procurait la douleur de ses
amis excédait toute l'amertume, toute l'affliction qu'il avait soufferte, tant
dans con corps que dans osn esprit, parce qu'il les aimait tendrement.
Alors, dans la trop grande angoisse de son corps, il criait à son Père, disant
: O Père ! je remets mon esprit en vos mains. Donc, quand moi, sa Mère
affligée, j'ai entendu ces paroles, tous mes membres ont frémi avec une
douleur poignante et trop amère à mon coeur ; et autant de fois que je les
méditais, il me semblait les entendre encore et toujours.

Or, la mort approchant, et le coeur de mon Fils se fendant par la violence
de la douleur, tous ses membres frémirent, et sa tête s'éleva un peu, puis
s'inclina. On voyait sa bouche ouverte et sa langue toute sanglante ; ses
mains s'étaient un peu retirées du trou, et les pieds soutenaient d'autant
plus la pesanteur du corps ; ses doigts et ses bras s'étendaient aucunement,
et le dos était fortement serré au tronc. Alors quelques-uns me dirent :
Marie, votre Fils est mort ; quelques autres me dire : Votre Fils est mort,
mais il ressuscitera. Tandis qu'on me disait cela, un soldat vint, et enfonça
sa lance dans le côté de mon Fils, si avant qu'elle sortait presque de l'autre
côté ! Et dès que la lance fut retirée, la poitrine fut toute sanglante. Alors,
voyant le coeur de mon cher Fils percé, il me semblait que le mien l'était
aussi. Ensuite, on le descendit de la croix, et je le reçus sur mes genoux
comme un lépreux, tout livide et meurtri, car ses yeux étaient morts et tout
pleins de sang, sa bouche était froide comme la neige, sa barbe était
comme une corde, sa face contractée ; ses mains aussi étaient tellement
roides qu'on ne les pouvait mettre sur le nombril ; comme il avait été sur la
croix, ainsi l'avais-je sur mes genoux comme un homme roidi en tous ses
membres. Tout de suite on l'enveloppa d'un drap propre et blanc ; et moi,
je lui nettoyai avec mon linge ses plaies et ses membres ; je lui fermai les
yeux et la bouche, qui étauebt restés ouverts à sa mort. Enfin, on le mit
dans le sépulcre. Oh ! que volontiers alors je me fusse ensevelie vivante
avec mon Fils, si telle eût été sa volonté ! Ces choses étant accomplies, le
bon saint Jean vint et m'amena à la maison. Voilà, ô ma fille ! quelles
choses mon cher Fils a souffertes pour vous.

Chapitre 11

Paroles de Jésus-Christ à son épouse, traitant de la manière qu'il se
donna librement à ses ennemis qui le crucifiaient, et comment il faut
vivre avec contginence, se privant de tout ce qui est illicite, à l'exemple
de sa douce passion.

Le Fils de Dieu parlait à son épouse, disant : Je suis le Créateur du ciel et de la terre, et
le corps qui est consacré sur l'autel est mon vrai corps. Aimez-moi de tout votre coeur,
car je vous ai aimée. Je me suis librement donné à mes ennemis, et mes amis et ma Mère
ont été assaillis d'une douleur trop amère, et ils ont fondu en larmes.

Quand je voyais la lance, les clous, les fouets et autres instruments préparés pour ma
passion, je m'en approchais néanmoins avec joie. Et quand, sous la couronne d'épines,
ma tête fut toute sanglange, et que mon sang ruisselait partout, et bien que mes ennemis
touchassent mon coeur, j'eusse mieux aimé qu'il eût été déchiré en deux que de ne pas
vous posséder et ne pas vous aimer. Parant, vous seriez trop ingrate, si vous ne
m'aimiez, en reconnaissance du grand amour que je vous ai témoigné. Si ma tête a été
percée par les épines et s'est inclinée sur la croix, votre tête doit bien s'incliner à
l'humilit ; et parce que mes yeux étaient remplis de sang et de larmes, vous devez vous
abstenir de ce qui délecte vos yeux ; et parce que mes oreilles ont été remplies de sang et
ont ouï qu'on me détractait, partant, vos oreilles ne doivent pas écouter les paroles
moqueuses, niaises et légères ; et parce qu'aussi on a abreuvé ma bouche d'une boisson
amère, vous devez aussi fermer la bouche aux paroles mauvaises et l'ouvrir aux bonnes ;
et comme mes mains ont été étendues sur le gibet, vos oeuvres, figurées par les mains,
doivent être tendues aux pauvres et à mes commandements ; vos pieds, c'est-à-dire vos
affections, par lesquelles vous devez venir à moi, doivent être crucifiées à toutes les
voluptés ; et comme j'ai souffert en tous mes membres, de même tous vos membres
doivent être prêts et disposés à m'obéir, car j'exige plus de service de vous que des
autres, parce que je vous ai douée et enrichie d'une grâce plus grande et plus excellente.

Chapitre 12

De quelle manière l'ange prie pour l'épouse, et comment Jésus-Christ
interroge l'ange sur ce qu'il implore pour elle. Ce qui est expédient à
l'épouse.

Le bon ange gardien de l'épouse semblait prier Jésus-Christ pour elle ; Notre-Seigneur
lui répondit : Celui qui veut prier pour un autre doit prier pour son salut : car vous, ô
anges ! vous êtes comme le feu qui ne s'éteint jamais, qui brûle incessamment de mon
amour. Vous voyez et savez tout, quand vous me voyez ; vous ne voulez rien, si ce n'est ce
que je veux. Dites donc, qu'est-ce qui est expédient à cette nouvelle épouse ? Et l'ange
lui répondit : Mon Seigneur, vous savez tout. Notre-Seigneur lui repartit : Certes, tout
ce qui a été fait et sera, est éternellement en moi, et j'ai connu tout ce qui est au ciel et
sur la terre, et je le sais, et pourtant, il n'y a point de changement en moi. Néanmoins,
afin que cette épouse entende ma volonté, dites maintenant en sa présence ce qui lui est
nécessaire. L'ange lui dit : Elle a le coeur élevé et enflé, partant, il lui faut une verge
pour être châtiée. Et alors Notre-Seigneur lui dit : Qu'est-ce donc que vous demandez
pour elle, ô mon ami ? Et l'ange lui dit : Je demande la miséricorde et la correction.
Notre-Seigneur dit : Pour l'amour de vous, je lui ferez ce que vous demandez, moi qui ne
fais jamais justice sans miséricorde. Partant, cette épouse me doit aimer de tout son
coeur.

Chapitre 13

Comment l'ennemi de Dieu a trois démons en soi, et du jugement donné
contre lui par Jésus-Christ.

Mon ennemi a en soi trois démons : le premier réside dans les parties de la génération,
le deuxième dans son coeur, le troisième dans sa bouche.

Le premier est comme un pilote qui fait entrer dans le navire l'eau, qui peu à peu le
remplit ; et après, l'eau débordant, le navire est submergé. Ce navire est son corps agité
par les tentations du démon, assailli comme par les vents de ses propres cupidités, et
dans lequel les eaux de la volupté sont d'abord entrées par le navire, c'est-à-dire, par la
délectation qu'il prenait en telles pensées; et parce qu'il n'y résistait pas par la
pénitence, qu'il ne le réunissait pas par les clous de l'abstinence, l'eau de la volupté
allait toujours croissant et ajoutant le consentement ; et de là, le navire étant rempli de
la concupiscence du ventre, l'eau redondait et couvrait de volupté le navire, afin qu'il
n'arrivât pas au port de salut.

Le deuxième démon, qui réside dans le coeur, est semblable au vermisseau qui est dans
la pomme, qui ronge d'abord le dedans, et qui, ayant laissé là sa fiente, entoure toute la
pomme, jusqu'à ce qu'il l'ait toute gâtée. Le diable en agit de même ; en effet, en premier
lieu, il gâte la volonté et ses bons désirs, qui sont comme le cerveau, où subsiste toutes
la force, tout le bien de l'esprit ; et ayant vidé le coeur de tous ses biens, il y laisse des
pensées et des affections du monde de ceux qu'il a aimés le plus. Maintenant il pousse
son corps à ses plaisirs, par lesquels la force divine est diminuée et la connaissance
affaiblie; et le dégoût, le dédain de la vie vraie vient de là. Certes, cet homme est une
pomme sans cerveau, c'est-à-dire, un homme sans coeur, car sans coeur, il entre dans
mon Église, d'autant qu'il n'a aucune charité divine.

Le troisième démon est semblable à un archer qui guette par la fenêtre ceux qui ne s'en
donnent garde. Comment est-ce que le démon ne dominera pas celui sans lequel il ne
parle jamais ? car ce qu'on aime le plus, c'est ce dont on parle le plus souvent. Ses
paroles amères, avec lesquelles il blesse les autres, sont commes des traits acérés qui
sont dardés par autant de fenêtres que le diable est nommé par lui, que l'innocent est
déchiré par ses paroles, et que les simples en sont scandalisés. Parant, moi, qui suis la
Vérité, je jure que je le condamnerai comme une abominable courtisane au feu de
soufre, à avoir les membres coupés, comme un déloyal et un traître, et comme celui qui
méprise son salut, à la confusion éternelle; mais toutefois, tant que le corps et l'âme
seront ensemble en cette vie, ma miséricorde lui est offerte. Or, voici ce que je demande
et exige de lui, savoir, qu'il assiste souvent aux choses divines ; qu'il ne craigne nulle
opprobre ; qu'il ne désire aucun honneur, et que le nom sinistre du diable ne soit jamais
prononcé en lui.

Chapitre 14

Paroles de Jésus-Christ à son épouse. De la manière de faire l'oraison ;
du respect qu'elle doit avoir en la faisant, et de trois sortes d'hommes qui
servent Dieu.

Je suis votre Dieu, qui, crucifié sur la croix, vrai Dieu et vrai homme en une personne,
suis tous les jours dans les mains des prêtres. Quand vous me faites quelque prière,
finissez-la toujours ainsi : Que votre volonté soit faite, et non la mienne. Car quand
vous me priez pour les damnés, je ne vous exauce pas. Quelquefois aussi vous désirez ce
qui est contre votre salut, partant, il est nécessaire que vous soumettiez votre volonté à
la mienne, car je sais tout et je pourvois à tout ce qui vous est utile. Certes, plusieurs me
prient, mais non avec une droite intention, et partant, ils ne méritent pas d'être exaucés.

Vraiment, il y a trois sortes de gens qui me servent en ce monde : les premiers sont ceux
qui me croient Dieu, auteur de tout bien et puissant sur toutes choses. Ceux-là me
servent avec l'intention d'obtenir les honneurs et les choses temporelles, mais les choses
célestes leur sont comme rien ; ils les abandonnent avec joie, afin d'obtenir les choses
présentes ; à ceux-là la prospérité du siècle leur sourit en tout selon leurs désirs. Et
puisqu'ils ont ainsi omis les biens éternels, je récompense tout le bien qu'ils ont fait
pour moi, jusqu'à la dernière maill et au dernier point, d'une récompense mondaine et
temporelle. Les deuxièmes sont ceux qui me croient tout-puissant et juge sévère. Ceux-ci
me servent par crainte du châtiment, non par amour de la gloire céleste, car s'ils ne
craignaient pas, ils ne me serviraient pas. Les troisièmes sont ceux qui me croient
créateur de toutes choses, vrai Dieu, miséricordieux et juste. Ceux-ci me servent, non par
la crainte de quelque châtiment, mais par dilection, par amour. Ils aimeraient mieux
souffrir toutes les peines, s'ils pouvaient, que de provoquer une seule fois ma colère. Les
prières de ceux-ci méritent d'être exaucées, car leur volonté est selon ma volonté. Les
premiers ne sortiront jamais du supplice et ne verront jamais ma face ; les seconds
n'auront pas de si grands supplices, mais ne verront jamais ma face, à moins que la
pénitence les corrige de cette crainte trop servile.

Chapitre 15

Paroles de Jésus-Christ à son épouse, traitant des
conditions d'un grand
roi, appropriées à Jésus-Christ.  Des deux coffres par
lesquels sont
signifiés l'amour de Dieu et l'amour du monde, et de la
doctrine pour
profiter en cette vie.

Je suis comme un grand et puissant roi.  Certes, à un roi
quatre choses sont
requises : 1° il doit être riche ; 2° il doit être doux ;
3° il doit être
sage ; 4° il doit être charitable.

Je suis vraiment Roi des anges et des hommes ; j'ai aussi
quatre conditions
que j'ai dites : en effet, je suis très riche, moi qui
donne à tous ce qui
leur est nécessaire, et pour cela, je n'en diminue pas.
Je suis très doux,
moi qui suis prêt à donner à tous ceux qui me demandent
quelque chose.  Je
suis très sage, moi qui sais ce qui est dû et ce qui est
nécessaire à
chacun.  Je suis très charitable, moi qui suis plus prêt
à donner que
quelqu'un à demander.

J'ai deux coffres : dans le premier est renfermé ce qui
est lourd et pesant
comme du plomb, et la chambre où est ce coffre est
environnée de pointes
aiguës.  Ces deux coffres semblent fort légers à celui
qui commence à les
remuer et à les porter, mais puis, ils sont pesants comme
du plomb.  Et
ainsi, ce qui semblait fort pesant devient léger, et ce
qui semblait âpre et
poignant devient doux.  Dans le second coffre semblent
être renfermés l'or
splendide, les pierres précieuses, des breuvages
odoriférants et doux : mais
vraiment, cet or n'est que boue, et ces breuvages ne sont
que poison.  Pour
aller à ces deux coffres, il y a deux voies, et
auparavant, il n'y en avait
qu'une.  A l'entrée des deux chemins, il y avait un homme
qui criait à trois
hommes marchant par une autre voix : Entendez, entendez
mes paroles, et si
vous ne les écoutez pas, voyez de vos yeux que les
paroles que je vous dis
sont vraies ; que si vous ne les entendez pas, du moins
touchez de vos
mains, et soyez convaincus qu'il n'y a point de fausseté
dans mes paroles.
Alors, le premier des trois dit : Voyons si ses paroles
sont vraies.  Le
deuxième dit : Tout ce que cet homme dit est faux.  Le
troisième dit : Je
sais que ce qu'il dit est vrai, mais je ne m'en soucie
pas.

Ces deux coffres ne sont certes autre chose que mon amour
et l'amour du
monde : mais pour y arriver, il y a deux chemins :
l'abjection et la
parfaite abnégation de sa propre volonté, qui conduit à
mon amour, et la
volupté de la chair, qui conduit à l'amour du monde.  Or,
il semble à
quelques-uns qu'en mon amour il y a des poids, des faix
aussi lourd, aussi
pesants que du plomb ; car quand il faut jeûner, veiller
ou retenir en bride
les appétits de la chair, il leur semble qu'ils portent
du plomb.  Que s'ils
entendent des paroles injurieuses ; s'ils sont en
religion ou en oraison,
ils sont comme sous l'aiguillon, ils sont à toute heure
oppressés et en
proie aux angoisses.  Or, celui qui veut brûler de mon
amour doit
premièrement tourner son faix en désir et en amour de
bien faire ; et puis,
qu'il se soulage peu à peu ; qu'il fasse ce qu'il peut
faire, pensant qu'il
le peut, si Dieu lui donne la grâce ; qu'il persévère
ensuite en ce qu'il a
commencé avec une si grande joie et un si grand courage,
qu'il commence à
porter facilement ce qui lui semblait être si pesant, et
que toute la
rigueur des jeûnes, des veilles, et autres exercices
pesants comme du plomb,
lui soient légers comme des plumes.  C'est sur ce siège
que mes amis se
reposent, et que les méchants et les lâches s'inquiètent,
comme s'ils
étaient entourés d'escourgées et de poignantes épines ;
mais mes amis y
trouvent un grand repos, doux comme des roses.

Il y a, pour aller vers ce coffre, une voie droite, qui
est le mépris de sa
propre volonté, alors que l'homme, ayant considéré ma
passion et mon amour,
résiste de toutes ses forces à sa propre volonté, et est
incessamment allé
vers ce qu'il y a de meilleur.  Et bien que cette voie
soit d'abord un peu
rude, elle plaît néanmoins beaucoup dans le progrès, de
sorte que ce qui
semblait au commencement impossible d'être porté, devient
ensuite très léger
et très facile, et l'on se dit à bon droit : Le joug de
Dieu est doux.

Le monde est le second coffre, dans lequel sont renfermés
l'or, les pierres
précieuses, les breuvages et les parfums odoriférants :
mais néanmoins,
goûtez, ils sont amers comme le poison.  En effet, il
arrive à ceux qui
portent de l'or, que, le corps et les membres étant
affaiblis, les moelles
desséchées, ils meurent ; alors, ils laissent leur or, et
leurs pierreries
ne leur servent pas plus que la boue.  Les breuvages du
monde aussi,
c'est-à-dire, les plaisirs, leur semblent doux ; mais
lorsqu'on les
possèdes, ils débilitent la tête, chargent le coeur,
brisent tous les
membres, et peu de temps après, l'homme se dessèche comme
du foin ; et la
douleur de la mort approchant, tout ce qui était
délectable devient plus
amer que le fiel.  A ce coffre conduit la volonté propre,
quand l'homme n'a
pas le soin de résister à ses passions perverses et
d'anéantir les
affections désordonnées, et qu'il ne médite pas ce que
j'ai commandé et ce
que j'ai fait, mais exécute soudain tout ce qui lui vient
en pensée, soit
licite, soit illicite.  Sur cette voie marchent trois
sortes d'hommes, par
lesquels j'entends tous les réprouvés qui aiment le monde
et leur volonté
propre.

J'ai donc crié, quand j'étais aux entrées des voies : en
effet, prenant une
chair humaine, j'ai montré aux hommes comme deux voies,
savoir : ce qu'il
fallait faire et ce qu'il fallait fuir, quelle voie
conduisait à la vie et
quelle à la mort.  Car avant que je me fusse incarné, il
n'y avait qu'une
voie par laquelle les mauvais descendaient en enfer et
les bons dans les
limbes.  Or, je suis celui qui criait en ces termes : O
hommes ! entendez
mes paroles, qui conduisent à la voie de vie, vivant
éternellement, car
elles sont vraies, et vous pouvez le connaître par ce que
je vous dis
sensiblement.  Que si vous ne les entendez pas ou ne
pouvez pas les
entendre, pour le moins voyez, par la foi et par
l'esprit, que mes paroles
sont vraies : car comme l'oeil corporel voit l'objet
visible, de même, par
les yeux de la foi, on voit et on croit ce qui est
invisible.  Enfin, il y a
dans l'Église plusieurs âmes simples qui font peu de
bien, néanmoins elles
sont sauvées par la foi, me croyant Créateur et
Rédempteur.

Certes, il n'y en pas un qui ne puisse entendre que je
suis Dieu et le
croire. S'il considère comment la terre porte des fruits
; de quelle manière
le ciel donne des pluies ; comment les arbres fleurissent
; de quelle
manière chaque animal subsiste en son espèce ; comment
les astres servent à
l'homme, et les événements contraires à la volonté de
l'homme : par toutes
ces choses, l'homme peut voir qu'il est mortel ; que Dieu
est celui qui
dispose toutes chose selon ses desseins éternels.  En
effet, s'il n'y avait
pas un Dieu, tout serait en désordre.  Donc, tout est
dépendant de Dieu, et
toutes choses sont raisonnablement disposées pour
l'édification de l'homme ;
et il n'y a rien, si petit qu'il soit, qui subsiste sans
raison.  Donc, si
l'homme, à raison de son infirmité, ne peut comprendre ni
entendre ma vertu
comme elle, il la peut néanmoins voir et croire par la
foi.  Que si, ô homme
! vous ne voulez pas considérer par l'esprit ma
puissance, vous pouvez
néanmoins toucher de vos mains les oeuvres que j'ai
faites, et mes saints,
car elles sont tellement claires qu'aucun ne peut douter
qu'elles ne soient
oeuvre de Dieu.  Qui a ressuscité les morts et éclairé
les aveugles, si ce
n'est Dieu ? Qui a chassé les démons, si ce n'est Dieu ?
Qu'a-je enseigné,
sinon des choses utiles pour le salut de l'âme et du
corps, et des choses
faciles à supporter ?

Mais le premier homme dit, c'est-à-dire, quelques-uns
disent : Voyons, et
éprouvons si ces paroles sont vraies : Ceux-là persistent
quelque temps à
mon service, non en raison de l'amour, mais en
considération de l'expérience
et l'imitation des autres, non en laissant leur propre
volonté, mais en
faisant la leur et la mienne.  Ceux-là sont en grands
dangers de servir deux
maîtres, bien qu'ils ne puissent bien servir ni l'un ni
l'autre ; mais quand
ils sont appelés, ceux qui auront plus aimé
Notre-Seigneur seront
récompensés.

Le deuxième, c'est-à-dire, quelques-uns : Tout ce qu'il
dit est faux, et
fausse est l'Écriture.  Je suis Dieu ; je suis Créateur
de toutes choses, et
sans moi, il n'y a rien de fait ; j'ai établi l'ancienne
et la nouvelle loi
; tout est sorti de ma bouche, et il n'y a point de
fausseté en elle ; car
je suis la Vérité.

Tous ceux donc, dit Notre-Seigneur, qui disent que j'ai
menti et que mon
Écriture sainte est fausse ; ne verront jamais ma face,
car la conscience
leur dicte que je suis Dieu, car toutes choses sont selon
ma volonté et
disposition ; le ciel les illumine, et eux ne se peuvent
illuminer ; la
terre produit les fruits, l'air la fécondité ; tous les
animaux ont un
certain penchant et une certaine disposition ; les
diables croient en moi ;
les juste souffrent des choses incroyables pour l'amour
de moi ; ils voient
toutes ces choses, et néanmoins, ils ne me voient point ;
ils pourraient
encore me connaître en ma justice, s'ils considéraient
comment la terre a
englouti les impies, et comment le feu a brûlé les
iniques ; de même ils me
pourraient voir en ma miséricorde, quand, pour les
justes, l'eau sortit du
rocher ; quand la mer leur céda ; quand le feu ne les
brûla pas ; quand le
ciel, comme la terre, les nourrit ; et parce qu'ils
voient tout cela et
qu'ils disent que je mens, ils ne verront pas ma face.

Le troisième dit, c'est-à-dire, quelques-uns : Nous
savons bien qu'il est
vrai Dieu, mais nous ne nous en soucions pas : ceux-ci
seront éternellement
tourmentés en enfer, car ils me connaissent et ils me
méprisent, moi qui
suis leur Seigneur et leur Dieu.  N'est-ce pas une grande
ingratitude s'ils
se servent de mes biens, et toutefois qu'ils me méprisent
et ne me servent
aucunement ? Car s'ils les avaient de leur industrie
propre, et non
véritablement de moi, le mépris en serait petit.  Or,
ceux qui commencent de
porter mon joug, et cela volontairement et avec un
fervent désir,
s'efforcent de faire ce qu'ils peuvent : à ceux-là, je
leur donnerai ma
grâce.  Or,  ceux qui supportent mon poids, c'est-à-dire,
qui s'efforcent
d'un jour à l'autre, pour l'amour de moi, d'avancer dans
le chemin de la
perfection, je travaillerai avec eux, je ferai leur force
et les enflammerai
d'amour, afin qu'ils me désirent davantage.  Or, ceux qui
sont assis sur le
siège incommode à cause de ses pointes, bien qu'il soit
néanmoins un lien
d'un très grand repos, ceux-là sont nuit et jour dans les
peines, dans les
souffrances avec patience et résignation, et ne
s'abattent pas, mais brûlent
et s'enflamment de plus en plus ; même tout ce qu'ils
font leur semble peu
de chose : ouis, ceux-là sont mes amis très chers ;
ceux-là sont en petit
nombre, parce que les parfums et les breuvages du second
coffre plaît plus
aux autres.

Chapitre 16

En quelle manière il semblait à l'épouse qu'un des saints
parlait à Dieu de
quelque femme foulée horriblement par le diable, laquelle
dut ensuite
délivrée par les prières de la glorieuse Vierge.

Il semblait à sainte Brigitte, épouse, qu'un des saints
parlait à Dieu,
disant : Pourquoi l'âme de cette femme, que vous avez
rachetée de votre
sang, est de la sorte foulée par le diable ?  Le diable
répondit soudain,
disant : Parce que, de droit, elle est à moi.  Et alors,
Notre-Seigneur dit
: De quel droit est-elle à toi ? Le démon répondit : Il y
a deux voies :
l'une conduit aux choses célestes, l'autre aux choses
infernales ; or, quand
elle les considérait toutes les deux, sa consciences et
sa raison erronés
lui dictaient de choisir plutôt la mienne. Et d'autant
qu'elle avait la
pleine et libre volonté de se tourner vers le voie
qu'elle aimerait le
mieux, il lui a semblé qu'il était plus utile de tourner
sa volonté à
commettre le péché, et alors, elle a commencé de marcher
par ma voie.
Après, je l'ai déçue par trois vices, savoir, par la
gourmandise, par la
cupidité de gourmandise et par la luxure.  C'est pourquoi
je suis maintenant
sur son sein, et je la tiens avec cinq mains : avec l'une
je tiens ses yeux,
afin qu'elle ne voie pas les choses spirituelles ; avec
la deuxième, je
tiens ses mains, afin qu'elle ne fasse pas de bonnes
oeuvres ; avec la
troisième, je tiens ses pieds, afin qu'elle n'aille pas
vers le bien ; avec
la quatrième, je tiens son entendement, afin qu'elle
n'ait pas honte de
pécher, et avec la cinquième, je tiens son coeur, afin
qu'elle ne revienne
pas à Dieu par la contrition.

Alors, la Sainte Vierge dit à Notre-Seigneur, son Fils :
Mon Fils,
contraignez le diable à dire la vérité sur ce que je veux
lui demander.  Et
son Fils lui dit : Vous êtes ma très chère Mère ; vous
êtes l'incomparable
Reine du ciel ; vous êtes Mère de miséricorde ; vous êtes
l'indicible
consolation de ceux qui sont en purgatoire ; vous êtes la
joie de ceux qui
sont pèlerins en ce monde ; vous êtes Dame des anges ;
vous êtes très
excellente avec Dieu ; vous êtes aussi princesse sur le
diable : commandez
donc à ce démon tout ce que vous voudrez, ô ma Mère ! et
il vous répondra.

Alors la Sainte Vierge commanda à ce diable : Dis, ô
diable ! quelle
intention a eu cette femme avant d'entrer dans l'Église ?
Le diable lui
répondit : Elle a eu la volonté de s'abstenir du péché.
Et la Sainte Vierge
lui dit : Puisque la volonté qu'elle a eue auparavant la
conduisait en
enfer, dis à quoi tend la volonté qu'elle a maintenant de
s'abstenir du
péché.  Le diable lui repartit à regret : Cette volonté
de se garder de
pécher la conduit au ciel.  Et la Sainte Vierge répliqua
: D'autant que, de
droit, pour la première et mauvaise volonté, vous l'avez
écartée de la voie
méritoire qui conduit à l'Église, la justice et l'équité
veulent que, par la
volonté présente qu'elle a de ne plus pécher, elle soit
ramenée à l'Église.
Je te demande aussi, ô diable ! quelle volonté elle a eu
au point où en est
maintenant sa conscience.  Le diable répond : Elle a la
contrition dans
l'esprit pour les choses qu'elle a faites, et un grand
repentir, se
proposant de ne les jamais plus commettre ; mais elle
veut s'amender autant
qu'elle peut.  La Sainte Vierge demanda de nouveau au
diable : Dis-mois :
ces trois péchés : la luxure, la gourmandise et la
cupidité, peuvent-ils
être dans un même coeur avec ces trois biens, savoir : la
contrition, les
larmes et le ferme propos de s'amender ? Le diable lui
répondit : Non. La
Sainte Vierge dit alors : Sont-ce ces trois vertus ou ces
trois vices qui
doivent se retirer de son coeur, car tu dis qu'ils ne
peuvent demeurer
ensemble ? Le diable dit : Ce sont les vices.  Et alors
la Vierge dit :
Donc, la voie qui la conduisait en enfer lui est fermée,
et la voie du ciel
lui est ouverte.  Outre cela, la Sainte Vierge demanda au
diable : Dis-moi :
si le larron demeurait à la porte de l'épouse pour la
violer, que lui ferait
l'époux ?  Le diable répondit : Si l'époux est bon et
magnanime, il doit la
défendre et exposer sa vie pour la sienne.  Alors la
Sainte Vierge repartit
: Tu es ce pernicieux larron ; cette âme est l'épouse de
mon Fils, car il
l'a rachetée de son propre sang.  Tu l'as donc enlevée et
corrompue par
violence.  Partant, attendu que mon Fils est l'époux de
cette âme et
seigneur sur toi, il faut que tu fuies loin d'elle.
 

(I) Il ne faut pas penser que les pécheurs ayant la foi
soient hors de
l'Église : l'Église est au champ où sont le bon grain et
le mauvais grain.
Cette femme était une courtisane qui ne voulait pas
retourner dans le monde
; le diable la molestait jour et nuit, lui enfonçait les
yeux, la tirait de
son lit.  Sainte Brigitte lui commanda de se retirer ;
cette femme fut
affranchie, voire même des mauvaises pensées.

Chapitre 17

Paroles de Jésus-Christ disant en quelle manière le
pécheur est semblable à
l'aigle, à l'oiseleur et à celui qui se bat à coups de
poing.

Moi qui vous parle, je suis Jésus-Christ, qui a été dans
le sein de la
Vierge, vrai Dieu et vrai homme, gouvernant néanmoins
toutes choses avec mon
Père, bien que je fusse avec la Vierge.

Le pécheur, mon ennemi pernicieux, est semblable à trois
choses : 1° à
l'aigle volant dans les airs, l'aigle sous lequel volent
les autres oiseaux
; 2° à l'oiseleur qui chante avec une flûte frottée de
bitume tenace : les
oiseaux, se délectant de la voix de cette flûte, se
reposent sur elle, et
sont pris et retenus par la glu ; 3° il est semblable à
celui qui se bat à
coups de poings, qui est le premier en toutes sortes de
combats.

Certainement, il est semblable à l'aigle, attendu que,
par sa superbe, il ne
souffrirait pas, s'il le pouvait, que quelqu'un fût son
supérieur, et
déchire autant qu'il peut la renommée de tous avec les
ongles de sa malice,
et je le jetterai dans le feu inextinguible, où il sera
tourmenté sans fin,
s'il ne s'amende.

Il est semblable à l'oiseleur, d'autant que, par la
douceur de ses paroles
et de ses promesse, il attire à soi tout le monde.  Or,
ceux qui viennent à
lui sont tellement exposés à leur perte, que ce n'est
qu'à grande peine
qu'ils pourront s'en échapper.  Partant, les oiseaux de
l'enfer becquèteront
ses yeux, afin qu'il ne voie jamais ma gloire, mais bien
les ténèbres
éternelles de l'enfer.  On lui coupera les oreilles, afin
qu'il n'entende
pas les paroles de ma bouche.  De la plante des pieds
jusqu'au sommet de la
tête, on lui causera autant de douleur qu'il a pris de
plaisir, afin qu'il
souffre autant de peine qu'il a conduit de personnes à
leur ruine.

Il est aussi semblable à celui qui se bat à coups de
poing, qui est le
premier en totue sorte de malices, ne cède à personne et
se résout à
opprimer tout le monde.  Partant, il sera le premier en
toute sorte de
peines ; sa douleur sera toujours renouvelée ; néanmoins,
tant que son âme
est avec son corps, ma miséricorde est toute prête à le
recevoir.

Chapitre 18

Paroles de Jésus-Christ à son épouse sainte Brigitte, qui
traitent comment
l'humilité doit être dans la maison de Dieu, et comment,
par cette maison,
la religion est désignée ; et aussi, quels édifices il
faut construire et
quelles aumônes il faut faire avec ce que nous avons bien
acquis, et du
moyen de restituer le bien mal acquis.

La plus grande humilité doit régner dans ma maison, mais
elle y est tout à
fait méprisée.  Il doit y avoir en elle un mur épais
élevé entre les hommes
et les femmes ; car bien que je puisse les défendre tous
et les contenir
sans mur, je veux néanmoins, à cause des ruses de Satan,
qu'un mur divise et
sépare une habitation de l'autre ; qu'il soit épais, non
pas trop élevé,
mais médiocre ; que les fenêtres soient simples et
lumineuses ; que le toit
soit modérément haut, en sorte qu'en tout on voie
paraître l'humilité : car
ceux qui, maintenant, m'édifient des maisons, sont
semblables aux maîtres
architectes qui prennent par les cheveux le maître de
l'édifice, quand il y
entre, le foulent aux pieds, mettent la boue au sommet et
l'or sous les
pieds ; ceux-ci font de même, parce qu'ils édifient la
boue, c'est-à-dire,
élèvent jusqu'au ciel les choses temporelles et
périssables, mais ne se
soucient pas des âmes, qui sont plus précieuses que l'or.
Si je veux entrer
dans leur coeur, ou par la prédication, ou par
l'inspiration et la
contemplation, ils me prennent par les cheveux et me
foulent aux pieds,
c'est-à-dire, ils blasphèment mes paroles et les réputent
méprisables comme
la boue ; quant à eux, ils s'estiment fort sages.  Que
s'ils voulaient
édifier pour moi, ils édifieraient premièrement pour mon
honneur et pour le
salut des âmes.

Or, quiconque veut édifier ma maison, qu'il prenne
soigneusement garde de
n'y pas employer un seul denier qui ne vienne d'une bonne
et juste
acquisition.  Certes, il y en a plusieurs qui savent que
les biens qu'ils
possèdent viennent d'une mauvaise acquisition, et
néanmoins, ils ne s'en
inquiètent pas ; ils n'ont pas la volonté de restituer,
de satisfaire à ceux
qui en ont été dépouillés, bien qu'ils pussent restituer
et satisfaire,
s'ils le voulaient ; mais néanmoins, considérant qu'ils
ne les peuvent
retenir éternellement, ils donnent à l'Église une partie
de ce qu'ils ont
injustement acquis, comme si, par ce don, ils m'avaient
tout à fait apaisé.
Mais ils réservent à leur postérité le bien qu'ils ont
acquis.  Certes, cela
ne me plaît point, car quiconque veut que ses dons me
plaisent, doit
premièrement avoir le vif désir de s'amender, et faire
ensuite toutes les
bonnes oeuvres qu'il pourra ; il doit aussi pleurer sur
ses fautes passées,
restituer, s'il peut, et s'il ne le peut pas, il doit
avoir la volonté de le
faire quand il pourra, et se donner garde qu'à l'avenir
il ne commette des
fautes semblables.  S'il ne pouvait savoir à qui il doit
restituer, il
pourrait alors me donner son bien, à moi qui puis le
rendre à chacun.  Que
s'il ne le peut rendre, qu'il s'humilie avec un coeur
contrit et avec la
résolution de s'amender.  Je suis riche pour rendre, ou
en ce siècle ou en
l'autre, leurs biens à ceux qui en ont été dépouillés.

Je vais vous montrer ce que signifie la maison que je
veux édifier.

Cette maison est la religion, de laquelle je suis le
fondement, moi qui ai
créé toutes choses, et par qui toutes choses sont faites
et subsistes.  Il y
a quatre murs dans cette maison : le premier est ma
justice, avec laquelle
je jugerai tous ceux qui la contrarient et la haïssent ;
le deuxième est ma
sagesse, avec laquelle j'illumine de ma splendeur tous
ceux qui l'habitent ;
le troisième est ma puissance, par laquelle je les
conforterai et les
affermirai contre les embûches du diable ; le quatrième
est ma miséricorde,
qui reçoit tous ceux qui la demandent.  En cette muraille
est la porte de la
grâce, par laquelle sont reçus tous ceux qui la
demandent.  Le toit de la
maison est la charité, par laquelle je couvre les péchés
de ceux qui
m'aiment, afin que ces péchés ne les damnent pas.  La
fenêtre du toit, par
où entre le soleil, est la considération de ma grâce, par
laquelle la
chaleur de ma Divinité entre dans le coeur de ceux qui
habitent cette
maison.

Quant à ce que nous avons dit, que le mur doit être grand
et fort, cela
signifie que nul ne peut affaiblir mes paroles ni les
détruire.  Mais quant
à ce que ce mur doit être médiocrement haut, cela
signifie que ma sagesse
peut être en partie entendue et comprise, mais non pas
entièrement.  Les
fenêtres simples et lumineuses signifient que, par mes
paroles, bien
qu'elles soient simples, la lumière et la connaissance
divine entre
néanmoins dans le monde.  Le toit médiocrement haut
signifie que mes paroles
se manifestent, non pas en un sens incompréhensible, mais
intelligible.

Chapitre 19

Paroles du Créateur à son épouse, par lesquelles il
traite de sa
magnificience, de sa puissance, de sa sagesse et de sa
vertu, et comment
ceux qu'on appelle sages pèchent plus contre lui.

Je suis l'adorable Créateur du ciel et de la terre.  J'ai
trois choses avec
moi : je suis très puissant, très sage et très vertueux.
Certes, je suis si
puissant que les anges m'honorent dans le ciel ; les
démons, dans l'enfer,
n'osent pas me regarder ; avec un clin d'oeil, j'arrête
tous les éléments.
Je suis si sage que nul ne peut trouver le fond de ma
sagesse, si savant,
que je sais tout ce qui a été et sera ; je suis aussi si
raisonnable, qu'il
n'y a vermisseau ni animal, si difforme et si petit qu'il
soit, que ne l'aie
fait pour quelque fin.  Je suis aussi si vertueux que de
moi, comme d'une
source vive, sort tout bien, comme toute douceur procède
d'une bonne vie.

Parant, nul ne peut sans moi être puissant, sage,
vertueux.  Donc, les
puissants de ce siècle, auxquels j'ai donné la force et
la puissance pour
m'honorer, pèchent contre moi ; mais ils s'en arrogent
l'honneur, comme
s'ils avaient par eux-mêmes et la puissance et la force,
ne considérant pas,
misérables qu'ils sont, leur imbécilité ; car si je leur
donnais la moindre
infirmité, ils défaudraient soudain, et toutes choses
leur seraient viles.
Mais comment alors subsisteront-ils contre ma force et
contre l'enfer ? Or,
ceux-là pêchent plus grièvement contre moi, qui
maintenant sont appelés
sages. Certes, je leur ai donné le sens, l'entendement et
la sagesse, afin
qu'ils m'aimassent, mais ils ne se soucient que de
l'utilité temporelle.
Ils ont les yeux derrière la tête ; ils voient ce qui est
délectable, mais
ils sont aveugles pour voir que je leur ai donné toutes
choses, et il ne
m'en remercient pas ; car sans moi, nul ne pourrait
comprendre ni goûter le
bien et le mal, quoique je permette aux mauvais de
fléchir et de tourner
leur volonté vers ce qu'ils voudront.  Nul aussi ne peut
être vertueux sans
moi ; partant, je puis m'attribuer le proverbe commun :
Celui qui est
patient est méprisé de tous.  De même, à raison de ma
patience, les hommes
m'estiment par trop fou, et partant, je suis méprisé de
tous.

Mais malheur, funeste malheur à ceux auxquels, après ma
patience, je
montrerai les rigueurs horribles de ma justice ! car ils
seront comme de la
boue devant ma justice, qui ne s'arrêtera que lorsque
cette boue se sera
écoulée dans l'enfer.

Chapitre 20

Colloque agréable de la Vierge Mère avec son Fils, et de
la Vierge Mère et
son Fils avec l'épouse, où il est traité de la manière
dont elle doit se
préparer aux noces.

La Mère de Dieu semblait dire à son fils : O mon Fils,
vous êtes Roi de
gloire ; vous êtes Seigneur sur tous les seigneurs ; vous
avez créé le ciel,
la terre et tout ce qui est compris en eux : donc, que
votre désir soit
accompli, que votre volonté soit faite.

Le Fils répond : C'est l'ancien proverbe : ce qu'on a
appris dans la
jeunesse, on le retient dans la vieillesse. De même vous,
ô ma Mère ! vous
avez appris dans votre jeunesse à suivre ma volonté, en
renonçant à la vôtre
pour l'amour de moi ; c'est pourquoi vous avez bien dit :
Que votre volonté
soit faite. Vous êtes comme l'or précieux qui est étendu
et frappé sur
l'enclume, attendu que vous avez été frappée de toutes
sortes de
tribulations et avez souffert mille maux durant mon
inexprimable passion ;
car lorsque mon corps était brisé sur la croix par la
violence de la
douleur, votre coeur était blessé de cela comme d'un fer
très poignant, et
vous eussiez permis volontiers qu'il fût déchiré, si
telle eût été ma
volonté ; vraiment, quand vous eussiez pu vous opposer à
ma passion et
désirer ma vie, vous ne l'eussiez voulu que conformément
à ma volonté.
Partant, vous dites à bon droit : Que votre volonté soit
faite.

Après, la Sainte Vierge parlait à l'épouse disant :
Épouse de mon Fils,
aimez-le, car il vous aime ; honorez ses saints, qui sont
en sa présence,
car ils sont comme d'innombrables étoiles (Matth. 13) ;
leur éclat et leur
splendeur ne peuvent être comparés à aucune lumière
temporelle ; car comme
la lumière du monde est différente des ténèbres, de même
il y a beaucoup
plus de différence entre la lumière des saints et la
lumière de ce monde.
Je vous dis en vérité que si quelqu'un pouvait voir les
saints dans l'éclat
où ils sont, l'oeil humain ne pourrait en soutenir la
splendeur, mais il
serait privé de la lumière corporelle.

Après, le Fils de la Vierge parlait à son épouse, disant
: Mon épouse, vous
devez avoir quatre choses : 1° vous devez être préparée
pour les noces de ma
Divinité, dans lesquelles il n'y a aucune volupté
charnelle, mais où il y a
un grand plaisir spirituel, tel qu'il est convenable que
Dieu prenne avec
l'âme chaste : de sorte que l'amour de vos enfants, des
biens, des parents,
ne doit vous retirer de mon amour, de peur qu'il ne vous
arrive comme à ces
vierges folles (Matth. 25) qui n'étaient point préparées
quand
Notre-Seigneur les voulut appeler aux noces.  Partant,
elles en furent à
juste raison exclues.

2° Vous devez croire à mes paroles, car je suis la
Vérité, source de vérité,
et il n'est jamais sorti de ma bouche que la vérité, et
on ne peut trouver
que vérité en mes paroles, d'autant que, quelquefois,
j'entends
spirituellement ce que je dis, quelquefois à la lettre,
et alors mes paroles
doivent être nûment entendues; et partant, nul ne peut
m'accuser de
mensonge.

3° Vous devez être obéissante.  Qu'il n'y ait aucun de
vos membres qui,
ayant failli, ne subisse une digne pénitence et ne fasse
une amendement, car
bien que je sois miséricordieux, je ne laisse pas
néanmoins ma justice.
Partant, obéissez humblement et joyeusement à ceux à qui
vous devez obéir ;
même ne faites pas ce qui vous semble utile et
raisonnable, si c'est contre
l'obéissance.  En effet, il est mieux de renoncer par
obéissance à votre
propre volonté, quoique votre volonté soit bonne, et de
suivre la volonté de
celui qui commande, si ce qu'il vous commande n'est pas,
ou contre le salut
de votre âme, ou irraisonnable.

4° Vous devez être humble, car vous êtes unie par un
mariage spirituel :
donc, vous devez être humble et pudique à l'arrivée de
votre époux.  Que
votre servante, c'est-à-dire, votre corps, soit modérée
et retenue,
mortifiée et bien conduite.  Vous serez certes fructueuse
et féconde par la
semence spirituelle, et utile à plusieurs; car comme si
le greffe est entré
en un tronc sec, le tronc fleurit sans fruit, de même,
vous devez fleurir et
fructifier par ma grâce, qui vous enivrera, afin que
toute la cour céleste
se réjouisse du vin de douceur que je vous vois donner.
Ne vous défiez pas
de ma bonté.  Je vous certifie que, comme Zacharie et
Élisabeth se
réjouissaient intérieurement d'une joie ineffable, quant
leur fut faite la
promesse d'un enfant futur, ainsi vous vous réjouirez
intimement des grâces
dont je veux vous combler, et d'ailleurs, les autres se
réjouiront par vous.
  Un ange parlait à deux, à Zacharie et à Élisabeth : et
moi, Dieu, Créateur
des anges et votre Dieu tout-puissant, je parle avec
vous.  Ces deux ont
engendré mon ami Jean : et moi, par vous, je veux
engendrer plusieurs
enfants, non charnels, mais spirituels.  Je vous dis en
vérité que Jean
était semblable à un vase plein de miel, d'autant qu'en
sa bouche, il n'est
jamais entré rien de souillé, et qu'il n'a jamais rien
avalé que ce qui
était nécessaire à la vie, et s'est toujours conservé
dans la pureté, de
sorte qu'on le peut bien appeler par excellence ange et
vierge.

Chapitre 21

Paroles de l'Époux et l'épouse en une très belle figure.
Magicien par
lequel le diable est admirablement désigné et signifié.

L'époux parlait en figure à son épouse, rapportant
l'exemple de la
grenouille et disant : Un magicien avec de l'or très bon
et très brillant.
Un homme simple et doux, voulant l'acheter, alla vers le
magicien, qui lui
dit : Vous n'aurez pas cet or, si vous ne m'en donnez de
meilleur et en plus
grande quantité.  Cet homme simple repartit : Je désire
tant votre or que
j'aime mieux vous en donner tout ce que vous voudrez que
de ne point
l'avoir.  Et ayant donné au magicien un or meilleur et en
une plus grande
quantité, il reçut de lui cet or splendide et le mit en
son cabinet, pensant
en faire un anneau pour son doigt.

Or, un peu de temps s'étant écoulé, le magicien vint vers
cet homme simple
et lui dit : L'or que vous m'avez acheté et que vous avez
mis dans votre
cabinet, n'est pas de l'or, mais une grenouille très
vile, qui a été nourrie
dans ma poitrine et nourrie de ma viande.  Et comme il en
voulut faire
l'expérience, la grenouille apparut en son cabinet, le
couvercle duquel
pendait sur les quatre gonds, comme celui qui devait
tomber de l'instant.
Lors, ayant ouvert la porte du cabinet, et ayant vu la
grenouille le
magicien, celle-ci se jeta en sa poitrine. Voyant cela,
les serviteurs et
les amis de cet homme simple lui dirent : Seigneur, l'or
est caché dans la
grenouille, et si vous le voulez, vous le pourrez
heureusement avoir.
Comment le pourrai-je avoir, dit-il ? Ils lui dirent : Si
l'on prenait une
lancette fort aiguë et fort chaude, et qu'on l'enfonçât
dans le dos de la
grenouille, où il est caché, alors soudain il pourrait
avoir cet or. Que si
l'on ne peut trouver de creux en elle, il faudrait alors
enfoncer
puissamment et profondément la lancette, et ainsi, vous
pourriez avoir ce
que vous avez acheté.

Qui est ce magicien, sinon le diable, qui persuade aux
hommes les plaisirs,
les délectations et les honneurs du monde, qui ne sont
qu'une grenouille ?
car il assure que le faux est vrai, et fait voir le vrai
faux ; car il
possède cet or précieux, c'est-à-dire, l'âme que j'ai
faite, par la
puissance adorable de ma Divinité, plus précieuse que les
étoiles et les
planètes ; que j'ai créée pour moi immortelle, stable et
délectable
par-dessus toutes choses, et lui ai préparé avec moi une
habitation, un
repos éternel.  J'ai racheté cette âme de la puissance du
démon avec un
meilleur or et un plus grand prix, quand, par amour pour
elle, j'ai donné ma
chair exempte de péché et impeccable, et ai souffert une
si amère passion
qu'aucun de mes membres n'a été sans quelque blessure ;
et en la créant, je
l'ai mise en son corps comme dans un cabinet, jusqu'à ce
que je la place
dans la dignité suréminente de ma Divinité.  Or,
maintenant, l'âme étant
rachetée de la sorte, elle est devenue comme une
grenouille très laide et
très vile, sautant par la superbe, et demeurant dans le
bourbier par la
luxure, et elle a enlevé mon or, c'est-à-dire, ma
justice.  Et partant, le
diable peut me dire à bon droit : L'or que vous avez
acheté n'est pas de
l'or, mais une grenouille nourrie au sein de mes
plaisirs.  Séparez donc le
corps de l'âme, et vous verrez qu'elle s'envolera soudain
dans mon sein où
elle a été nourrie.  Je réponds à cela : Vu que la
grenouille est horrible à
voir, facheuse à ouïr, vénéneuse à l'attouchement, et
qu'elle ne m'apporte
aucun bien, aucun plaisir, mais bien à vous, qui l'avez
nourrie dans votre
poitrine, elle vous appartient de droit.  Partant,
séparée du corps, elle
s'envolera soudain pour demeurer éternellement avec vous.
Car telle est
l'âme de celui dont je vous parle : certes, elle est
comme un grenouille
pernicieuse, pleine d'immondicités, et nourrie de
voluptés infâmes dans la
poitrine de Satan.  J'approche maintenant de son cabinet,
c'est-à-dire, de
son corps, par l'approche de la mort, qui pend sur quatre
gonds qui tombent
en ruine, attendu que son corps subsiste par quatre
choses : par la force,
la beauté, l'afféterie, le regard, qui tous commence à
défaillir et à se
flétrir.  quand l'âme sera séparée du corps, elle
s'envolera soudain vers le
diable, du lait duquel elle est nourrie, d'autant qu'elle
a oublié mon
amour, qui m'avait fait anéantir et subir la peine et le
supplice qu'elle
méritait ; car elle ne me rend pas plaisir pour plaisir ;
mais d'ailleurs,
elle ôte ma justice : elle me devait mieux servir que
cela, d'autant que je
l'avais rachetée plus qu'aucune autre créature ; mais
elle mieux être avec
le démon.  La voir de son oraison m'est comme la voix de
la grenouille ; sa
vue m'est abominable ; son ouïe n'entendra jamais ma joie
mélodieuse ; son
attouchement envenimé ne sentira pas ma Divinité.  Mais
néanmoins, parce que
je suis miséricordieux, son âme, bien qu'elle soit
immonde, si quelqu'un la
sondait et considérait s'il y a en elle quelque
contrition ou quelque bonne
volonté, et enfonçait en son esprit une lance pointue et
fervente,
c'est-à-dire, la crainte de mon sévère jugement, son  âme
trouverait encore
ma grâce, si elle voulait y consentir.  Que s'il n'y
avait en elle ni
contrition ni charité ; si quelqu'un la piquait d'une
mordante correction et
d'une dure répréhension, il y aurait encore en elle
quelque espérance, car
tant que l'âme vit avec le corps, ma miséricorde infinie
est ouverte à tous.
  Voyez donc que je suis mort pour la charité, et
personne ne me rend la
charité, mais me ravit ma justice, car il serait juste
que les hommes
vécussent, d'autant mieux qu'ils ont été éminemment
rachetés d'un plus grand
labeur.  Mais maintenant, ils veulent vivre plus mal que
je les ai plus
amèrement et plus précieusement rachetés, et veulent
pécher d'autant plus
perfidement que plus je leur ai montré l'abomination de
leur péché. Partant,
voyez et considérez que je ne me courrouce pas sans
sujet, car il
convertissent ma grâce en leur malheur ; je les ai
rachetés du péché, et ils
se plongent de plus en plus dans le péché.  Vous donc, ô
mon épouse !
rendez-moi ce que vous me devez, c'est-à-dire, gardez-moi
votre âme pure,
car je suis mort pour vous, afin que vous la gardiez pure
et intacte.

Chapitre 22

Des demandes de la douce Mère de Dieu à l'épouse ; des
réponses humbles de
l'épouse à la Mère ; des répliques utiles de la Mère à
l'épouse, et du
profit des bons entre les mauvais.

La Mère de Dieu parlait à l'épouse de son Fils, lui
disant : Vous êtes
l'épouse de mon Fils.  Dites ce que vous avez dans l'âme
et ce que vous
demandez. L'épouse lui répondit : Vous le connaissez fort
bien, ô notre Dame
! car vous savez tout.  Et alors la Sainte Vierge lui dit
: Bien que je
sache tout, néanmoins je connaîtrai cela même quand vous
parlerez en la
présence des assistant, qui vous écoutent.  Alors
l'épouse repartit : Je
crains deux choses : 1° que je ne pleure ni n'amende mes
péchés comme je
voudrais ; 2° je m'afflige de ce que plusieurs de vos
enfants sont vos
ennemis.  La Sainte Vierge répondit : Je vous donne trois
remèdes contre le
premier.

En premier lieu, pensez que toutes les choses qui ont une
âme comme les
grenouilles et le reste des animaux, reçoivent
quelquefois des incommodités
; néanmoins, leur âme ne vit pas éternellement, mais elle
meurt avec le
corps : mais votre âme et celle de tous les hommes vivent
éternellement.  En
deuxième lieu, considérez la miséricorde de Dieu, car il
n'y a pas homme,
quelque pécheur qu'il soit, qui n'obtienne pardon, s'il
m'en prie avec
propos de s'amender et avec contrition du passé. En
troisième lieu, voyez
combien est grande la gloire de l'âme qui vit et règne
sans fin en Dieu et
avec l'éternité de Dieu infini.

Contre le deuxième, qui dit que les ennemis de Dieu sont
nombreux, donnez
aussi à vous-mêmes trois remèdes : 1° considérez que
votre Dieu, votre
Créateur et le leur, est leur juge, et ils ne jugeront
jamais désormais,
bien que, jusqu'au temps destiné, il supporte patiemment
leur malice ; 2°
pensez qu'ils sont enfants de damnation, et combien
pesant et insupportable
leur sera de toujours brûler malheureusement d'un
inextinguible feu.  Ils
sont très pernicieux serviteurs ; ils ne seront jamais
mes héritiers, mais
mes enfants posséderont mon héritage.

Or, vous me direz peut-être : Il ne faut donc par leur
prêcher la parole de
Dieu ? Véritablement vous devez considérer qu'entre les
mauvais, il y en a
d'ordinaire des bons, et les enfants adoptifs se retirent
souvent du bien,
comme l'enfant prodigue, qui s'en alla en une autre
région éloignée et vécut
mal ; et même souvent, ceux-là même sont excités à la
componction par la
prédication, et retournent vers leur père, qui les reçoit
avec autant de
plaisirs qu'auparavant ils étaient partis pécheurs.
Partant, il leur faut
prêcher, car bien que le prédicateur voie presque tous
ses auditeurs
méchants, il doit considérer néanmoins à part soi qu'il y
en a parmi ceux-là
qui seront peut-être enfants de Dieu.  Qu'il leur prêche
donc, car ce
prédicateur jouira d'une très bonne récompense.

En troisième lieu, considérez qu'on  permet aux méchants
de vivre pour
éprouver les bons, afin qu'étant exercés par leurs moeurs
fâcheuses, les
bons soient récompensés par le fruit de leur patience,
comme vous le pourrez
comprendre par un exemple.

Bien que la rose sente bon, soit agréable à la vue, douce
au toucher,
néanmoins, elle ne croît que parmi les épines, qui sont
âpres au touche,
laides à la vue et ne sentent point bon.  De même aussi,
les hommes bons et
justes, bien qu'ils soient doux par leur patience, beaux
en leurs moeurs,
agréables en leur conversation, ne peuvent néanmoins
s'avancer ni être
éprouvés que parmi les mauvais.  Quelquefois l'épine
empêche que la rose
soit cueillie avant qu'elle soit éclose et épanouie : de
même les mauvais
empêchent les bons de se laisser aller au mal ; souvent
ils sont retenus
comme par un frein par la malice des méchants, afin
qu'ils ne s'échappent
pas par la joie immodérée ou par quelque autre péché.  On
ne connaît jamais
bien le bon vin que dans la lie : de même les bons et les
justes ne peuvent
s'avancer dans la vertu, sans être éprouvés par les
tribulations et les
persécutions des méchants.

Partant, supportez librement les ennemis de mon Fils ;
considérez qu'il est
leur juge, et pensez que, s'il était équitable de les
ruiner tout à fait, il
pourrait, par ses pouvoirs adorables, les effacer et les
perdre en un
moment.  Endurez-les donc puisqu'il les endure lui-même.

Chapitre 23

Paroles de Jésus-Christ à son épouse, traitant de l'homme
feint et dissimulé
qui est appelé ennemi de Dieu.  Il parle en particulier
de l'hypocrite et le
décrit entièrement.

L'homme feint et dissimulé ressemble à l'homme riche,
beau, fort et généreux
dans le combat de son seigneur.  Mais n'ayant plus son
casque sur sa tête,
il est abominable à voir et il ne peut rien faire.  Son
cerveau paraît creux
et vide ; il a les oreilles au front et les yeux derrière
la tête ; son nez
est coupé ; ses joues sont ridées et enfoncées ; il
ressemble à un homme
mort; sa mâchoire du côté droit, sa gorge et la moitié
des lèvres, sont
tombées, de sorte qu'il n'y a du côté droit que le gosier
qui paraît tout
nu; sa poitrine est pleine de vers qui y fourmillent; ses
bras sont comme
deux serpents. Il porte dans son coeur un scorpion
pernicieux; son dos est
comme un charbon brûlé; ses intestins, corrompus et
puants, sont comme de la
chair en putréfaction; ses pieds morts sont sans
mouvement, incapables de
marcher.

Qu'est-ce que tout ceci signifie ? Écoutez, je vous le
dirai.  L'homme feint
et dissimulé paraît devant les hommes à l'extérieur être
de bonnes moeurs,
orné de sagesse, généreux à la défense de mon honneur ;
mais il n'en est pas
ainsi, car si on lui ôtait son casque de la tête,
c'est-à-dire, si on le
montrait aux hommes tel qu'il est en effet, on le verrait
le plus vile et le
plus poltron de tous.  Certes, son cerveau est tout vide;
sa folie et sa
légèreté dans ses moeurs montrent assez, par des signes
évidents,
manifestes, qu'il est indigne d'un tel honneur, car s'il
était sage selon ma
sagesse divine, il comprendrait qu'il devrait faire une
pénitence d'autant
plus rude et s'abaisser plus profondément, qu'il est
rehaussé en honneur
par-dessus els autres.  Il a les oreilles au front,
attendu qu'au lieu de
l'humilité profonde qu'il devrait avoir, à raison de la
dignité à laquelle
il est élevé et estimé, et brille au-dessus des autres,
il ne veut ouïr que
ses propres louanges et ses propres honneurs,
s'enorgueillissant de telle
sorte qu'il veut que tous l'appellent grand et bon.  Il a
les yeux derrière
la tête, attendu que sa vue et ses connaissances ne sont
inutilement
occupées que des choses présentes, et non des choses
éternelles.  Toute son
étude est de chercher comment il plaira aux hommes,
comment il contentera sa
chair, et non comment il me contentera et profitera aux
âmes.  Son nez est
coupé, car la discrétion lui est ôtée, par laquelle il
pouvait discerner le
péché de la vertu, l'honneur passager de l'honneur
éternel, les richesses
temporelles des richesses immortelles, et les délices
fades et périssables
des douces et permanentes délices.  Ses joues sont
creuses, c'est-à-dire,
toute l'humilité qu'il devait avoir devant moi, la
splendeur et la beauté
dont il devait me réjouir, sont éteintes, flétries,
attendu qu'il a eu honte
de pécher devant les hommes, et non pour ma
considération. L'autre partie de
la mâchoire et de la lèvre était toute tombée, de sorte,
il n'y avait que le
gosier, d'autant que l'imitation de mes oeuvres, la
prédication de mes
paroles et la prière fervente, étaient déchues en lui, de
sorte qu'il ne
restait en lui que le gosier de sa gourmandise.  Or, il
n'était préoccupé
que de l'imitation des méchants, de la révolution des
affaires séculières et
de leurs tracas.  Sa poitrine est remplie de vers, car là
où le souvenir de
ma passion, de mes oeuvres et de mes commandements devait
incessamment
résider, là est la sollicitude des choses temporelles et
la cupidité du
monde, qui rongent cruellement sa conscience, comme des
vers, afin qu'elle
ne pense pas aux choses spirituelles.  Dans son coeur, où
je (bonté
éternelle) voudrais demeurer, et là où mon amour devrait
régner, un méchant
scorpion réside, qui le pique de sa queue, et le flatte,
et l'allèche de sa
face, car de sa bouche sortent des paroles séduisantes et
affétées, mais son
coeur est plein d'injustice et de tromperie, d'autant
qu'il ne se soucie
point que l'Église fût détruite, s'il pouvait satisfaire
à sa volonté
abominable et contenter ses détestables appétits.  Ses
bras sont comme des
serpents pestiférés, car malicieusement il s'étend aux
simples, les
alléchant et les appelant à soi avec sa feinte simplicité
; et ayant saisi
adroitement l'occasion, il les supplante misérablement;
et ensuite, comme un
serpent, il s'entortille en cercle, d'autant qu'il cache
sa malice et son
intolérable iniquité, de telle sorte qu'à grand peine
peut-on découvrir ses
ruses et ses tromperies.   Cet homme dissimulé est devant
moi comme un très
vil serpent : car comme le serpent est haï de tous les
animaux, de même
l'hypocrite m'est le plus désagréable des pécheurs,
attendu qu'il met à
néant la grandeur et la rigueur de ma justice, et me
répute comme un homme
qui ne veut pas se venger.  Son dos est noir comme  un
charbon, bien que,
néanmoins, il dût être blanc comme l'ivoire, attendu que
ses oeuvres
devraient être fortes et pures plus que toutes celles des
autres, afin qu'il
portât les infirmes à bien faire.  Mais maintenant, il
est comme un charbon,
car il est si infirme et si faible qu'il ne saurait
endure une parole pour
l'amour de moi ; mais pour l'amour de soi-même il endure
tout.  Vraiment, il
lui semble être fort dans le monde ; néanmoins quand il
pensera subsister,
il succombera, parce qu'il est difforme et mort, devant
moi et devant les
saints, comme un charbon éteint.  Ses intestins sont
puants, parce que sa
pensée et son affection sont puantes comme une charogne
dont personne ne
peut souffrir la corruption : de même aucun des saints ne
peut le supporter,
mais tous en détournent le visage et en demandent à Dieu
l'épouvantable
jugement et la vengeance terrible.  Ses pieds sont morts
: les deux pieds
signifient deux affections qu'il me porte : l'une, le
désir d'amender les
fautes commises, et l'autre, la volonté de faire le bien.
Mais ces deux
pieds sont tout à fait morts en lui, attendu que toute la
moelle de la
charité est consommée, et il ne reste en lui que les os
d'un épouvantable
endurcissement.  Et ainsi est-il devant moi.  Néanmoins,
tant que l'âme est
dans le corps, il peut trouver ma miséricorde.
 

Déclaration.

Saint Laurent apparut à sainte Brigitte, disant : Tant
que j'ai vécu dans le
monde, j'ai eu trois choses : la continence, la
miséricorde envers mon
prochain, et l'amour envers Dieu.  Partant, j'ai prêché
avec ferveur la
paole de Dieu ; j'ai distribué sagement les biens de
l'Église, et supporté
joyeusement les fouets, les feux et la mort : mais cet
évêque tolère et
dissimule l'incontinence du clergé, dépense largement et
misérablement les
biens de l'Église aux riches ; il a de la charité pour
soi et pour les
siens.  Partant, je lui signifie qu'une légère nuée est
déjà montée au ciel.
  Oh ! que de flambeaux sont éteints et s'obscurcissent,
de peur qu'elle ne
soit vue de plusieurs! Or, cette nuée est l'oraison de la
Mère de Dieu,
qu'elle fait pour l'Église, que les flambeaux de la
cupidité, de
l'indévotion et du défaut de justice, enveloppent, en
sorte que la douceur
de la miséricorde de la Mère de Dieu ne peut pénétrer le
coeur de ces
misérables.

Partant, que cet évêque se convertisse soudain à l'amour
divin, qu'il se
corrige soi-même, et amende ses sujets par ses exemples
et par ses paroles,
les avertissant, les exhortant vivement à ce qu'il y a de
meilleur, sinon,
il sentira la main du juge, et son Église sera purifiée
par le feu et par le
glaive ; elle sera affligée par le larcin et par
tribulation, en sorte qu'en
peu de temps, personne ne la consolera.

Chapitre 24

Paroles de Dieu le Père devant les troupes célestes, et
réponse du Fils et
de la Mère au Père, pour obtenir la grâce pour sa fille,
c'est-à-dire, pour
l'Église.

Le Père éternel parlait, lorsque toute la cour céleste,
écoutait, disant :
Devant vous je me plains : j'ai donné ma fille à un homme
qui l'afflige trop
et la serre misérablement avec un cep de bois, de sorte
que toute la moelle
sort de ses pieds.  Son Fils répondit : C'est celle-là
que j'ai rachetée de
mon propre sang et que j'ai épousée par mon amour ; mais
maintenant, on me
l'a ravie par violence.  Ensuite la Mère de Dieu disait :
Vous êtes mon Dieu
et mon Seigneur, et en mon corps ont été les membres de
votre vrai Fils et
mon vrai Fils.  Or, je ne vous ai rien refusé sur la
terre : ayez donc pitié
de votre fille pour l'amour de mes prières.

Après ceci, les anges parlaient, disant : Vous êtes notre
Dieu et notre
Seigneur, et nous avons en vous toute sorte de biens, et
nous n'avons besoin
que de vous.  Quand vous vous choisîtes cette épouse,
nous vous en
félicitions tous ; mais maintenant, nous pouvons nous en
contrister à bon
droit, car elle est livrée entre les mains d'un méchant,
qui l'avilit
misérablement et la charge d'opprobres.   Faites-lui donc
miséricorde pour
l'amour de votre grande miséricorde, car sa misère est
immense, et il n'y a
personne qui la console et l'en affranchisse, si ce n'est
vous, ô Seigneur,
Dieu tout-puissant !

Alors le Père répondit au Fils : Mon Fils, votre plainte
est ma plainte,
votre parole est ma parole, vos oeuvres sont mes oeuvres.
Vous êtes en moi
et je suis en vous inséparablement.  Que votre volonté
soit faite.  Après,
il dit à la Vierge sainte, Mère de Dieu : Comme vous ne
m'avez rien refusé
sur la terre, je ne veux rien vous refuser dans le ciel.
Que votre volonté
soit accomplie.  Et il dit aux anges : Vous êtes mes
amis, et les flammes de
votre amour brûlent dans mon coeur.  Je ferai miséricorde
à ma fille pour
l'amour de vos prières.

Chapitre 25

Paroles de Dieu le Créateur à son épouse. En quelle
manière sa justice
soutient les mauvais: en trois manières ; et comme la
miséricorde leur est
donnée en trois autres façons.

Je suis l'adorable Créateur du ciel et de la terre.  Vous
admirez, ô mon
épouse! pourquoi je souffre les méchants avec tant de
patience : c'est parce
que je suis miséricordieux, car ma justice les souffre en
trois manières.
En premier lieu, ma justice les souffre afin que leur
temps soit entièrement
accompli.  Car comme un roi juste qui a des méchants dans
sa prison, si on
lui demande pourquoi il ne les fait pas mourir, répond :
Parce que
l'occasion générale ne s'en est pas encore offerte, où on
les entendra, et
on les verra souffrir au profit et à l'utilité des
auditeurs et des
spectateurs : de même je supporte les mauvais jusqu'à ce
que leur temps
vienne, afin que leur malice soit connue aux autres.
N'avais-je pas prédit
la réprobation de Saül longtemps avant qu'elle fût
manifestée aux hommes, de
Saül que j'ai longtemps souffert, afin que sa malice fût
manifestée aux
autres.  Deuxièmement, d'autant que les méchants ont fait
quelque bien dont
ils doivent être récompensés jusqu'au dernier période de
leur vie, afin
qu'il n'y ait pas un bien, quelque petit qu'il soit, fait
pour l'amour de
moi, dont ils ne soient récompensés en cette vie.
Troisièmement, je les
souffre, afin que l'honneur de Dieu et son incomparable
patience soient
publiés : c'est pourquoi j'ai supporté Pilate, Hérode et
Judas, bien que
toutefois ils fussent damnés par leurs péchés.  Partant,
si quelqu'un
s'enquiert pourquoi je supporte celui-là et celui-là,
qu'il considère un
Judas et un Pilate.

Ma miséricorde pardonne aussi aux méchants en trois
manières : premièrement,
à cause de l'excès de mon amour, car la peine éternelle
est longue : c'est
pourquoi, à raison de ma grande charité, je les supporte
jusqu'au dernier
période de leur vie, afin que les peines qui doivent
durer longuement
commencent fort tard ; en deuxième lieu, afin que leur
nature se consomme en
vices, car la nature se consomme par le péché, afin
qu'ils ne trouvent pas
la mort temporelle si amère, si leur nature était forte
dans la jeunesse,
car la nature jeune fait la mort plus longue et plus
amère.  En troisième
lieu, ma miséri corde leur pardonne, à raison de la
perfection des bons et
pour la conversion de quelques méchants : car quand les
hommes bons et
justes sont affligés par les méchants, cela leur profite,
ou bien pour les
retenir du péché, ou bien pour les retenir du péché, ou
bien pour les faire
mériter.  De même les mauvais vivent quelquefois avec les
mauvais pour le
bien ; car quand les méchants considèrent les événements
des méchants et
leur iniquité, ils disent en eux-mêmes : Que nous sert de
les suivre ?
Puisque Dieu est si patient, il vaut mieux se convertir
que l'offenser.  Et
de la sorte, souvent ceux qui s'étaient retirés de moi
retournent vers moi,
car ils ont horreur de commettre telles choses que
commettent les méchants,
leur conscience leur dictant qu'il ne faut pas faire de
telles choses.  De
là vient qu'on dit que celui qui est piqué par le
scorpion, guérit soudain,
s'il est oint de l'huile d'un autre scorpion mort : de
même un méchant,
voyant les événements funeste d'un autre, se repent, et
considérant la
vanité et l'iniquité d'autrui, guérit les siennes.

Chapitre 26

Paroles de louange que les anges donnent à Dieu, et de la
génération des
enfants, si nos premiers parents n'eussent pas péché.  En
quelle manière
Dieu a montré par Moïse ses merveilles à son peuple, et
puis lui à nous en
son avènement.  Des corruptions du mariage corporel qui
se font en ce temps,
et des conditions d'un mariage spirituel.

On a vu devant Dieu une troupe d'anges qui disaient : O
Dieu et Seigneur, à
vous louange et honneur, à vous qui êtes et qui étiez
sans fin ! Nous sommes
vos serviteurs. Nous vous louons, nous vous honorons pour
trois raisons :
premièrement, parce que vous nous avez créés de votre
main puissante, afin
que nous nous réjouissions avec vous, et que vous nous
avez donné la lumière
ineffable, afin que nous tressaillions d'une joie
indicible et éternelle ;
deuxièmement, parce toutes choses sont créées en votre
bonté, persistent en
votre stabilité, toutes subsistent selon votre volonté et
sont permanentes
en votre parole ; troisièmement, parce que vous avez créé
l'homme, pour
lequel vous avez pris l'humanité, d'où nous retirons un
grand sujet de joie
et un grand contentement de ce que votre Mère bien-aimée
a mérité de porter
celui que les cieux ne pouvaient envelopper ni contenir.
Que votre gloire
et votre bénédiction soient sur toutes choses, pour la
dignité angélique
dont vous nous avez revêtus et pour le grand honneur que
vous nous avez fait
! Que votre éternité, que votre perpétuelle stabilité
soit tout à tout ce
qui est et sera jamais ! Que votre amour soit sur l'homme
que vous avez créé
! Vous seul êtes désirable à cause de votre amour ; vous
seul êtes aimable
pour votre stabilité : donc, honneur et gloire vous
soient incessamment
rendus en tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il !

Alors Notre-Seigneur dit : Vous m'honorez dignement pour
toutes les
créatures ; mais dites, pourquoi me louez-vous pour
l'amour de l'homme,
puisqu'il a provoqué mon indignation plus que toutes les
autres créatures ?
Ne l'ai-je pas créé plus excellent que toutes les
créatures terrestres ?
Ai-je souffert, pour aucune créature, tant de choses si
indignes que j'ai
souffertes pour lui ? et ai-je rien racheté plus
chèrement que lui ? Ou
bien, quelle est celle des créatures qui ne garde pas
quelque ordre réglé,
si ce n'est l'homme ? Il m'est la plus fâcheuse de toutes
les créature, car
comme je vous avais créés pour ma gloire et pour mon
honneur, de même
j'avais créé l'homme pour ma gloire.

Certes, je lui avais donné le corps comme un temple
spirituel, dans lequel
j'avais mis l'âme comme un bel ange, parce que l'âme de
l'homme est presque
semblable à la vertu et à la force d'un ange.  Dans ce
temple, moi, son Dieu
et son Créateur, j'étais le troisième, afin qu'il eût du
plaisir et du
contentement.  Je lui ai fait ensuite avec sa propre côte
un autre temple
semblable à celui-ci.  Mais vous, maintenant, ô mon
épouse! pour l'amour de
laquelle se font toutes ces choses, vous pouvez
considérer et demander quels
enfants seraient nés d'eux, s'ils n'eussent péché.  Je
vous dis qu'ils
seraient nés de la divine charité et de la mutuelle
dilection d'Adam et
d'Ève; et de leurs descendants qui se seraient unis, le
sang, dans le corps
de la femme, serait devenu fécond par l'amour sans aucune
sale volupté, et
de la sorte la femme se serait rendue plus fructueuse.
Ensuite, l'enfant
étant conçu sans péché, sans aucun plaisir immonde,
j'aurais versé de ma
Divinité une âme en lui, et la femme l'aurait ainsi porté
et enfanté sans
douleur.  L'enfant aurait été, dès sa naissance, parfait
comme Adam.
L'homme a méprisé cet honneur, quand il a obéi au démon,
et a désiré plus
d'honneur que je ne lui en avais donné.

Or, la rébellion étant faite, mon ange vint à eux.  Ils
eurent honte de leur
nudité, et soudain ils sentirent la concupiscence de la
chair et endurèrent
la faim et la soif.  Alors ils ne me possédèrent plus,
car quand ils me
possédaient, ils ne ressentaient ni faim, ni soif, ni
délectation sensuelle,
ni honte, mais moi seul, j'étais tout leur bien, toute
leur douceur et tout
leur plaisir, et le diable se réjouissait de leur perte
malheureuse et de
leur funeste ruine.  Moi, ému de pitié sur eux, je ne les
ai point laissés,
mais je leur ai découvert une triple miséricorde ; car
ils étaient nus, je
les ai vêtus, et la terre leur a donné du pain ( Gen. 3
).  Pour la luxure
que le démon avait excitée en eux par l'accroissement de
la rébellion, ma
Divinité leur a donné pour leur semence des âmes ; et
tout ce que le diable
leur suggérait de mal, je le changeai heureusement en
bien.   Je leur ai
montré ensuite la manière de bien vivre et de m'honorer,
et leur ai permis
de se marier et d'engendrer ; car avant que je leur eusse
indiqué et permis
le mariage, saisis de crainte et d'effroi, ils n'osaient
pas se marier.

De même, après qu'Abel eut été tué, Adam et Ève l'ayant
pleuré longtemps et
s'étant abstenus de l'usage du mariage, ému de compassion
envers eux, je les
ai consolés.  Et alors, ayant connu ma volonté, ils
commencèrent de nouveau
d'engendrer des enfants, de la postérité desquels moi,
leur Créateur, je
leur promis de naître, selon les desseins éternels de la
Divinité.

Mais la malice des enfants d'Adam croissant de plus en
plus, je manifestai
aux pécheurs les rigueurs épouvantables de ma justice, et
aux élus, les
trésors infinis de ma miséricorde.  En effet, étant
apaisés, je les ai
sauvés de la perdition et je les ai exaltés, parce qu'ils
gardaient mes
commandements et croyaient à mes promesses.  Or, le temps
de ma miséricorde
étant arrivé, je leur ai montré mes merveilles par Moïse
( Exod. 3.4.5 etc.
), car j'ai sauvé mon peuple, selon ma promesse.  Je les
ai nourris de la
manne, et j'allais au-devant d'eux, dans la colonne de
nuée et de feu ; je
leur ai donné ma loi ; je leur ai découvert mes secrets
et révélé les choses
futures, par mes prophètes.  Après tout cela, moi, qui ai
créé toutes
choses, j'élevai une vierge née de père et de mère (
Niceph. lib. I. c. 7.
), de laquelle j'ai pris d'une manière ineffable une
chair humaine ; et je
voulus naître d'elle miraculeusement et sans péché, comme
les premiers
enfants devaient naître au paradis terrestre, par le
mystère de la divine
charité, d'un amour mutuel de ceux qui engendraient sans
autre immonde
volonté.  De même ma Divinité a pris chair humaine de la
Sainte Vierge, sans
connaissance d'homme et sans blesser sa virginité.
Venant donc en ma chair,
vrai Dieu et vrai homme, j'accomplis la loi et toutes les
Écritures, comme
il avait été auparavant prophétisé de moi, et j'ai
commencé une nouvelle
loi, car l'ancienne était étroite et lourde à porter ;
elle n'était qu'une
figure des choses futures qu'il fallait faire.  En effet,
dans cette
ancienne loi, il était loisible à un homme d'avoir
plusieurs femmes, afin
que la postérité ne fût pas sans enfants, ou bien afin
qu'ils ne se
mariassent pas avec les Gentils.  Or, dans ma nouvelle
loi, il est ordonné
que le mari n'ait qu'une seule femme, et il lui est
défendu, tant qu'elle
vit, d'en avoir davantage.

Ceux donc qui se marient, portés par une charité et une
crainte divine pour
engendrer, me sont un temple spirituel dans lequel, moi,
troisième, je veux
demeurer avec eux.  Mais les hommes de ce temps se
marient pour sept raisons
: I° pour la beauté de la face ; 2° pour les richesses ;
3° pour le trop
grand plaisir et l'excessif plaisir qu'ils y prennent ;
4° parce que là se
font une assemblée de parents et d'amis et des banquets
immodérés ; 5° parce
qu'au mariage, il y a de l'orgueil dans les habits, les
banquets, les
cajoleries et autres vanités ; 6° pour engendrer des
enfants, non pas pour
les nourrir à Dieu ou pour les élever dans les bonnes
moeurs, mais pour les
faire parvenir aux richesses et aux honneurs ; 7° pour
satisfaire comme des
chevaux aux appétits de luxure.

Ceux-là viennent avec un consentement et concorde devant
la porte de mon
Église ; leur affection et leurs pensées me sont
entièrement contraires,
attendu que, pour plaire au monde, ils préfèrent leur
volonté à la mienne.
Si leur pensée étaient en moi ; s'ils mettaient leur
volonté dans mes mains
et s'ils se mariaient en ma crainte, alors je
consentirais à leur mariage et
je serais le troisième avec eux.  Or, maintenant, mon
consentement qui
devrait être le principal de leur fait, leur est refusé,
car la luxure est
en leur coeur, et non mon amour.  Après, ils s'approchent
de mon autel, où
ils apprennent qu'ils devraient être un même coeur et une
même âme en Dieu ;
mais alors mon coeur se retire d'eux, parce qu'ils n'ont
pas l'amour de mon
coeur ni le goût de ma chair divinisée ; car ils
cherchent l'amour qui
périra soudain, et trouvent la chair que les vers
rongeront bientôt.
Partant, ceux-là sont unis sans le lien de Dieu, mon
Père, et leur union est
sans la charité du Fils et sans la consolation du
Saint-Esprit.

Or, quand les mariés entrent dans la chambre nuptiale,
soudain mon Esprit se
retire d'eux, et l'esprit d'impureté s'en approche,
attendu qu'ils ne
s'unissent que pas un mouvement de luxure, et il n'y a
que luxure entre eux.
  Néanmoins, je leur ferais miséricorde s'ils se
convertissaient, car ma
grande charité verse l'âme vivant, créée par ma
puissance, et je permets
quelquefois que de mauvais parents engendrent de bons
enfants.
Ordinairement, néanmoins, de mauvais parents ne naissent
que de mauvais
enfants, d'autant que ces enfants imitent l'iniquité de
leurs parents autant
qu'ils peuvent, et les imiteraient davantage, si ma
patience le permettait.
Un tel mariage ne verra jamais ma face, si les mariés ne
font pénitence.
Certes, il n'y a pas de péché, quelque grand qu'il soit,
qui ne soit effacé
par la pénitence.

C'est pourquoi je me convertirai au mariage spirituel que
Dieu fait avec un
corps et une âme chastes, car en ce mariages se trouvent
sept biens opposés
aux maux susdits ; car en lui, la beauté et l'éclat du
corps n'y sont pas
tant désirés, ni la vue de ce qui est désirable par le
débordement de la
sensualité, mais seulement l'amour et la vue de Dieu.  En
deuxième lieu, on
n'y souhaite pas de grands moyens, mais seulement de quoi
vivre et pour
subvenir à la nécessité, et non pour la superfluité.
Troisièmement, ils y
évitent les paroles oiseuses et les cajoleries.
Quatrièmement, ils ne se
soucient point d'y voir leurs amis et leurs parents, mais
je suis leur amour
et leur désir.  Cinquièmement, ils désirent garder
l'humilité intérieure en
leurs consciences, et extérieure en leurs vêtements.
Sixièmement, ils ne
veulent jamais s'adonner à l'impureté.  Septièmement, ils
enfantent à Dieu
leur fils et leurs filles par la sainte conversation, par
le bon exemple et
par la prédication de la parole de Dieu.  Ceux-là
assistent alors aux portes
de mon Église, quand ils gardent une foi inviolable,
quand ils obéissent à
mes volontés et moi aux leurs, et ils s'approchent de mon
autel, quand ils
se plaisent à mon corps et à mon sang.  Et en cette
délectation, ils veulent
être un même coeur, une même âme et une même volonté ; et
moi, Dieu et homme
puissant dans le ciel et sur la terre, je serai troisième
avec eux, moi qui
remplis leur coeur.

Les mariés de ce temps commencent leur union par la
luxure, comme les
chevaux et sont pires que les chevaux.  Mais les mariés
spirituellement
commencent en la charité et la crainte divine ; ils
veulent ne plaire qu'à
moi seul.  Le diable remplit et excite ceux-là à la
délectation de la chair,
dans laquelle il n'y a que puanteur, mais ceux-ci sont
remplis de mon
Esprit, et sont enflammés du feu de l'amour divin, qui ne
s'éteint jamais en
eux.  Je suis un Dieu en trois personnes et un en
substance avec le Père et
le Saint-Esprit ; car comme il est impossible de séparer
le Père du Fils, et
le Saint-Esprit du Père et du Fils ; et comme il est
impossible de séparer
la chaleur du feu, de même il est impossible de séparer
de moi tels mariés
spirituels, et de faire que je ne sois le troisième avec
eux, car mon corps
a été déchiré et mis à mort dans la passion, mais il ne
sera jamais plus
déchiré, il ne mourra jamais plus.  De même ceux qui me
sont incorporés par
une foi droite et par une volonté parfaite, ne mourront
jamais, car là où
ils sont debout, assis ou marchant, je suis toujours le
troisième avec eux.

Chapitre 27

Paroles de la Mère de Dieu à l'épouse, où elle lui montre
qu'il y a trois
choses dans les danses.  Comment ce monde est désigné
pour les danses.
Tribulation que reçut la Mère de Dieu en la mort de
Jésus-Christ.

La Mère Dieu parlait à l'épouse de Jésus-Christ disant :
Ma fille, je désire
que vous sachiez que là où est la danse, là sont trois
choses : la joie
vaine, la voix épandue et le labeur superflu.  Mais quand
quelqu'un entre
triste et dolent dans une maison où l'on danse, alors son
ami, qui
participait à la joie de la danse, le voyant triste et
dolent, se retire de
la danse, afin de s'affliger avec son ami.  Cette danse
est le monde, qui
roule incessamment en ses solitudes malheureuses, que
ceux qui sont fous
prennent pour des joies et des contentements.  Dans ce
monde, il y a trois
choses : la vaine joie, les paroles de cajolerie et le
labeur inutile : car
tout ce à quoi l'homme s'attache avec tant de
sollicitude, le laisse le jour
de sa mort.  Or, que celui qui est en cette danse
considère mon labeur et ma
douleur incomparable ; qu'il compatisse avec moi, qui
étais privée et
séparée de toute la joie mondaine, et qu'il se sépare
aussi du monde.

Certes, à la mort de mon Fils, j'avais le coeur
transpercé de cinq lances :
la première lance était de voir mon très cher Fils
tout-puissant nu à la
colonne, sans pouvoir couvrir sa nudité.  La deuxième
était l'accusation des
blasphèmes qu'on vomissait contre lui, car on l'accusait
d'être traître,
menteur, perfide et déloyal espion, lui que je savais
juste, véridique ; lui
qui n'avait jamais voulu offenser personne.  La troisième
lance était la
couronne d'épines qui a si inhumainement percé sa tête
que le sang découlait
dans sa bouche, dans sa barbe et dans ses oreilles.  La
quatrième était sa
voir, disant : Mon Père, pourquoi m'avez-vous délaissé ?
comme s'il avait
voulu dire : Il n'y a que vous qui me fassiez
miséricorde.  La cinquième
lance qui perçait mon coeur, était sa mort très amère, et
mon coeur a été
presque blessé d'autant de lances qu'il est sorti de sang
de ses veines.
Or, les veines de ses pieds et de ses mains ont été
percées, et la douleur
des nerfs percés a répondu si vivement à son coeur, et du
coeur à ses nerfs
sans aucun relâche, attendu que son coeur était délicat
(parce qu'il était
d'une très bonne nature), que sa vie et sa mort
combattaient ensemble : et
ainsi sa vie était prolongée avec ses cuisantes douleurs.
Mais la mort
s'approchant, son coeur se fendit à cause de
l'intolérable douleur ; alors
soudain tous ses membres tremblèrent, et sa tête, qui
était baissée, se leva
un peu ; ses yeux à demi clos s'ouvraient à demi.  Sa
bouche aussi était
ouverte, et on voyait sa langue ensanglantée ; ses doigts
et ses bras, qui
s'étaient aucunement retirés, s'étendaient.  Mais quand
il eut rendu
l'esprit, sa tête s'abaissa vers sa poitrine, ses mains
se retirèrent un peu
du lieu des plaies, et ses pieds supportaient un plus
grand poids.  Alors
mes mains se séchèrent, mes yeux s'obscurcirent, ma face
pâlit comme la face
d'un homme mort, mes oreilles n'entendaient rien, ma
bouche ne parlait
point, mes pieds chancelaient, et mon corps tomba à
terre.

Or, me relevant, voyant mon cher Fils plus méprisé qu'un
lépreux, je
conformai ma volonté à la sienne, sachant que toutes
choses avaient été
faites selon sa volonté, et que rien ne se pouvait faire
que par sa
permission, et le remerciai de toutes ces choses.  Sa
joie était mêlée de
douleur, car je voyais qu'innocent, il avait voulu
souffrir avec tant
d'amour pour les pécheurs.  Donc, que tous ceux qui sont
dans le monde
considèrent quelle j'étais à la mort amère et cruelle de
mon Fils, et qu'ils
aient toujours cet objet posé devant les yeux de leur
esprit.
 
 
 
 

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